dimanche 25 décembre 2011

« Chacun a son passé, son histoire. Aujourd’hui le seul chemin est le combat pour la démocratie ».

La presse locale vient de nous gratifier des commentaires du PDG sur les élections passées. S’ils ont manqué de qualificatifs, conformément à leur habitude, ceux utilisés sont grandiloquents, irréalistes, surréalistes.

Pour ma part, je voudrais porter un regard sur deux points de ce scrutin. D’abord sur les élus puis sur la participation.

Concernant les élus (114 du PDG, 3 du RPG, 1 du CLR/PSD/UPNR), soit 118 à la majorité présidentielle. Alors, plébiscite ou piège ?

Quant aux électeurs, il y aurait eu une « très faible participation » pour ne nous en tenir qu’à la déclaration des observateurs internationaux. Ici, nous ne discuterons pas des chiffres, retenons les 34% de participation en attendant ceux plus crédibles de Wikileaks qui ne sera à coup sûr pas loin des 80-90% d’abstention, soit 10-20% de participation.

Quels enseignements tirer alors de ce scrutin ?

Si, pour le PDG, cette élection est un plébiscite de la politique du Président Bongo, pour l’analyste indépendant qui se réfère « à la très faible participation» notée par les observateurs internationaux, seule la fraction qui a voté le candidat Ali Bongo en 2009 s’est rendue aux urnes, soit 11% auxquels il faut ajouter les électeurs des autres fractions de la majorité et de la dissidence de l’opposition.

Cela ne nous amène guère à plus de 20%. Qu’à cela ne tienne, 41%, octroyés à Ali Bongo aux élections présidentielles en 2009 sans l’apport des Mba Abessolo, Ndao, Maganga, Mayila , Mbou Yembi et autres UPG travestis et 34% avec les voix de tous ceux-là pour se constituer une Assemblée introuvable deux ans plus tard, y a t’il de quoi pavoiser ? Où est le raz de marée ? Il s’agit plutôt d’un recul. Parler ici de plébiscite, autant dire qu’on a perdu le sens des mots ou simplement la raison !

Les résultats électoraux, comme les autres événements de l’Histoire finissent toujours par être révélés. Tôt ou tard, des proches de Rogombé, Mborantsuo, Ndongou, Aboghe Ela ou eux-mêmes, sur un coup de remord, finiront par passer au crachoir.
Quant à moi, observateur politique de notre pays, je tire trois enseignements de ce scrutin.

Tout d’abord, notons qu’une fois de plus, notre peuple a réagit conformément à l’intérêt supérieur de la nation gabonaise. Dans le passé, il a toujours été fidèle à cette idée. Mais sa victoire a toujours été volée et ses choix détournés. Voici quelques exemples à partir des élections dont nous détenons des données : 1957, Obame Jean Hilaire obtient la majorité à l’Assemblée territoriale. Il devrait être premier ministre du gouvernement de la Communauté et devenir Président de la future République lors de la proclamation de l’indépendance.

Mais il perdra le pouvoir à la suite d’une manipulation des forestiers français du Gabon. Intègre, il ne voulait pas brader la forêt gabonaise. 1993, première élection présidentielle de la nouvelle ère démocratique. Les Gabonais se sont massivement mobilisés. Omar Bongo est quasiment battu. Il conservera le pouvoir suite à la proclamation anticipée après manipulation des résultats. 2009, Ali Bongo n’atteint même pas 11%. Il est crédité de 41% et proclamé vainqueur.

Le 17 décembre 2011 notre peuple s’est une fois de plus mobilisé. Cette fois pas pour aller voter, mais pour s’abstenir de voter. Dans certains bureaux, les citoyens allaient retirer leur carte d’électeur au moment du vote. Mais curieusement, au lieu de s’orienter vers l’isoloir, ils sortaient et s’en allaient. Quel patriotisme ! Oui, je dis patriotisme. Car tout au long de la campagne, preuves à l’appui, les leaders de l’opposition leur ont démontré que le Gabon était bradé à des ressortissants étrangers.

