En 1967, lorsque le président Omar Bongo Ondimba (OBO) succède à Léon Mba, premier président du Gabon, il trouve un cadre politique pluraliste. Le besoin de conserver le pouvoir le conduit à proscrire le multipartisme. Il fonde en mars 1968 le parti démocratique gabonais (PDG) parti unique. Puis pour asseoir son pouvoir et pour les besoins de « l’unité national », à travers la désignation des membres du gouvernement et de la haute fonction publique, il met en place un système ethnogéopolitique qui étend sa sphère d’influence à un réseau fiable d'amis. Le système politique qui s’instaure prend appui dans la politique de l’équilibrisme ethnique et le régionalisme et deviennent le cadre de légitimation de l’autorité politique de l’État.
Avant l’avènement du régime parti unique, la désignation politique se fait sur une base de listes de candidats. En fonction du pourcentage de vote obtenu par chacune des listes, le pouvoir est confié au parti dont la liste obtient le plus grand pourcentage de suffrages exprimés. Les alliances faites entre les leaders politiques les plus en vus de toutes les régions du pays conduisent le Bloc démocratique gabonais (BDG) du président Léon Mba à remporter les premières élections pluralistes. Fort des appuis dans l’ensemble des ethnies du pays, le BDG forme le gouvernement et fait reposer sa légitimité dans la reconnaissance de toute la population des leaders politiques de son parti.
En instaurant le parti unique en mars 1968, le président Bongo Ondimba veut donner au PDG le même type de légitimité que celui détenu jadis par le BDG. Pour assurer l’appui à son autorité, puisque la désignation des représentants politiques sur la base de la pluralité de candidats et de la concurrence politique est prohibée, il désigne les représentants politiques dans les structures de l’État par cooptation. Les leaders ou les intellectuels de chaque région susceptibles de faire preuve d’une certaine notoriété auprès de leur ethnie sont approchés pour intégrer le parti et manifester leur soutien au chef de l’État. Ceux qui n’appuient pas le parti et sont chef sont persécutés. En revanche, ceux qui adhèrent au PDG bénéficient de nominations au gouvernement et dans la haute fonction publique et parapublique.
La capacité de mobilisation de leur ethnie et de leur région dans l’expression de la fidélité au chef de l’État deviendra l’enjeu de l’action politique des candidats cooptés. Dans la joute politique, le jeu politique ne vise pas le service du peuple ou du pays, mais servir le président Bongo Ondimba: consolider sa légitimité politique. C’est par l’attachement au chef de l’État et au louange de sa gloire que l’on se mérite la reconnaissance politique et sociale. Le recours aux siens, à son ethnique et à sa région est dans ce contexte est une stratégie d'ascension politique, économique et sociale. Pour cette ascension et le maintien aux plus hautes fonctions de l'État, le chef ethnique ou régional promu s’approprie les prérogatives, les ressources et les privilèges de sa fonction. Cette accumulation primitive de la parcelle de l’autorité politique et administrative de la fonction que le chef ethnique ou régional détient est assortie d’une redistribution concomitante auprès des siens, des membres de son ethnie et de sa région à des fins d’actions et de stratégies politiques pour détenir le monopole de la représentation politique de son ethnie ou de sa région. Dans ce processus, il importe moins au chef ethnique ou régional d’assurer le fonctionnement de l’État conforme aux principes de management que de préserver l’appui des siens, de son ethnie et de sa région à sa personne et par ricochet au chef de l’État.
Conséquemment, le PDG établit un cadre de l’économie de l’affection. Le fonctionnement de l’État se caractérise par des affections spontanées où la survie politique est synchronique à l’efficacité de l’appropriation à des fins personnelles des ressources de l’État en vue des redistributions clientélistes. Il s’instaure dès lors des vices dans le fonctionnement de l’État favorisant des pratiques de mauvaise gouvernance qui entrainent une gestion calamiteuse des ressources de l’État et plongent la population dans la pauvreté et le sous développement.
Il faut effectivement noter que ce ne sont pas toutes les ethnies ou toutes les régions du pays qui bénéficient du système de redistribution clientélistes des prébendes. Le Gabon compte plus d’une trentaine de groupes ethniques d’importance inégale. Les plus petites ne peuvent faire valoir une forte représentation dans leur région. Elles sont mises en marge par les ethnies de plus grande importance. De mêmes les régions qui comptent le moins d’instruits ont une faible représentation au sein de l’appareil d’État. Il est difficiles pour les ressortissants de ces ethnies d’accéder aux services et ressources de l’État. Dans la mesure où l’État est le garant des conditions d’existence, de nombreuses ethnies, des nombreuses personnes sont exclues de la redistribution des ressources collectives. Malgré un PIB de 14000 $, on retrouve ainsi auprès des ethnies qui comptent entre 300 et 800 individus des conditions de vie d’une grande précarité. Ces conditions sont la cause de la disparition lente de plusieurs de ces ethnies.
En 1984, le Centre International de Civilisation Bantou (CICIBA) recense au Gabon environ une soixantaine de groupe ethnolinguistique. En 2003, une étude de l’Institut Pédagogique Nationale (IPN) (2003) dénombre seulement une quarantaine de groupes ethnolinguistiques au Gabon. La diminution constante du nombre des groupes ethnolinguistique est le fait d’un génocide socioculturel qui résulte de l’incapacité des individus qui les composent d’accéder aux conditions minimalement décentes que l’on s’entend de recevoir de son État.
Faut-il noter chez ces groupes l’absence d’une éducation de qualité, l’accès à des soins de santé viables, des logements décents; une alimentation adéquate; un cadre d’épanouissement socioculturel; la possibilité de détenir un emploi pour subvenir aux besoins élémentaires, etc. Par ailleurs, même au sein des groupes ethniques d’importance, il existe des ghettos, des individus qui ne sont pas pris en compte dans la redistribution clientéliste des prébendes. Sans bénéficier de courroies de transmission politiques, plusieurs Gabonaises et Gabonais appartenant aux groupes ethniques d’importance n'accèdent pas aux services et ressources de l’État et sont abandonnés à des situations qui les condamnent à la misère.
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