dimanche 18 mars 2012

Faut-il tuer l’opposition politique classique au Gabon pour que la révolution citoyenne se fasse?

Il est commun de dire que l’effondrement des régimes arabes au Maghreb était un phénomène largement inattendu. Et cette surprise donne lieu à toutes les espérances pour parler d’une possible révolution politique dans les pays d’Afrique au sud du Sahara. Parce que dit-on, si les citoyens sont parvenus à disloquer des régimes plusieurs fois plus dictatoriaux, il n’y a aucune raison que les citoyens africains n’y parviennent pas. Toutes les allusions d’une éventuelle libération politique citoyenne sont ainsi évoquées ici et là comme de ces discours sur les prédictions d’un match de football de troisième division. Mais peut-être a-t-on moins observé les fondements des cassures politiques, dans la mesure où il peut être qualifié de révolutionnaire, sur lesquels ces renversements politiques se sont appuyés.

Il faut dire que la révolution est une cassure politique, la rupture avec un certain ordre de choses. Il faut ensuite soutenir que les partis politiques ne font jamais la révolution politique. Ils participent ou évoluent dans un ordre politique. La révolution politique est essentiellement un phénomène de la société civile et non des organisations politiques. En deuxième lieu, il faut dire que dans un pays où il existe un ordre politique d’opposition authentique, il est impossible que naisse un mouvement de révolution citoyenne.  Les revendications politiques étant canalysées, il ne peut y avoir cet étouffement qui fait sauter le bouchon par la pression populaire non contenue.

En effet, dans les pays arabes du Maghreb, les partis politiques d’opposition étaient inexistants. Les mouvements nés des libérations politiques de la fin des années quatre-vingt n’avaient pas pris racine dans ces pays. Les guerres de libération politiques, celles des contestations politiques guerrières et les guerres avec les pays voisins et également de ces guerres de civilisation entre Occidents et monde arabe avaient créé une catalepsie dans le conscient des citoyens par rapport à des pouvoirs politiques autoritairement convaincants. Les mouvements dits de printemps arabes sont pour cela, selon l’expression forgée par Habermas de « révolution de rattrapage » (nachholende Revolution) à ce qu’avaient connu les sociétés africaines pour faire naitre le multipartisme dans leur pays.

Encore que, par ailleurs, ce qu’Habermas appelle la révolution de rattrapage n'est que la description d’un état cyclique de l’existence des formes d’expression politique citoyenne. On ne peut parler de révolution comme celle de la Révolution française » (1990, p. 188-189). Le mouvement de libération politique au Maghreb n’est que des ajustements entre une vision traditionnelle du pouvoir incarné par des autorités classiques et des aspirations typiques de postmodernité de la part des citoyens.

En effet, dans la présentation même qu’en fait Habermas de cette révolution de rattrapage, il faut tout simplement y percevoir des ajustements qui conduisent à instaurer des formes d’expressions politiques : la naissance du multipartisme. Il faut donc admettre avec le philosophe allemand, comme avec beaucoup d’autres analystes, que les processus révolutionnaires au Maghreb n’est pas porteurs d’une utopie innovatrice, c’est-à-dire d’un projet fondant à la fois un ordre social et un être humain politique nouveau comme l’a été la Révolution française. Parce qu'à ne point douter, cette révolution n’entrainera pas une rupture totale, mais une réorientation pour faire émerger des cadres politiques comme ceux que nous connaissons dans l’Afrique noire francophone. Le Maroc et l’Algérie avaient déjà le multipartisme. C’est pour cela que les révolutions dites du printemps arabe n’y ont pas pris racine, et ce, malgré quelques mouvements de rue mal inspirés.

Assurément, il faut parler d’inspiration nourrie par le vide de l’expression politique face au pouvoir pour que la colère des citoyens fortifie des contestations bouleversantes de l’ordre politique établi. L’existence de l’opposition politique est pour cela un obstacle à la révolution citoyenne. Les citoyens y voient effectivement un cadre susceptible de faire éclore le changement. Lorsque cette opposition est incapable de faire renverser l’autorité politique établie, elle la renforce et annihile les prétentions des acteurs de la société civile à un changement politique radical par rapport à l’ordre politique existant. C'est ce qui est en train de voir en Egypte, en Tunisie et bientôt en Lybie.

Il faut arrêter de voir dans ce qui s’est passé dans les pays arabes du Maghreb quelque chose qui serait comme une référence d’espoir à une révolution politique au Gabon. Il faut donc arrêter de rêve debout, les yeux ouverts avec un discours flamboyant mais peu convaincant. Tant qu’une certaine opposition politique classique existera, nous devons comprendre qu’il faut initier des démarches différentes que celles de la révolution politique pour incarner les changements politiques souhaités. La seule solution pour aller de l’avant est de fédérer tous les partis politiques de l’opposition et demander aux citoyens de choisir ses leaders. Faut-il au préalable parvenir à surmonter les égos.

Joël Mbiamany-N’tchoreret

2 commentaires:

  1. Voici la preuve de l'acceptation par nous memes de la dictature dans cet article trop intelligent pour ètre la reponse a nos problèmes . Qui ignore que ceux qui tiennent le pouvoir chez-nous n'ont pas et n'auront jamais la volonté de respecter les exigences démocratiques ?
    Alors continuons aboyer et de réver debout ?
    Comparaison n'est pas raison , si les acteurs de ce que l'on appel opposition chez nous veulent réellement l'alternance qu'ils posent des actes concrets , si contraire non , alors qu'ils cèdent l'espace à d'autres plus concrets qu'eux . Car leurs soi-disant engagement , que nous le respectons au vu de ça qualité , empèchent l'émergence de nouveaux acteurs plus pragmatiques qu'eux et tue l'espoir de changement au sein d'un peuple opprimé voilà près de 45 ans MAIS SURTOUT FAIRE CONVERTIR CERTAINS A L'INACCEPTABLE pour dire " ON VA ENCORE FAIRE COMMENT ?".

    Aujourd'hui nous tous devrions faire preuve d'unité indissociable , de courage et de pragmatisme face à la situation de dictature monarchique que nous tous subissons . Arrètons ces reflexions intelligentes qui ne font rien changer , l'histoire d'un peuple ou d'une nation ne se calque pas AGIR POUR LE VRAI CHANGEMENT PAR UNE RESISTANCE PACIFISTE , SANS VIOLENCE MAIS AVEC PUISSANCE COMME NOUS L'AVONS DEJA PROPOSE DANS NOS SITE . AGIR / SUBIR ?

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  2. J'ai lu, je vous répondrais bientôt.

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