Pour une fois, notre peuple s’est reconnu dans son opposition. Il le lui a dit partout où elle est passée. En effet, pour la première fois nos populations voyaient l’opposition rassemblée, parcourir le territoire et parler d’une même voix.

C’était un moment fort.

Oui on ne peut nous refuser ce premier enseignement d’un peuple mobilisé sur un mot d’ordre rassembleur: « ça suffit comme ça, pas de biométrie, pas de transparence électorale, pas d’élection ». Car comment interpréter la débâcle des candidats UPG dans leurs propres fiefs (et à un moindre degré les défaites d’un Ndao ou d’un Maganga) sinon par l’abstention des électeurs de ce parti qui ont voulu honorer la mémoire de Pierre Mamboundou : « Yi sile mfoumbi mougandou », littéralement « ce que laisse un défunt doit être protégé » ou encore « le testament du mort est inviolable » m’a dit une militante à Port-Gentil.

Ainsi, lorsqu’à Tchibanga et à Port-Gentil, l’idée de faire du 17 décembre 2011 une journée Pierre Mamboundou avec ville morte a été lancée, une salve d’ovations l’a accompagnée.

Le deuxième enseignement est qu’unie l’opposition peut mobiliser la population. Nous le savons. Tout le monde le sait et le pouvoir joue sur les divisions de l’opposition pour se pérenniser. En 2009, il nous est revenu que la seule crainte du PDG résidait dans l’éventualité d’une candidature unique de l’opposition. A tel point que la France-Afrique se mobilisa pour susciter une candidature, deuxième digue, dans le cas où la première digue, celle d’Ali, céderait, avec pour mission de barrer le Tsunami Mamboundou, candidature d’une alliance (Boisbouvier in Jeune Afrique). Du nord au sud, de l’est à l’ouest, les Gabonais ne cessent de nous le dire : « unissez-vous, unissez-vous ». Nous y avons répondu, avec ce relent d’unité, en parcourant ensemble le territoire et en disant la même chose. Ils ont applaudit. Ils ont massivement refusé d’aller voter. A chaque coin de rue, ils nous le signifient aujourd’hui. Mais ce n’est qu’un essai, il nous faut maintenant le transformer.

Le troisième enseignement est que, d’une élection à l’autre, se confirme et se renforce cette réalité connue et établie : le PDG n’est pas majoritaire au Gabon. 118 députés plus les 2 de l’opposition avec 34% d’électeurs. La démonstration est ici faite et notre objectif est ainsi atteint : démontrer à l’opinion ce que vaut la PDG, moins de 1/3 de l’électorat. Car, comme nous l’avions programmé, si les Maganga, Ndoa, Mayila et Mbou Yembi n’avaient pas cautionné ces élections, probablement seulement un électorat de moins de 20% aurait été élire les députés PDG, dépassant à peine les 11% d’Ali Bongo aux élections présidentielles de2009.

En dépit de cette réalité, le PDG veut conserver le pouvoir. A cet effet, ce parti a mis au point toute une stratégie: paupérisation de la population pour la rendre facilement achetable à vil prix lors de chaque scrutin (des Gabonais sont transportés comme du bétail de ville en ville pour 5000 fcfa aux fins d’aller voter pour les candidats PDG), maîtrise de la liste électorale avec utilisation de techniciens chevronnés en informatique au Ministère de l’intérieur pour établir des listes sur commande, chaque candidat PDG fournissant sa liste électorale aux inscripteurs tapis dans les préfectures, les mairies et au Ministère de l’intérieur, utilisation de la Cour Constitutionnelle qui intervient en dernier recours avec pouvoir de proclamer vainqueurs même des non élus, de la Commission électorale qui peut bloquer le processus et laisser le Ministre annoncer des résultats « arrangés », de l’administration, des fonds publics pour un contrôle total du processus électoral. Et si, malgré tout cet arsenal, le processus coince, les forces de défense et de sécurité viennent brutaliser les opposants, autant d’actions qui se soldent souvent par des morts que l’on tait (Libreville 1993-1994, Libreville et Port-Gentil 2009).

