Le public, venu nombreux comme d’habitude, assister au meeting de l’Union Nationale (UN), le 10 novembre dernier, en est parti frustré, abattu par une immense déception mais, paradoxalement, plus déterminé que jamais à « dégager Ali Bongo et sa légion étrangère ». Passé le temps de la réaction épidermique, des invectives et des accusations plus ou moins justifiées, il nous faut maintenant procéder à une analyse froide de la situation.
La rencontre de samedi dernier a été un échec. C’est incontestable. Pour nombre de cadres, militants et sympathisants de l’Union Nationale, les responsables de ce fiasco sont Zacharie Myboto (Président) et Jean Eyeghé-Ndong (Vice-président). C’est vrai. Mais en partie seulement, car avec le recul, on se rend compte que tous, militants, dirigeants et sympathisants portent peu ou prou la responsabilité de la déconvenue du 10 novembre après-midi.
Certes, Zacharie Myboto et Eyeghé-Ndong ont tenu un discours totalement en décalage avec les attentes du public. C’est vrai que les allocutions des dirigeants de l’union Nationale étaient d’une vacuité affligeante. Par exemple, Myboto n’a pas fait la moindre allusion à l’ultimatum qu’il avait lui-même lancé, au nom du peuple gabonais, à Ali Bongo. Pas plus qu’il n’a présenté la panoplie d’actions de résistance, de désobéissance ou de défiance à opposer au régime établi.
Pour autant, faut-il voir dans cette « panne d’initiatives », le signe que le directoire de l’Union Nationale a été acheté par Ali Bongo ? Les pédégistes infiltrés dans la manifestation ont tenté de le faire croire aux vrais militants de l’opposition. Janvier Abaga Essono et quelques autres énergumènes à la solde de Boukoubi ont vainement essayé d’intoxiquer la foule en prétendant que Zacharie Myboto avait été reçu à la Sablière par Ali Bongo. Mais cette machination du beau-frère de Mboumbou-Miyakou n’a pas prospéré : Myboto et Eyeghé-Ndong étant connus comme des hommes politiques dont l’engagement, la constance et la détermination ne peuvent souffrir de la moindre suspicion. Ce que l’on peut, en revanche, leur reprocher, c’est d’avoir, comme des gamins, cédé au chantage sournois des ambassadeurs français et américain.
En effet, à la veille du meeting, ils ont rencontré Jean-François Desmazières, l’ambassadeur de France, et son inénarrable collègue américain Eric Benjaminson. Reprenant à leur compte les inepties débitées par le PDG/Bongo via des médias aux ordres, les deux diplomates ont accusé sans preuve l’Union Nationale d’être « un parti violent ». Cela a sans doute contribué à parasiter la réflexion des responsables du parti qui voulaient à tout prix soigner l'image de leur formation politique.
Ainsi, tous ceux qui étaient partis des quatre coins de la capitale pour entendre clairement de la bouche de Zacharie Myboto les mots d'ordre en vue de contraindre Ali Bongo à quitter le pouvoir en ont été pour leurs frais. Et pourtant, il aurait juste suffi de quelques phrases offensives et d’une première action ouvrant le cycle de ce que le numéro un de l'UN a appelé « des actes démocratiques non violents permettant d'atteindre les objectifs fixés ». Une marche et un sit-in auraient, par exemple, permis d’apaiser les ardeurs d'une foule qui n'en peut plus de subir la dictature d'une famille de prédateurs qui trônent au sommet de l'Etat depuis 45 ans.
Selon des informations dignes de foi, ces actions figuraient bien au programme de la journée, et d’autres devaient se poursuivre pendant plusieurs jours et à des endroits symboliques. Mais les dirigeants de l'UN se sont laissés abuser par les arguties d’un Benjaminson dont l’opposition avait déjà, à travers un manifeste publié le 8 février 2011, dénoncé « le mépris, l’hostilité à l’égard des opposants, contrairement à l’ouverture d’esprit, à la courtoisie et à la grande responsabilité de son prédécesseur SE Mme Eunice Shannone Reddick, témoin oculaire de l’élection présidentielle anticipée d’août 2009, avec qui les différents acteurs politiques ont entretenu des rapports francs et constructifs. » dans le même document, l’opposition avait révélé : « l’Ambassadeur Benjaminson n’a pas hésité à mentir à un spécialiste d’Amnesty International, en affirmant qu’il pouvait attester de la situation de la mobilisation et des arrestations qui ont eu lieu près du siège du PNUD à Libreville, puisqu’il en est voisin.
Or, la résidence de l’Ambassadeur tout comme la chancellerie américaine sont bien éloignées de ce site. Plus loin dans son propos, il se fait le colporteur d’affirmations selon lesquelles le PDG aurait pris en charge les récentes dépenses de santé de Monsieur Mba Obame qu’il décrit comme désespéré et pour lequel les Etats-Unis d’Amérique ne s’opposerait nullement à une intervention même par la force contre lui et son gouvernement par les forces armées d’Ali Bongo Ondimba. » Pour cela et pour bien d’autres choses, la diaspora gabonaise aux Etats-Unis avait écrit à Mme Clinton pour que ce suppôt du PDG/Bongo soit relevé de ses fonctions au Gabon.
Opérant sur le même registre, Jean-François Desmazières, un des derniers avatars d’un sarkozisme de triste mémoire a argumenté sur l’attachement de son pays à la non-violence. Comme s’il avait oublié que la France et les Etats-Unis avaient aidé militairement les rebellions ivoirienne et libyenne à prendre le pouvoir. A moins que les deux diplomates aient voulu faire comprendre à leurs interlocuteurs que seules la violence armée et la violence d'Etat – dont Ali Bongo s'est rendu maitre depuis 2009 – trouvent grâce à leurs yeux. C’est ce qui, alors, expliquerait leur silence face aux massacres des dizaines de Gabonais en septembre 2009 à Port-Gentil, à la destruction de milliers d'habitations de Gabonais, au vandalisme contre les médias privés, à la suspension des salaires de fonctionnaires pour des motifs politiques, aux kidnappings d’opposants et de journalistes… Sachant tout cela, Myboto et Eyeghé-Ndong auraient dû tout simplement ignorer les objections malhonnêtes de deux diplomates, amis du clan Bongo, et qui n'ont jamais caché leur hostilité envers l'opposition.
Toutefois, la naïveté et la docilité des dirigeants de l’UN vis-à-vis des chancelleries occidentales, pour critiquables qu’elles puissent être, ne sauraient exonérer les jeunes militants de leurs responsabilités. Il est étonnant, en effet, qu’après avoir harangué la foule en début de meeting, trois représentants de la jeune garde militante n’aient pas pris les choses en main à la fin de la manifestation. Comme tous les autres, ils ont rasé les murs, se contentant d’accuser les vieux de couardise. Dans une situation de crise, les plus courageux prennent les choses en main sans attendre de mot d’ordre. Sous d’autres cieux, les leaders sont souvent arrivés à la fin pour organiser l’Etat. Alors, arrêtons toutes ces chamailleries qui, en réalité, arrangent les Bongo et remettons-nous au travail pour libérer le Gabon!
Auteur: Denis-Bastien Kombila
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