Depuis la fin des années quatre-vingt, le système éducatif gabonais est en décadence. Plusieurs réformes ont été discutées pour le permettre de répondre aux besoins de formation scolaire et universitaire susceptible de doter le pays de cadres compétents. Néanmoins, si l’on a beaucoup discuté des insuffisances du système éducatif, peu d’ancre a coulé sur les papiers pour accoucher d’une réforme conséquente. La plupart des propositions examinées ne tenant compte d’aucune ambition de développement et d’épanouissement du citoyen comme cela devait se faire. Les autorités du système éducatif se sont contentées de réciter le chapelet des énoncés de l’école moderne comme préconisés dans les pays modernes.
Dans la réalité du fonctionnement quotidien de l'école gabonaise, on a continué à mettre en place des pratiques et des ambitions de l’école héritées de la colonisation et donc des desseins mis en place par le colon pour les besoins de sa domination. Pour cela, de pronostiques à propositions de réforme, le système éducatif gabonais, au regard des ambitions que se donne toute société moderne, tourne dans le vide, se laissant décroître et rendant la qualité de formation donnée inadéquate aux besoins de développement du pays.
La difficulté de parvenir à une réforme pertinente bute à l’incapacité des responsables du système éducatif à concevoir une finalité de la mission éducative de l’école qui soit à la hauteur des ambitions d’un pays qui désire sortir du sous-développement. Cette incompétence étant elle-même liée à l’absence d’une vision effective de ce que doit être la société gabonaise : absence de projet et d’ambition engageant réellement le pays dans le développement. Conséquemment, l’école existe parce qu’il faut envoyer les enfants à l’école. Une fois à l’intérieur ou au sortir de celle-ci, on ne sait plus trop bien ce qu’il faut faire avec l’élève, l’étudiant ou le nouveau diplômé. Si l’on dit que l’école vise la reproduction sociale, le constat de l’échec de l’école au Gabon n’est donc pas étonnant. La société gabonaise étant elle-même dans une forme de dégénérescence.
Durant la colonisation, l’école avait pour mission de préparer les cadres indigènes pour soutenir l’administration coloniale dans la gestion des territoires occupés. À cet égard, puisque l’administration coloniale ne devaient retenir qu’une infime partie de la population, l’éducation a donc favorisé l’élitisme pour retenir les meilleurs produits humains indigènes. Cette mission éducative de l’école ne s’est pas effacée avec l’avènement des indépendances. Même si les projets de développement mis en place devaient conduire à bâtir la nation par une école moderne, éduquant aux valeurs de la République et aux devoirs de la citoyenneté, l’école qui sort des indépendances est résolument vouée à la formation d’une élite destinée à l’administration et à la gestion du pays comme dictée sous le maître colon. Encore qu’il faille s’interroger sur la qualité de cette administration et de cette gestion.
De la même façon que les discours sur le développement visaient à donner des rêves surdimensionnés, en parlant de l’école moderne gabonaise, le projet de l’école mise en place a montré que l’on ne savait pas ce dont on discutait. Alors que depuis les découvertes par Frenet au début du 20e siècle on parle de la construction du citoyen pour sa propre réalisation et son propre accomplissement socioprofessionnel afin qu’il se mette au service de la communauté, au Gabon, l’on institue dans les faits un cadre de rationnement du développement des intelligences, abandonnant en chemin une frange importante de la population.
Également, alors que l’on institue de l’école ailleurs comme cadre de vie devant presque se poursuivre tout au l’on de son évolution socioprofessionnelle, l’on fait de l’obtention du diplôme le bout du chemin de la formation scolaire et du développement intellectuel. De fait, on retrouve au pays des personnes aux grades universitaires éloquents mais inaptes à se prendre en main et encore moins à se mettre au service de la communauté.
Aujourd’hui, il n’est point de place pour un système éducatif figé, dans un monde en perpétuel changement. De même qu’il n’est point d’avenir pour une école qui vise à ne former qu’une élite, des diplômés sans compétences réelles. La tâche de l’école doit être d’assurer aux élèves la maîtrise des outils du savoir et de développer les aptitudes qui leur permettront d’acquérir les compétences, les savoir-faire et les savoir être indispensables à la prise en charge par eux-mêmes de leur propre accomplissement socioprofessionnelle.
En un mot, la mission de l'école, aujourd’hui et demain, est de former un citoyen qui apprend à apprendre, à agir, à être et à devenir citoyen du monde avec des rêves et des ambitions. Dans ces conditions, l’école est plus que jamais appelée à s’acquitter de ses fonctions essentielles qui consistent à développer tous les individus dans leur diversité tout au long de leur vie. Ces impératifs mettent le système éducatif dans l’obligation de procéder à la mise à niveau de toutes ses composantes : institutionnelles, pédagogiques, humaines, matérielles et visées éducatives.
Joël Mbiamany-N'tchoreret
Diplômé de sciences politiques
Enseignant et chercheur en psychopédagogie
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