jeudi 7 juin 2012

L’école gabonaise forme à la culture générale et non au développement des compétences.

Depuis la fin des années quatre-vingt, le système éducatif gabonais est en décadence. Plusieurs diagnostics discutés pour le mettre sur le droit chemin n’ont pas accouché d’une réforme conséquente. La plupart des propositions faites ne tenant compte d’aucune ambition de développement des compétences. On se contentent de réciter le chapelet des énoncés de l’école efficace comme préconisés en Occident. Malgré ces énoncés mimés, dans un souci de parler de l’école moderne, on met en place des pratiques et des ambitions des desseins mis en place par le colon pour les besoins de sa domination.

Conséquemment, de pronostics à propositions de réforme, le système éducatif gabonais, au regard des ambitions que se donne toute société moderne, tourne dans le vide, se laissant décroître et rendant la qualité de formation donnée inadéquate aux besoins du développement du pays.

La difficulté à parvenir à une réforme pertinente bute à l’incapacité collective de concevoir une finalité de la mission éducative de l’école qui soit à la hauteur des ambitions d’un pays qui désire sortir du sous-développement. Cette incompétence étant elle-même liée à l’absence d’une vision effective de ce que doit être la société gabonaise : absence de projet qui fait consensus pour cause de confiscation du pouvoir politique. Conséquemment, l’école existe parce qu’il faut envoyer les enfants à l’école, un peu comme on envoie un enfant à la garderie. Une fois à l’intérieur ou au sortir de celle-ci, on ne sait plus trop bien ce qu’il faut faire avec l’élève, l’étudiant, le nouveau diplômé. Si l’on dit que l’école vise la reproduction sociale, il ne faut pas s’étonner de la dégénérescence de la société gabonaise et du pays.

Durant la colonisation, l’école avait pour mission de préparer les cadres indigènes pour soutenir l’administration coloniale dans la gestion des territoires occupés. À cet égard, puisque l’administration coloniale ne devait retenir qu’une infime partie de la population, l’éducation a donc favorisé l’élitisme : la capacité de faire preuve d’une culture générale. D’ailleurs les concours de recrutement dans les administrations et les grandes écoles en font un cadre de distinction des lauréats.

On peut effectivement voir que la mission éducative de l’école coloniale ne s’est pas effacée avec l’avènement des indépendances. Même si les projets de développement mis en place devaient conduire à bâtir les compétences et non des individus connaissants, par une école moderne, éduquant aux valeurs de la République et aux devoirs de la citoyenneté, l’école qui sort des indépendances est résolument vouée à la formation d’une élite destinée à l’administration et à la gestion du pays comme dictée sous le maître colon. Encore qu’il faille s’interroger sur la qualité de cette administration et de cette gestion.

De la même façon que les discours sur le développement visaient à donner des rêves surdimensionnés, en parlant de l’école moderne gabonaise, le projet de l’école mise en place a montré que l’on ne savait pas ce dont on discutait.

Alors que depuis les découvertes par Freinet au début du 20e siècle on parle de la construction du citoyen et de ses capacités à s’adapter à son environnement et à y interagir efficacement, l’on institue dans les faits un cadre de rationnement du développement des intelligences, abandonnant en chemin une frange importante de la population.

Également, alors que l’on institue de l’école ailleurs comme cadre de vie devant presque se poursuivre tout au l’on de sa vie, l’on fait de l’obtention du diplôme le bout du chemin de la formation scolaire. De fait, on retrouve au pays des personnes aux grades universitaires éloquents, mais inaptes à prendre le développement du pays en main.

Aujourd’hui, il n’est point de place pour un système éducatif figé, dans un monde en perpétuel changement. De même qu’il n’est point d’avenir pour une école qui vise à ne former qu’une élite à la culture générale étendue, des diplômés sans compétences réelles. La tâche de l’école doit être d’assurer le développement des compétences qui permettront une expertise indispensables à la prise en charge du développement du pays.

En somme, la mission de l'école, aujourd’hui et demain, est de former un citoyen qui apprend à apprendre, à agir, à être et à devenir. Dans ces conditions, l’école est plus que jamais appelée à s’acquitter de ses fonctions essentielles qui consistent à développer les compétences chez tous les individus tout au long de leur vie. Ces impératifs mettent le système éducatif dans l’obligation de procéder à la mise à niveau de toutes ses composantes : institutionnelles, pédagogiques, humaines, matérielles et visées éducatives.

Joël Mbiamany-N'tchoreret
Enseignant et chercheur en psychopédagogie

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