Selon les clips du journal de 20h de Gabon Télévision que nous avons capté hier dans le net, les étudiants de l’université Omar Bongo de Libreville auraient séquestré leur recteur et saccager le rectorat. De même, les enseignants et chercheurs auraient décrété une grève d’une semaine renouvelable. Ces grèves et révoltes seraient concomitantes à des revendications non satisfaites depuis longtemps.
L’année académique 1991, des revendications et des manifestations aux causes similaires à ceux d’hier avaient paralysé le système éducatif gabonais. Si les corrections mises en œuvre par le gouvernement avaient permis de calmer ces récriminations de façon ponctuelle, elles les ont reportés d’une année à une autre jusqu’aujourd’hui. Dans cette gestion bricolée de l’éducation depuis 20 ans, comme pour colmater des trous d’un navire qui a perdu sa fonction de navigation, la qualité de l’éducation baisse d’année en année. La gestion ponctuelle du système éducatif gabonais montre manifestement l’incompétence des gouvernants à instituer des solutions durables qui auraient pour effet de régler définitivement ce qui semble être une situation de difficultés perpétuelles.
Assurément, les difficultés de la gestion du système éducatif gabonais sont liées au manque de vision de la finalité de la mission éducative de l’école et par conséquent à une gestion planifiée du système éducatif. Le manque de finalité de l’école gabonaise en serait la principale cause. Pour bien gérer une entreprise, il faut avoir à l’esprit les buts de ce que l’on souhaite atteindre. Les autorités gabonaises ne savent pas quoi faire de l’école. Pour cela, il s’y déploie une gestion du ponctuel sans ambition pour le long terme. Pour rendre le système éducatif efficace et enrayer ses problèmes récurrents, il faut redéfinir sa mission éducative et favoriser une décentralisation qui entraînera un management plus apte à relever les défis de l’éducation d’aujourd’hui. Mais comment définir une mission éducative de l’école lorsque le type de société dans lequel nous voulons vivre n’est pas défini? Il nous semble que l’école est l’instrument de reproduction sociale fait à partir d’une finalité de la destinée collective.
En vérité, ce n'est pas une tâche facile de circonscrire les finalités éducatives. Les réalités sont toujours beaucoup plus riches et interreliées que les catégories dans lesquelles nous sommes contraints de les enfermer, sans compter que les concepts peuvent avoir des sens très différents selon les personnes qui les utilisent. Pour autant, depuis janvier 2010, on parle au Gabon d’un projet de société dit d’émergence. Nous attendons que soit défini ce que ça veut dire concrètement pour les citoyennes, les citoyens et pour les institutions pour justement voir comment cette idée d’émergence doit s’incarner dans l’école de la République.
En effet, lorsque les valeurs communes qui doivent servir de ciment à la société sont loin d'être clairement reconnues, que le développement économique paraît mal construit, fluctuant au gré des définitions de concept mal maîtrisées et prônées au détour d’un discours à un autre; que le rôle du citoyen n’est pas dit et son enrichissement ignoré dans la quête de la croissance économique; que le travail comme mode d'insertion sociale et de la distribution des richesses est négligé; que l'exclusion sociale et l’exclusion politique gagnent du terrain; que la permanence des savoirs est de plus en plus illusoire dans le milieu de la recherche universitaire, faut-il se demander à quoi l'éducation peut bien préparer. À composer avec l'incertitude et le désarroi, certes, mais encore... On est habitués à voir les réformes de l'éducation aller de pair avec les visées du changement social qui paraissait souhaitable.
Rappelons-nous que le projet de société qui s’institue à la fin des années cinquante au Gabon visait la modernisation du pays. Sur le plan de la mission éducative de l’école, le projet se voulait contributif de l'instruction d’un certain savoir. Il s’agissait de doter le pays des gens instruits pour prendre en charge les commandes de l’appareil administratif de l’État convié par le colon et des instruments de développement du pays. Aujourd'hui, une réforme de l'éducation que l'on voudrait dans le sillage d'un projet d’émergence n’est pas entamée. Par contre, si les gouvernant accepter de faire avancer l'éducation dans la confiance du brouillard, qui, soit dit en passant, est plus dense qu'il n'y paraît à première vue, ils pourraient bien se servir de la réforme de l’école comme phare à d'autres institutions sociales en panne de repères, elles également. Il faut bien commencer quelque part.
