dimanche 20 mai 2012

Si le Changement c’est maintenant, que devons-nous attendre de la France sous François Hollande?

J’ai entendu dire bien de choses à propos de l’élection de M. Hollande à la présidence de la République française. Entre autres, M. Hollande aurait dans ses valises diplomatiques une politique africaine inédite. Le dévoilement de cette politique au sommet de la francophonie à Kinshasa en septembre sera l’élément déclencheur de la fin des régimes dictatoriaux. Si la situation finale qu’entraînera cette politique africaine de la France sous Hollande est si évidente, pour certains, nous ne savons que peu de choses sur les péripéties et leur point culminant de l’enchainement de ce qui sera déclenché à Kinshasa. Que faut-il attendre précisément de la France sous François Hollande? Une seule chose : l’exigence de la démocratie.

Assurément, il y a au fondement des douleurs que vivent les Africains l’absence de liberté politique, la liberté de choisir librement leurs gouvernants, la liberté de se donner le type de pays qu’ils désirent, la liberté d’inventer leur propre développement, la liberté de se donner des rêves et se doter des instruments pour  les réaliser.

En 1960, au moment des indépendances, quelqu’un avait dit que « l’Afrique noire était mal partie ». Cela est inexact. Elle n’est jamais partie. Elle est restée ancrée dans les rapports de dominations nés de la colonisation. Avec les indépendances données, ces rapports de domination ont changé de nature. De travail forcé, ils sont devenus des accords de coopération. Établis à travers des réseaux occultes, ces accords de coopération ont favorisé des gouvernements qui devaient continuer à remplir les missions jadis dévolues aux gouverneurs des colonies françaises d’Afrique. Pour que ces gouvernements remplissent pleinement les objectifs attendus, la France a accepté et soutenu leur caractère autocratique. Il en a résulté en Afrique des situations de misères politiques et de sous-développement économique et social.

Non, l’Afrique n’est jamais sortie du joug de l’asservissement. Elle n’est jamais partie. Il faut qu’elle parte, qu’elle décolle.

François Hollande et les socialistes disent incarner les valeurs universelles de la liberté et du progrès des peuples. La première de toutes les libertés fondamentales est la liberté politique. Elle entraîne l’édification d’un peuple sur un territoire et l’institution d’un État, un gouvernement pour l’harmonie de ce peuple et son bien-être.

La liberté politique consiste à se donner les institutions de gouvernement appropriées pour le besoin du bien-vivre ensemble, se choisir souverainement ses gouvernants. Lorsque la France agit directement ou indirectement pour empêcher les Africains de jouir de leur liberté politique, en encourageant l’existence des régimes politiques illégitimes ou qu’elle empêche les peuples se soulever contre la tyrannie en mettant son armée à l’œuvre et au service de la protection des tyrans, elle nie à ces peuples leur droit d’existence politique. Elle oblige les Africains à vivre parqués sur un territoire comme des bœufs dans un enclos que par pudeur elle appelle pays ou République.

Les Africains aspirent à la jouissance de leur liberté politique. Ils attendent, dans la collaboration qu’elle a avec leur État, que la France décourage les répressions politiques, qu’elle exige le respect des droits démocratiques des Africains, qu’elle favorise des échanges de collaborations politiques et économiques avec des institutions étatiques africaines qui sont l’incarnation au quotidien des principes démocratiques.

En effet, la complexité croissante des rapports internationaux sous la mondialisation, de plus en plus renforcée, les enjeux et défis planétaires rendent indispensable la nécessité de favoriser la liberté politique de tous les peuples du monde. Pour convenir des accords mondiaux qui touchent à la gestion harmonieuse de notre planète, la fin des régimes dictatoriaux est un impératif. Il est dans le rôle de la France que les États avec lesquels elle entretient des relations incarnent les valeurs qu’elle défend et représente.

En ce moment, dans la coopération que la France a avec les gouvernants africains, on est loin du respect des principes de la souveraineté du peuple. Ces gouvernants ne sont que l’incarnation de la volonté de leur chef et non celle des peuples qu’ils prétendent représenter. La souveraineté, nous dit Jean-Jacques Rousseau, ne peut être représentée, par la même raison qu’elle ne peut être aliénée comme elle l’est dans les sociétés africaines. La souveraineté consiste essentiellement dans la volonté librement exprimée. Ceux qui disent parler au nom des peuples africains ne sont donc ni ne peuvent être des représentants de ces peuples; ils ne peuvent rien conclure si souverainement le peuple n’a pas librement offert son consentement dans un cadre démocratique authentique.

Aussi, dans la collaboration politique et économique qu’elle aura avec nos États, nous attendons de la France qu’elle exige des dirigeants africains qu'ils soient clairement et démocratiquement désignés par les peuples au nom desquels ils disent parler. Pour considérer un gouvernement africain valable, la France ne devra pas se satisfaire des gouvernements africains désignés arbitrairement par leur Cour constitutionnelle à travers des processus d’élections tronquées dans lesquelles les citoyens sont réduits à une participation statistique, alors que tout devrait être mis en œuvre pour que ceux-ci soient les vrais acteurs de la légitimité démocratique.

Joël mbiamany-N’tchoreret.

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