La capitale d’un pays est le reflet de ce qui se fait, se dit, se vit dans le pays. Le plan de la ville, son allure, ses immeubles, la répartition de ses fonctions, le paysage et les ambitions économiques, les centres des arts, de la culture et des sports constituent une sorte de carte d’identité de ce qu'est le pays, de ce que les gens ont comme qualité de vie. L'image ci-dessous est celle d'un des quartiers au coeur du centre ville de la capitale gabonaise.
Libreville, est le fruit de l'intelligence de l’improvisation urbaine et du développement accidentel du pays. En effet, à l’instar de l’évolution du pays, Libreville est le reflet des constructions progressives d'un ensemble d'habitats précaires, où la misère traduit le peu de cas qu'on les individus de leur propre humanité. Elle se caractéris par une insalubrité visuelle dont l’ampleur permet de parler de « désastre écologique », au point de vue de la santé de ses habitants. Si les nuits sont le moment où les poils se cachent pour exprimer le repos du corps sous les draps, elles sont les moments où il faut savoir se mettre à l'abri des produits de l'insalubrité. Les nuits sont le règne des moustiques, des rats et ces autres êtres nuisibles à une saine santé.
Lorsqu’ils voulurent inscrire leur pays dans la modernité, les autorités politiques brésiliennes avaient opté de se doter d'une capitale qui allait être captivante, le reflet de leur identité et de leurs ambitions dans le monde. Brasilia, capitale d’un pays du tiers monde en 1989, est avec son urbanisme, ses centres touristiques, culturels et sportif, ses structures économiques et sociales, la capitale d’un pays émergent en 2000. Le Plan d'urbanisme, fruit d’une démarche de planification et de concertation nationale affirme les ambitions de ce que des hommes et des femmes brésiliens ont voulu faire du Brésil: un pays dans la modernité.
Pour savoir ce que le Parti démocratique Gabonais (PDG) a fait et fait du Gabon, il faut simplement regarder Libreville. Une cité sans identité, la preuve du peu d’ambition que les autorités gabonaises ont pour le Gabon.
Le touriste, le promeneur économique, l’historien, qui désire arpenter ou s’installer dans cette ville serait incapable d’identifier l’histoire de la ville, son économie, son centre des affaires, son évolution, ses attraits. Le centre ville se confonde aux quartiers populaires pauvres. La chambre de commerce est le reflet d’un manque d’entreprenariat de classes de femmes et d'hmmes d'affaires. L’absence de centres culturels, de salles de théâtre, des bibliothèques publiques, des salles de conférence démontre la pauvreté de la capitale et du manque de créativité des hommes et des femmes politiques.
Dans le processus d'évolution du pays, la ville de Libreville est restée figée dans le temps. Depuis la fin des années soixante-dix, Libreville est presque restée la même. Encore que, les tracés des routes existantes à Libreville ont été faits durant la colonisation et aux premières heures de l’indépendance du pays. Depuis le décès de Léon Mba, premier président du Gabon, il ne s’est construit qu’une seule route à Libreville, le fameux boulevard Triomphal. À peine 2 kilomètres et quelque trois bicoques en guise bâtisses modernes. On ne sait pas en quoi il est triomphal, ce fameux boulevard. Sans doute de la hauteur d’esprit de ceux qui gouvernent ce pays depuis les indépendances.
Les égouts à ciel ouvert où se développent moustiques et vermines, les routes aux tracés d’une époque révolue présentent une vision d’aménagement et de développement de Libreville faits aux hasards des rapports du désordre politique et économique qui ordonne la vie des Gabonais. Les mesures servant à mettre en œuvre les orientations et les objectifs de l’administration illustrent les insuffisances de vision pour la construction d'une ville moderne.
Le portrait de la ville est ainsi le signe d’un abandon, d'un désintéressement pour bâtir une collectivité vivante. Libreville est l’expression d’une cacophonie d'urbanisation avec une forte extension de lotissements dont le découpage semble se perdre dans la confusion des rues et des ces chemins urbains qui font de la salle à manger des uns, le passage obligé pour parvenir à la demeure des autres.
La croissance démographique entraîne un étouffement et une insalubrité à peine dissimulée par les quelques éboueurs qui suffoquent sous le poids du soleil ardant. Par des moyens rudimentaires, à la besogne de propreté aux apparences de supplice, ils tentent de donner à ville un visage humain. Paradoxalement, si vous avez un ami qui vit en dehors des quartiers de ces femmes et de ces hommes du pouvoir, il faut faire de l’exercice physique avant d’envisager votre odyssée.
En effet, il faut des sauts en longueur, des sauts en hauteur, des triples sauts, des sauts de gymnastique et de ces mouvements du corps aux rythmes de «limbo» pour affranchir les obstacles sur votre chemin.
Le parcours que vous emprunterez s'est formé au gré des inondations qui ensevelissent les quartiers à la moindre pluie. Vous ne manquerez pas donc de croiser des lacs, des ruisseaux, des barrières faites de branches d'arbres posées là par les vents et qui se sont accumulés avec les saisons de pluie. Vous croiserez également des déchets, des poubelles anonymes et autres désordres, fruits d'une ville non administrée adéquatement. La vie dans les quartiers de Libreville correspond à une vie dans les prisons de la misère, un enfermement dans la pauvreté qui risque de vous rendre malade.
J’ai parcouru plusieurs grandes villes de l’Amérique du Nord et du Sud, de l’Europe, de l’Asie, de l’Océanie et de l’Afrique. Quand j’arrive à Libreville, une tristesse envahit mon corps. Tellement pauvre, qu'on a le sentiment qu'elle est en dehors du temps moderne. Les infrastructures essentielles sont absentes ou en partie déficientes. C'est un peu comme si je quittais Libreville pour aller dans un campement au cœur de la forêt des abeilles. La modernité n'apparaît que par une vague présence d'objets égarés par les routiers de passage. Dans mes déplacements dans la ville, le danger accompagne chacun des pas que l'on fait. La ville se caractérise par une insécurité quotidienne.
Dans cette ville, au détour du coin des rues, les hommes et les femmes marchent comme des somnambules, des automates politiques. Ils marchent en troupeaux d’imbéciles, tantôt stupidement patients et tantôt révoltés dans l’anonymat de leurs pensées. Néanmoins, on leur dit : « Suivez tel homme politique... Ils suivent. On leur dit : « Allez applaudir un tel... ils applaudissent. On leur dit : « Votez pour celui-là... ils votent. Puis, on leur dit: soutenez l’action du président et ils soutiennent l’action du président. Ceux qui font ces commandes sont aussi sots ; car au lieu d’obéir et de suivre les valeurs politiques et morales qui élèvent la communauté, ils font les louanges des discours politiques creux, lesquels ne peuvent être que stériles et faux, par cela même qui est une tromperie, en ce monde où l’égoïsme et la cupidité sont le fait des marchants d’illusions. C'est pour cela que Libreville n'a jamais évolué.
Assurément, Libreville n’est une ville libre que de son nom.
Ah!... qui peut comprendra ma honte, ma colère?
Qui comprendra l’émotion d’un homme plein de raison et qui regarde épouvanté ce qu’on a fait de la ville natale de ses ancêtres!
Joël Mbiamany-N’tchoreret
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