Dans cet ordre d'idées, nous partageons cette vision qui veut qu’il faille de plus en plus rendre le gestionnaire des institutions publiques imputables des décisions publiques et des actions mises en œuvre pour répondre aux besoins des citoyens. Aussi, faute d’un projet de société réellement circonscrit et mobilisateur, il faut faire du fonctionnement de l’école gabonaise une question de management efficace. Parce que quand on examine les récriminations faites ici et là, on ne peut que déplorer le peu de clairvoyance dans la gestion de l’école gabonaise. Qui est responsable de quoi, pour régler ces problèmes récurrents?
Le ministre de l’Éducation ne peut tout faire tout seul, super ministre soit-il. Il faut décentraliser la gestion de l’école gabonaise. La décentralisation des systèmes éducatifs constitue une orientation qui est le plus souvent défendue par des tenants du New Public Management dans les grandes écoles d’administration publique. Que faut-il entendre par décentralisation du système scolaire et quels sont ses avantages par rapport à situation de crise récurrente que connait le monde de l’éducation gabonais?
Selon Henry Mintzberg, in The Structuring of Organizations (1978), il existe deux ambitions dans la décentralisation des systèmes éducatifs. Chacune des formes de ces ambitions porte des buts de gestion précis. La première permet d’introduire dans la gestion scolaire des principes propres à la direction des entreprises privées où, notamment, le citoyen constitue un « client » auprès de qui l’on effectue des « offres de service ». La deuxième viserait l’idéal type d’une école communautaire publique, insérée dans le tissu social de son environnement social, l’école contribue au mieux-être collectif comme instrument de reproduction sociale. Selon ce que nous saisissons de ces deux types de décentralisation, pour le Gabon, il serait avantageux d’utiliser la première conception pour les établissements postsecondaires et l’autre pour les établissements secondaires et primaires. En réalité, ces deux types de conception entrainent des modes de modes de gestion différenciée.
La gestion publique de la plupart des pays, particulièrement des pays reposant sur l’économie de marché, est la plupart du temps un compromis dynamique entre centralisation et décentralisation. Il va sans dire que ces concepts sont au cœur même de tout projet visant une plus grande autonomie des établissements éducatifs, caractéristique majeure de bien des réformes scolaires actuellement engagées. Selon Mills, et al. (1991), les formes majeures de décentralisation se caractérisent soit par la déconcentration des pouvoirs, la délégation ou la dévolution des pouvoirs.
La déconcentration se caractérise par une décentralisation des opérations administratives. Au niveau de l’organisation des services publics, la décentralisation administrative se définit comme l’action par laquelle la gestion administrative d’un ensemble d’établissements régionaux est confiée à des agents nommés par le pouvoir central. La déconcentration ne comporte pas de transfert d’attributions du centre à la périphérie. Elle vise la facilitation l’exercice local ou régional des pouvoirs relevant de l’administration centrale. La déconcentration est par ce fait le rapprochement de l’administration centrale proche des citoyens pour assurer une prestation de services de proximité. Les unités déconcentrées ne disposent pas de postes d’autorité autonomes. Les cadres relèvent directement de l’autorité de tutelle.
La délégation ou décentralisation fonctionnelle consiste à confier certaines fonctions à des organismes périphériques dont l’autonomie est un peu plus grande que celle des unités déconcentrées. L’organisme bénéficiant de la décentralisation fonctionnelle ne fait pas partie du « centre » ou, encore, il peut avoir des rapports plus ou moins distants avec ce dernier. De fait, la délégation permet une certaine capacité de gestion parce qu’il y a transfert de compétences et de responsabilités. Toutefois, la capacité de l’organisme bénéficiant d’une délégation est dépendante de ses sources de financement autonomes et de sa latitude à pouvoir nommer ses dirigeants. Par ailleurs, tout ce qui est délégué par une autorité supérieure peut être rappelé et cette dernière peut exercer des interventions en parallèle avec la délégation effectuée.