Pourtant, après la Conférence Nationale, une Constitution adoptée par la 8ème législature comportait bien des éléments de régulation de la Démocratie : élections à deux tours, mandat présidentiel à 5 ans, renouvelable une fois, prérogatives du Gouvernement sur les forces de sécurité et de défense, sur la justice, etc. Les Accords de Paris, en créant la Commission Nationale Electorale (CNE), enlevèrent au Ministre de l’intérieur la primauté de la liste électorale, lui évitant d’être à la fois juge et partie et édicta les principes de la loi 7/96 qui contenait des gages de transparence renforcés par la suite avec la remise des procès verbaux et l’enveloppe à double compartiment.

Grâce à cet arsenal légal, les perspectives d’alternance étaient à tel point rendues possibles qu’aux élections locales de 1996, l’opposition rafla les grandes municipalités du pays (Libreville, Port-Gentil, Oyem, Mouila, etc..). C’est alors que, faisant fi des principes constitutionnels, Bongo et son groupe modifièrent aussi bien la Constitution que la Loi électorale pour revenir à la toute puissance d’un Ministre de l’intérieur manipulateur chargé, comme ses prédécesseurs, d’assurer la victoire du PDG à toute consultation électorale. Bongo ne disait-il pas que « On ne perd pas une élection que l’on organise ».

Ce système si verrouillé à fait prendre conscience à l’électeur Gabonais, loin d’être stupide, de la quasi impossibilité de l’alternance par le bulletin de vote. Ainsi, l’abstention du 17 décembre 2011, comme celles qui l’ont précédée a une signification unique : le vote ne sert à rien tant qu’il n’y a pas de transparence électorale. Que le pouvoir l’admette ou non ce choix populaire a été amplifié par le mot d’ordre d’une opposition soudée, parlant d’une seule voix : « pas de biométrie, pas de transparence électorale, pas d’élection ».

Alors que faire ? Nous avons dit : « ça suffit comme ça. Trop, c’est trop ». Quelles actions alors la raison peut-elle nous dicter ?

Parce que l’histoire montre chaque jour qui passe qu’ il n’est pas possible « de tromper tout le peuple tout le temps » et que les Gabonais viennent de signifier une fois de plus leur rejet du système PDG, l’objectif visé à l’issue de cette élection est unique et simple : mettre en place les outils de la transparence électorale, organiser les élections dans cet esprit et laisser la place à de véritables réformateurs ayant la volonté de mettre le pays sur la voie de la démocratie et du progrès.

C’est la voie que devrait choisir le PDG et ceux qui le soutiennent, si tant est que ce parti a le souci de maintenir la paix et d’assurer l’évolution de ce pays. Mais en ont-ils la capacité ? Garson, professeur à l’Institut Européen de Sciences Politiques, analysant la situation créée par le choix français aux élections présidentielles gabonaises de 2009 concluait que la France avait commis une erreur aussi grave que celle de Marcoussis en enlevant le pouvoir au vrai vainqueur réformateur et en le laissant à des prédateurs minoritaires qui ont planqués tant de milliards à l’extérieur, hypothéquant pour longtemps le développement du Gabon. Et il concluait que l’Histoire et les Hommes se chargeraient de les rattraper.

L’Histoire est entrain de les rattraper. Car quand bien même ces chiffres étaient vrais, 41% en 2009, 34% en 2011, n’est-ce pas là un désaveu ?

A écouter leurs fanfaronnades, et malgré le verdict populaire, ce groupe n’est pas prêt à entendre raison.

Tirer les leçons implique que le peuple qui s’est exprimé ainsi et l’opposition prennent leurs responsabilités. A la lumière du passé, cette opposition est à interpeller afin que tous ceux qui se croient investis d’une quelconque « mission » taisent leur ego et œuvrent pour la communauté.

Chacun d’entre nous à son passé, son histoire, son itinéraire. Mais aujourd’hui le seul chemin est le combat pour la démocratie et l’alternance aux côtés de notre peuple qui passe par l’adoption des 13 points conditionnant la transparence électorale qui lient aujourd’hui notre action à celle de la Société civile.

Pr. P A Kombila
Président du Rassemblement national des bucherons

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