dimanche 31 juillet 2011

La lutte pour la démocratie au Gabon doit se faire en dehors des institutions légales.

Par rapport à la confirmation de la dissolution de l’Union Nationale par le Conseil d’État et au regard des nombreux renvois de l’opposition aux institutions judiciaires de l’État, suite aux fraudes manifestement récurrentes des processus électoraux soldés par des jugements iniques en faveur du parti au pouvoir, de même, le rôle qu’exerce le Conseil national de la communication pour embrigader la liberté d’expression politique et le parti pris des médias d’État en faveur du pouvoir, il n’est point de motif de songer que l’enracinement de la démocratie au Gabon aboutira des luttes à l’intérieur des structures politiques et du système judiciaire existants. La cause est entendue pour ce qui est d’une certaine approche du politique au Gabon.

En réalité, le pugilat politique dans la démocratie est un concours pour instaurer une gouvernance d’alternance entre des formations politiques opposées. Pour cela, faut-il préalablement compter sur l’existence d’un cadre institutionnel devant régir le processus de l’alternance politique selon le bon vouloir du peuple souverain. Lorsque ce cadre institutionnel est défaillant ou absent, il faut songer que le pugilat politique n’est plus une lutte de la démocratie, mais plutôt une lutte pour y substituer des institutions susceptibles de favoriser la démocratie dans la gouvernance du pays. Cette quête des institutions politiques démocratiques fait intervenir des moyens autres que ceux conventionnellement admis dans un cadre où les différents concourants à la conquête du pouvoir adhèrent au respect des institutions légales. Pour le Gabon, l’acte de dissolution arbitraire de l’Union Nationale indique qu’il faut désormais agir dans un cadre de dépassement des institutions légales. Elles sont antidémocratiques.

Les optimistes et autres adhérents à la légalité de tout poil ne manqueront pas d’affirmer que cette approche est outrée et ils se décerneront facilement une licence en modestie, en sagesse et en lucidité politique, prétendant que la légalité dans le contexte politique actuel est préférable au cadre de légitimité et que les propos ici tenus révèlent du mépris de la décision des institutions légales. Et comment ! Si l’on considère que ce qui se passe au Gabon depuis la Conférence nationale en 1990 participe d’une volonté d’imposer certains comme gouvernants, il faut se demander de quel côté se situe exactement le mépris. Comprenons que tous les États dont l’emploi premier des institutions de la puissance publique est la préservation du pouvoir pour un clan, fonctionnent avec des artifices d’institutions qui font valoir un mépris du peuple dans un respect du droit de l’État façonné à juste titre à la mesure de la volonté de conservation du pouvoir à certains. Ces institutions entraînent directement ou indirectement la violence contre leur peuple, dans la mesure où elles substituent la légitimité politique par la légalité étatique faite sur mesure pour certains.

Par le fait, déguisés derrière les grands principes du respect de la loi et les farces électorales dont les vainqueurs ne sont que le produit de l’imagination de ces mêmes institutions, parfois imposées en violation de leur propre légalité, le totalitarisme rampant qui en découle, sous couvert de chasser ceux qui ne respectent pas la loi, s’en prennent à tous ceux qui extériorisent une opposition politique réelle pour manifester leur droit légitime de s’opposer à l’arbitraire des lois. Le seul fait d’être d’avis contraire et de vouloir le manifester, de s’interroger sur la gouvernance du pays ou de critiquer les contrefaçons qui conduisent certains à s’emparer du pouvoir peuvent valoir la visite d’une brigade spécialisée de l’armée.

Par rapport à de telles conditions, comment vouloir faire rechercher la défaite du parti au pouvoir en disant le faux dont il se rend souvent coupable quand par ailleurs il faut s’adresser à ces mêmes institutions corrompues à une certaine cause. N’est-ce pas là un paradoxe ! Manifestement, il convient en toute intelligence sortir du cadre légal, celui-ci s’étant disqualifié à présider à l’enracinement de la démocratie par son asservissement aux ambitions et lubies de certains. En cela, sans faire dans la langue de bois, les authentiques leaders politiques d’une réelle opposition, à l’instar de Gandhi, de Martin Luther King, doivent dire au peuple l’heure juste sur les institutions politiques et judiciaires de leur pays. Au lieu de parler d’un recours inadéquat à des institutions internationales qui montrent jour après jours des formes variables de la légalité et du respect des droits humains. Il faut développer un discours politique qui porter sur un autre enjeu politique en suscitant un cadre nouveau de la lutte politique : celui des institutions démocratiques, respectueuses de la volonté souveraine du peuple.

Dans les situations de domination politique contrôlées par un cadre légal injuste, faut-il développer un discours d’affranchissement de ce cadre. Comme d’une théologie de la libération, il convient d’instruire le peuple sur la vérité de ses conditions de domination politique. Il faut raconter au peuple l’histoire de cette condition politique. Le récit doit pour mobiliser prendre appui dans le vécu des gens. Non pas pour dire ce que l’on sait tous, mais relater les fondements de ce que vivent les gens et comment ils le vivent. La prise de conscience de chaque citoyen de sa vie infernale entraînera nécessairement une quête d’affranchissement de la condition d’existence vil. Ayant préalablement défini dans l’élément déclencheur du récit, ce qui est la source de cette condition, le leader politique authentique conduira le peuple au moment opportun à désigner le coupable des entraves qu’il vit. Et le peuple demandera de lui-même de s’en défaire. Le mouvement sera spontané. Il sera le renversement politique qui ne se décrète pas, se déclenchant de lui-même. Il faut simplement conditionner le peuple à vouloir le changement politique plus qu’autre chose.

En effet, nous devons désormais nous rendre à l’évidence qu’aucun changement politique fondamental ne peut se faire sans une réelle volonté de renversement des institutions étatiques existantes. Les tenants du pouvoir, même lorsqu’ils parlent de changements, de réformes politiques, ils se gardent bien de remettre en cause les instruments qui les maintiennent au pouvoir, même si, par ailleurs, l’existence de ces instruments est la cause des mécontentements et des ennuis du fonctionnement politique du pays et de sa bonne gouvernance.

Voilà où doit s’orienter le discours nouveau se l’opposition aujourd’hui au Gabon chers compatriotes. Il ne reste plus qu’à allumer les torches indigènes et siffler dans la corne du buffle pour que nous entrions dans la danse du Bwiti. L’iboga est dans l’assiette. Il ne reste plus au ngombi qu’à lancer ses premières aires mélodieuses.

Joël Mbiamany-N’tchoreret

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