Au-delà de la privatisation, la forme la plus poussée de décentralisation est la « dévolution ». Elle consiste en la remise à d’autres organismes à caractère public ou privé des responsabilités et des services qui pourraient être assumés par le gouvernement. Il s’agit d’une forme de décentralisation politique parce que, en plus d’une autonomie de gestion comme dans le cas de la délégation, elle accorde une relative autonomie de gouverne. Les instances dévolues disposent généralement de compétences propres, de sources de financement originales et de postes forts d’autorité.
À certains égards, le gouvernement doit décentraliser les mécanismes et les pouvoirs de gestion de l’université et des grandes écoles. Cette décentralisation doit être une dévolution des pouvoirs pour donner à ces institutions une autonomie réelle. Ces institutions seront administrées par des Conseils d’administration qui auront entre autres le droit de nommer le recteur et les directeurs des écoles et voir à leur administration matérielle et financière.
De la même façon, le gouvernement doit décentraliser dans les régions tous les pouvoirs administratifs de la gestion des écoles primaires et secondaires. Cette décentralisation doit entraîner la création des organismes régionaux de l’éducation : les conseils scolaires. Ils seront des organismes publics bénéficiant d’une certaine dévolution. Ils seront sous la direction d’un conseil d’administration constitué de citoyens élus au suffrage universel.
De ce fait, le ministère de l’Éducation n’ayant aucune école, la presque totalité du personnel de l’éducation ne sera pas constituée de « fonctionnaires », plus exactement ce ne sont pas des personnes sous contrat avec le ministère, mais bien avec les conseils scolaires. Toutefois, comme les Conseils scolaires sont subventionnées à plus de 70 % par le ministère, ils auront à respecter des politiques, des règlements et des conventions très développés notamment au regard de la gestion du personnel, mais aussi des programmes d’études, du matériel pédagogique, de la gestion budgétaire et des équipements, etc. De ce fait également, les conseils scolaires constitueront donc un modèle hybride gestion entre la dévolution et la délégation.
À l’égard des différentes formes de décentralisation, il est fréquemment signalé qu’aucun processus de décentralisation ne peut être viable s’il ne s’accompagne pas d’une capacité de l’entité décentralisée à avoir accès à diverses sources de financement ou, pour le moins, d’une latitude réelle dans l’utilisation des ressources octroyées. Certes, le gouvernement central peut financer par des transferts une partie – même substantielle – des opérations, mais l’organisme doit disposer de revenus autres provenant, par exemple, pour ce qui est de l’université et des grandes écoles, des frais de scolarités et des activités connexes. Pour cela, le gouvernement doit instituer un programme d’aide financière fondé sur le modèle des prêts et des bourses en fonction des résultats scolaires de chaque étudiant. À priori, chaque étudiant aura droit à un prêt pour financer ses études et à une bourse pour subvenir à ses besoins d’existence en tant qu’étudiant. À la fin de ses études, l’étudiant aura à rembourser les emprunts faits auprès du gouvernement selon certaines conditions.
Le programme de prêt et de bourse éviteront les grèves répétitives, assureront une plus grande autonomie de l’étudiant au regard de la gestion de ses études et réduire significativement les dépenses de l’État tout en permettant une meilleure accessibilité aux études postsecondaires, de même qu'une gestion plus efficace de l'université et grandes écoles.
De l’autre côté, les conseils scolaires pourraient en plus du financement du ministère de l’Éducation à 50%, bénéficier des taxes locales, de contributions régionales, de frais perçus auprès des usagers des services, de ventes de produits, etc. Cela réduira les dépenses de l’État en matière d’éducation primaire et secondaire. Surtout, d’éliminer le tournis de grèves répétitives.
En conclusion, les problèmes récurrents de revendications, de grèves et autres manifestations qui provoquent le dysfonctionnement du système éducatif proviennent de la centralisation du système éducatif. Le gouvernement central ne peut pas toujours agir efficacement compte tenu des exigences financières et de la lourdeur administrative. Il faut décentraliser pour permettre un management du système éducatif plus adapté aux besoins des citoyens et ainsi relaver les défis contemporains de l’éducation. Cette décentralisation rendra les gestionnaires redevables de leurs décisions et de leurs actions. Ce qui n’est pas le cas en ce moment. Parce que justement, les décisions mises en œuvre ne sont pas de leur fait. Également, ceux qui prennent les décisions sont tellement éloignés du terrain que la réalité qu’émet le terrain leur est étrangère. De ce fait, le système scolaire nage dans un brouillard opaque. Nous estimons néanmoins que pour parvenir à un management efficace de l’éducation, un effort de clarification des finalités éducatives s'impose.
