Tout pays progressiste a une politique éducative. Elle est la manifestation du désir du développement que se donne une société pour être en harmonie avec son environnement et atteindre les modes de vie auquel ses citoyens aspirent. De cette quête, la politique éducative ordonne un système éducatif, c’est-à-dire, un ensemble d’éléments pour l’administration, l’organisation de l’offre du service de l’éducation aux citoyens. Il a pour but fondamental d’octroyer des moyens d’acquisition des savoirs et des compétences pour l’accomplissement individuel et collectif aux fins de l’évolution et la reproduction harmonieuse de la société.
Selon Descartes, un système est un ensemble organisé d'éléments qui s'articulent à partir d'une loi. Le système éducatif, comme tout système organique, repose sur une philosophie qui fait office de loi. Lorsqu’il y a arrimage entre les raisons d’être du système éducatif et la finalité du système, l’ensemble des éléments du système s'agence pour permettre au système éducatif d'atteindre les buts visés. La philosophie éducative qui articule le système éducatif est une doctrine qui alimentera des croyances, des moyens et des méthodes établissant le fonctionnement régulier du système éducatif. L’opérationnalité de la doctrine institue donc une sorte de lien intrinsèque entre la raison d’être du système éducatif (la finalité éducative) et les moyens pour atteindre pour la réalisation de cette fin. L’adéquation entre les raisons d’être du système éducatif et la finalité de la mission éducative de l’école au regard des moyens et des procédés à mettre en œuvre est ce qui fait qu’un système éducatif est performant ou pas.
Les critiques sur l’offre du service éducatif au Gabon montrent une inadéquation entre les raisons d’être du système éducatif et la finalité de la mission éducative de l’école. Il aurait comme une irrégularité dans l'opérationnalité de la doctrine du système éducatif qui entrainerait un dysfonctionnement entre ses éléments. Il en résulte un système éducatif dérisoire.
Depuis quelque vingt ans, des tentatives de réforme aux fins d’amélioration du système éducatif gabonais ont été chantées d’un discours d’inauguration d’un gouvernement à un autre. Ces réformes n’aboutissent pas parce qu’elles ne prennent pas racine dans une mise en adéquation entre un projet de société cohérent et la conceptualisation de la mission éducative de l’école en lien avec une offre du service éducative répondant aux aspirations d’accomplissement des citoyens de même qu’aux besoins du développement du pays.
La distanciation entre l’idéal de société voulu par tous les citoyens et les ambitions politiques individuelles des gouvernants est le principal obstacle d’une réforme qui actualiserait le système éducatif gabonais. Dans la réalisation de leurs ambitions politiques, les gouvernants conçoivent des politiques éducatives qui sont loin de prendre en compte les besoins éducatif du pays. À cause de l'absence d'un projet de société conçu démocratiquement et compris par tous, le système éducatif concocté développe des logiques de fonctionnement stériles. Les problèmes et les difficultés du système éducatif sont ainsi depuis quelque vingt ans récurrents d’une année scolaire à une autre. De fait, l’école gabonaise fait du surplace quand elle ne régresse pas.
En effet, tout système éducatif est conçu dans un rapport de satisfaction entre les ambitions d’accomplissement des citoyens et les besoins du développement du pays. Ces besoins grandissent dans les projets de vie individuelle et collective qu’une société se donne démocratiquement par rapport à un projet de société à réaliser. Or aucun projet de société n’est réellement conçu démocratiquement et compris par tous les Gabonais.
Depuis 1986, la fin de la construction du chemin de fer, aucun projet de société n'a été compris par les Gabonais de sorte qu’ils ont été en mesure de concevoir un projet de développement autonome. Les Gabonais envoient leurs enfants à l’école pour devenir des fonctionnaires de l’État et occuper des fonctions politiques. Même lorsqu’ils sont formé pour occuper des emplois dans le secteur privés, les gabonais ne développement aucune créativité pour être autonomes et se prendre en main. Le système éducatif en place cherchant à développer une élite connaissant n’en fait pas des créateurs, des inventeurs. Il fabrique des attentistes connaissant.
Alors que nous serions en démocratie et que socialement nous aurions été en mesure de nous donner un projet de société et des moyens pour le réaliser en nous accomplissant, les prises du pouvoir forcées qui charpentent la vie politique gabonaise induisent l’imposition de projets de société qui ne sont que des faire-valoir d’une vision imbue du développement du Gabon et duquel développement nous nous plaçons dans l’attentisme, comme embourbés, attendant un élan qui ne viendra faute d’énergie de propulsion.