Joel Mbiamany-N'tchoreret
L’année académique 1991, des revendications et des manifestations aux causes similaires à ceux d’hier avaient paralysé le système éducatif gabonais. Si les corrections mises en œuvre par le gouvernement avaient permis de calmer ces récriminations de façon ponctuelle, elles les ont reportés d’une année à une autre jusqu’aujourd’hui. Dans cette gestion bricolée de l’éducation depuis 20 ans, comme pour colmater des trous d’un navire qui a perdu sa fonction de navigation, la qualité de l’éducation baisse d’année en année. La gestion ponctuelle du système éducatif gabonais montre manifestement l’incompétence des gouvernants à instituer des solutions durables qui auraient pour effet de régler définitivement ce qui semble être une situation de difficultés perpétuelles.
Assurément, les difficultés de la gestion du système éducatif gabonais sont liées au manque de vision de la finalité de la mission éducative de l’école et par conséquent à une gestion planifiée du système éducatif. Le manque de finalité de l’école gabonaise en serait la principale cause. Pour bien gérer une entreprise, il faut avoir à l’esprit les buts de ce que l’on souhaite atteindre. Les autorités gabonaises ne savent pas quoi faire de l’école. Pour cela, il s’y déploie une gestion du ponctuel sans ambition pour le long terme. Pour rendre le système éducatif efficace et enrayer ses problèmes récurrents, il faut redéfinir sa mission éducative et favoriser une décentralisation qui entraînera un management plus apte à relever les défis de l’éducation d’aujourd’hui. Mais comment définir une mission éducative de l’école lorsque le type de société dans lequel nous voulons vivre n’est pas défini? Il nous semble que l’école est l’instrument de reproduction sociale fait à partir d’une finalité de la destinée collective.
En vérité, ce n'est pas une tâche facile de circonscrire les finalités éducatives. Les réalités sont toujours beaucoup plus riches et interreliées que les catégories dans lesquelles nous sommes contraints de les enfermer, sans compter que les concepts peuvent avoir des sens très différents selon les personnes qui les utilisent. Pour autant, depuis janvier 2010, on parle au Gabon d’un projet de société dit d’émergence. Nous attendons que soit défini ce que ça veut dire concrètement pour les citoyennes, les citoyens et pour les institutions pour justement voir comment cette idée d’émergence doit s’incarner dans l’école de la République.
En effet, lorsque les valeurs communes qui doivent servir de ciment à la société sont loin d'être clairement reconnues, que le développement économique paraît mal construit, fluctuant au gré des définitions de concept mal maîtrisées et prônées au détour d’un discours à un autre; que le rôle du citoyen n’est pas dit et son enrichissement ignoré dans la quête de la croissance économique; que le travail comme mode d'insertion sociale et de la distribution des richesses est négligé; que l'exclusion sociale et l’exclusion politique gagnent du terrain; que la permanence des savoirs est de plus en plus illusoire dans le milieu de la recherche universitaire, faut-il se demander à quoi l'éducation peut bien préparer. À composer avec l'incertitude et le désarroi, certes, mais encore... On est habitués à voir les réformes de l'éducation aller de pair avec les visées du changement social qui paraissait souhaitable.
Rappelons-nous que le projet de société qui s’institue à la fin des années cinquante au Gabon visait la modernisation du pays. Sur le plan de la mission éducative de l’école, le projet se voulait contributif de l'instruction d’un certain savoir. Il s’agissait de doter le pays des gens instruits pour prendre en charge les commandes de l’appareil administratif de l’État convié par le colon et des instruments de développement du pays. Aujourd'hui, une réforme de l'éducation que l'on voudrait dans le sillage d'un projet d’émergence n’est pas entamée. Par contre, si les gouvernant accepter de faire avancer l'éducation dans la confiance du brouillard, qui, soit dit en passant, est plus dense qu'il n'y paraît à première vue, ils pourraient bien se servir de la réforme de l’école comme phare à d'autres institutions sociales en panne de repères, elles également. Il faut bien commencer quelque part.
Dans cet ordre d'idées, nous partageons cette vision qui veut qu’il faille de plus en plus rendre le gestionnaire des institutions publiques imputables des décisions publiques et des actions mises en œuvre pour répondre aux besoins des citoyens. Aussi, faute d’un projet de société réellement circonscrit et mobilisateur, il faut faire du fonctionnement de l’école gabonaise une question de management efficace. Parce que quand on examine les récriminations faites ici et là, on ne peut que déplorer le peu de clairvoyance dans la gestion de l’école gabonaise. Qui est responsable de quoi, pour régler ces problèmes récurrents?
Le ministre de l’Éducation ne peut tout faire tout seul, super ministre soit-il. Il faut décentraliser la gestion de l’école gabonaise. La décentralisation des systèmes éducatifs constitue une orientation qui est le plus souvent défendue par des tenants du New Public Management dans les grandes écoles d’administration publique. Que faut-il entendre par décentralisation du système scolaire et quels sont ses avantages par rapport à situation de crise récurrente que connait le monde de l’éducation gabonais?
Selon Henry Mintzberg, in The Structuring of Organizations (1978), il existe deux ambitions dans la décentralisation des systèmes éducatifs. Chacune des formes de ces ambitions porte des buts de gestion précis. La première permet d’introduire dans la gestion scolaire des principes propres à la direction des entreprises privées où, notamment, le citoyen constitue un « client » auprès de qui l’on effectue des « offres de service ». La deuxième viserait l’idéal type d’une école communautaire publique, insérée dans le tissu social de son environnement social, l’école contribue au mieux-être collectif comme instrument de reproduction sociale. Selon ce que nous saisissons de ces deux types de décentralisation, pour le Gabon, il serait avantageux d’utiliser la première conception pour les établissements postsecondaires et l’autre pour les établissements secondaires et primaires. En réalité, ces deux types de conception entrainent des modes de modes de gestion différenciée.
La gestion publique de la plupart des pays, particulièrement des pays reposant sur l’économie de marché, est la plupart du temps un compromis dynamique entre centralisation et décentralisation. Il va sans dire que ces concepts sont au cœur même de tout projet visant une plus grande autonomie des établissements éducatifs, caractéristique majeure de bien des réformes scolaires actuellement engagées. Selon Mills, et al. (1991), les formes majeures de décentralisation se caractérisent soit par la déconcentration des pouvoirs, la délégation ou la dévolution des pouvoirs.
La déconcentration se caractérise par une décentralisation des opérations administratives. Au niveau de l’organisation des services publics, la décentralisation administrative se définit comme l’action par laquelle la gestion administrative d’un ensemble d’établissements régionaux est confiée à des agents nommés par le pouvoir central. La déconcentration ne comporte pas de transfert d’attributions du centre à la périphérie. Elle vise la facilitation l’exercice local ou régional des pouvoirs relevant de l’administration centrale. La déconcentration est par ce fait le rapprochement de l’administration centrale proche des citoyens pour assurer une prestation de services de proximité. Les unités déconcentrées ne disposent pas de postes d’autorité autonomes. Les cadres relèvent directement de l’autorité de tutelle.
La délégation ou décentralisation fonctionnelle consiste à confier certaines fonctions à des organismes périphériques dont l’autonomie est un peu plus grande que celle des unités déconcentrées. L’organisme bénéficiant de la décentralisation fonctionnelle ne fait pas partie du « centre » ou, encore, il peut avoir des rapports plus ou moins distants avec ce dernier. De fait, la délégation permet une certaine capacité de gestion parce qu’il y a transfert de compétences et de responsabilités. Toutefois, la capacité de l’organisme bénéficiant d’une délégation est dépendante de ses sources de financement autonomes et de sa latitude à pouvoir nommer ses dirigeants. Par ailleurs, tout ce qui est délégué par une autorité supérieure peut être rappelé et cette dernière peut exercer des interventions en parallèle avec la délégation effectuée.
Au-delà de la privatisation, la forme la plus poussée de décentralisation est la « dévolution ». Elle consiste en la remise à d’autres organismes à caractère public ou privé des responsabilités et des services qui pourraient être assumés par le gouvernement. Il s’agit d’une forme de décentralisation politique parce que, en plus d’une autonomie de gestion comme dans le cas de la délégation, elle accorde une relative autonomie de gouverne. Les instances dévolues disposent généralement de compétences propres, de sources de financement originales et de postes forts d’autorité.