L’autoritarisme par lequel les projets politique sont présentés évacuant tout débat national sur les enjeux du développement individuel et collectif de la société gabonaise, l’éducation à mettre en œuvre est ainsi une improvisation dans l’atermoiement d’une quête de légitimité politique inespérée de certains.
Pourtant, le projet d’éducation ne saurait être une chose conçue dans la visée de la réalisation de sa propre grandeur ou de la réalisation de ses propres rêves d'une société idéale. C’est collectivement et démocratiquement que les citoyens se donnent un projet de société et duquel chacun trouve matière de sa propre réalisation.
Assurément, l’absence d’une vision de société collectivement cernée défavorise la mise en place d’une politique de l’école qui donnerait naissance à une finalité éducative efficiente et par laquelle on serait en mesure de concevoir et prédire le fonctionnement du système éducatif et de mesurer son efficacité.
Considérons effectivement que, comme la société, le système éducatif gabonais a besoin pour évoluer de sortir de l’enfermement d’une vision autocratique. Il faut démocratiser les processus de prise de décision, des actions et des moyens à mettre en œuvre pour la concrétisation des ambitions d’accomplissement individuelle et collective. Faute de cette démocratisation, il n’y a pas place à la conception d’un système d’éducation qui satisfasse les rêves de tous les Gabonais.
C’est pourtant pour rendre le système éducatif efficace qu’en Occident, après la Seconde Grande Guerre des réformes pour redéfinir la mission éducative de l’école ont été entreprise. L’inadéquation entre un système éducatif qui tardait à sortir ses pieds des traditions de la modernité et la volonté d’émulation manifestée par les citoyens qui entraient dans la postmodernité instituait un gaspillage des intelligences préjudiciable aux intérêts de l'économie nationale. Les critiques par lesquelles on inaugurerait la manifestation des libertés démocratiques et culturelles ont poussé à une ouverture pour la démocratisation de l'éducation. Il ne s’agissait pas que d’éliminer les injustices sociales de l’accès variable à l’éducation. La démocratisation du système éducatif occidental a surtout concerné une ouverture vers les populations des processus de prise de décision, la reddition des comptes en lien avec l’offre des services de l’éducation au regard des besoins tant individuels que collectifs de l’accomplissement social.
La démocratisation du système éducatif a permis, face à l’impératif de la reddition des comptes auprès des populations, l'analyse du rôle de l'école dans la reproduction sociale. Cette analyse a à son tour influencé significativement les recherches des méthodes d’administration scolaire, pédagogique et didactique les plus efficaces pour répondre aux appétits de formation des citoyens.
Au Gabon, puisque tout est politique, que le tout politique soit généralement l’affaire d’une personne et de son clan, la démocratisation du système éducatif n’est pas envisageable. De même, aucun processus sérieux d’amélioration de l’école gabonaise ne peut être songé. La muselière politique dans laquelle la société est prise n’autorisera aucun débat de qualité de la reconstruction de la mission éducative de l’école.
À la lumière du fonctionnement de la société, on ne peut que se contenter qu’un système éducatif qui ne peut être que l’à peu près pour vivre au jour le jour les mêmes problèmes, les mêmes difficultés, les mêmes dilemmes, les mêmes insuffisances.
Franchement, on n’est pas sorti du bois.
Comment comprendre que partout dans le monde, les besoins pour faire face à la concurrence mondiale obligent la formation continue jusqu’à la veille de sa retraite, au Gabonais on en arrive à interdire à ceux qui le souhaitent de continuer leurs études après la 27e année de leur naissance. Il ne s’agit pas là d’une décision que l’on prend dans un système scolaire démocratique. Il est la manifestation d’un acte propre à des régimes autocratiques. Là, l’éducation est une chose. Comment le pays peut-il avancer en confiance si tout est une affaire de pouvoir et de qui le détient? Il faut arrêter de faire la bouillabaisse. Certaines décisions se doivent d’être prises dans un débat clairement et démocratiquement mené.
En somme, comprenons que toutes les difficultés, tous les problèmes que nous connaissons sont liés à l’absence d’expression démocratique. L’éducation comme les autres domaines de notre vie collective est otage de l’autocratie et de l’autoritarisme qui le supporte. Les décisions qui concernent l’école de la République sont une affaire de quelques-uns. Ainsi dans ce monopole de « droit divin » de disposer de ce que doivent être les fins de l’éducation au Gabon, quelques intelligences qu’ils soient, a décidé de la limite de l’âge pour poursuivre des études au niveau du master.
Joël Mbiamany-N’tchoreret
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