À certains égards, le gouvernement doit décentraliser les mécanismes et les pouvoirs de gestion de l’université et des grandes écoles. Cette décentralisation doit être une dévolution des pouvoirs pour donner à ces institutions une autonomie réelle. Ces institutions seront administrées par des Conseils d’administration qui auront entre autres le droit de nommer le recteur et les directeurs des écoles et voir à leur administration matérielle et financière.
De la même façon, le gouvernement doit décentraliser dans les régions tous les pouvoirs administratifs de la gestion des écoles primaires et secondaires. Cette décentralisation doit entraîner la création des organismes régionaux de l’éducation : les conseils scolaires. Ils seront des organismes publics bénéficiant d’une certaine dévolution. Ils seront sous la direction d’un conseil d’administration constitué de citoyens élus au suffrage universel.
De ce fait, le ministère de l’Éducation n’ayant aucune école, la presque totalité du personnel de l’éducation ne sera pas constituée de « fonctionnaires », plus exactement ce ne sont pas des personnes sous contrat avec le ministère, mais bien avec les conseils scolaires. Toutefois, comme les Conseils scolaires sont subventionnées à plus de 70 % par le ministère, ils auront à respecter des politiques, des règlements et des conventions très développés notamment au regard de la gestion du personnel, mais aussi des programmes d’études, du matériel pédagogique, de la gestion budgétaire et des équipements, etc. De ce fait également, les conseils scolaires constitueront donc un modèle hybride gestion entre la dévolution et la délégation.
À l’égard des différentes formes de décentralisation, il est fréquemment signalé qu’aucun processus de décentralisation ne peut être viable s’il ne s’accompagne pas d’une capacité de l’entité décentralisée à avoir accès à diverses sources de financement ou, pour le moins, d’une latitude réelle dans l’utilisation des ressources octroyées. Certes, le gouvernement central peut financer par des transferts une partie – même substantielle – des opérations, mais l’organisme doit disposer de revenus autres provenant, par exemple, pour ce qui est de l’université et des grandes écoles, des frais de scolarités et des activités connexes. Pour cela, le gouvernement doit instituer un programme d’aide financière fondé sur le modèle des prêts et des bourses en fonction des résultats scolaires de chaque étudiant. À priori, chaque étudiant aura droit à un prêt pour financer ses études et à une bourse pour subvenir à ses besoins d’existence en tant qu’étudiant. À la fin de ses études, l’étudiant aura à rembourser les emprunts faits auprès du gouvernement selon certaines conditions.
Le programme de prêt et de bourse éviteront les grèves répétitives, assureront une plus grande autonomie de l’étudiant au regard de la gestion de ses études et réduire significativement les dépenses de l’État tout en permettant une meilleure accessibilité aux études postsecondaires, de même qu'une gestion plus efficace de l'université et grandes écoles.
De l’autre côté, les conseils scolaires pourraient en plus du financement du ministère de l’Éducation à 50%, bénéficier des taxes locales, de contributions régionales, de frais perçus auprès des usagers des services, de ventes de produits, etc. Cela réduira les dépenses de l’État en matière d’éducation primaire et secondaire. Surtout, d’éliminer le tournis de grèves répétitives.
En conclusion, les problèmes récurrents de revendications, de grèves et autres manifestations qui provoquent le dysfonctionnement du système éducatif proviennent de la centralisation du système éducatif. Le gouvernement central ne peut pas toujours agir efficacement compte tenu des exigences financières et de la lourdeur administrative. Il faut décentraliser pour permettre un management du système éducatif plus adapté aux besoins des citoyens et ainsi relaver les défis contemporains de l’éducation. Cette décentralisation rendra les gestionnaires redevables de leurs décisions et de leurs actions. Ce qui n’est pas le cas en ce moment. Parce que justement, les décisions mises en œuvre ne sont pas de leur fait. Également, ceux qui prennent les décisions sont tellement éloignés du terrain que la réalité qu’émet le terrain leur est étrangère. De ce fait, le système scolaire nage dans un brouillard opaque. Nous estimons néanmoins que pour parvenir à un management efficace de l’éducation, un effort de clarification des finalités éducatives s'impose.
Joel Mbiamany-N'tchoreret
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