jeudi 5 mai 2011

L’acte posé par André Mba Obame est politique : elle appelle une réponse politique.


Je suis contraint, depuis quelques jours, à une certaine réserve. Pourtant, au vu de la situation tendue en ce moment à Libreville, je me dois de prendre la parole. Garder le silence, en ces temps si graves de l’histoire politique de notre pays, serait de favoriser les troubles qui entraîneront le pays à des sérieux affrontements politiques et civils si les Gabonais ne s’immobilisent pour dire non : c’est assez, Ali Bongo et le PDG, vous devez arrêter vos folies si vous aimez ce pays. Le Gabon n’est pas une chose. Il est un corps vivant. Vous et les vôtres l’avez suffisamment martyrisé.

Effectivement, le pays est à terre. Nous n’avons pas besoin de cette énième crise politique qui ne fera qu’agrandir le fossé; plonger le peuple un peu plus dans le tourment. La crise politique latente qui perdure ne trouvera aucune solution viable par un processus judiciaire que l’on sait déjà tronqué d’avance. En insistant dans votre démarche de la levée de l’immunité parlementaire d’André Mba Obame, vous donnez au feu l’oxygène qui embrassera ce pays. Il entraînera inéluctablement le pays dans une rébellion occasionnant la mort d’innocents. Nous n’avons pas besoin de ce cataclysme. Vous devez vous ressaisir.

L’action posée par André Mba Obame est légitime. Les Gabonais de bonne foi doivent examiner ce dont il s’agit avec une attention toute soutenue. Ce qui est mis en exergue dans l’acte posé par André Mba Obame est la défense des droits démocratiques collectifs et de nos valeurs républicaines.

Le contentieux électoral de l’élection présidentielle anticipée au Gabon a été arbitrairement examiné. Jusqu’aujourd’hui, Ali Bongo n’a pas fait la preuve qu’il avait gagné cette élection, au-delà des déclarations du ministre de Jean-François Ndoungou. Si Ali Bongo dit être la personne élue, qu’il le démontre. Sinon toute personne ayant pris part à cette élection est tout en fait en droit de se dire vainqueur au regard de ses propres données des votes.

En vérité, la Commission électorale n’avait pas déclaré de vainqueur. Alors qu’elle procédait à la compilation des données des urnes, le ministre de l’intérieur accompagné des bérets rouges est venu interrompre la centralisation des résultats des votes, s’étant préalablement rendu compte, selon les données préliminaires, qu’Ali Bongo avait perdu l’élection. À partir des données sorties de sa poche, le ministre de l’intérieur a déclaré Ali Bono vainqueur de l’élection. Malgré le poids des preuves présentées par les autres candidats sur les facéties de la déclaration du ministre de l’intérieur, le Conseil constitutionnel a statué la déclaration de Jean-François Ndoungou valable.

Nos évaluations des deux tiers des votes exprimés indiquent qu’Ali bongo au mieux ne pouvait qu’être troisième. Les déclarations faites par les observateurs objectifs corroborent nos conclusions. Il y a donc dans la proclamation du ministère de l’intérieur de l’élection d’Ali Bongo une forfaiture. En validant cette déclaration, en plus de jeter parterre ce qui la restait de crédibilité, la Cour constitutionnelle s’est sabordée dans son rôle de gardienne de la légalité constitutionnelle.

Autant, puisque la Cour Constitutionnelle qui a validé l’élection d’Ali Bongo par le ministre de l’intérieur était elle-même déjà dans une situation d’illégalité : le mandat de sa présidente étant échu avant la tenue de l’élection présidentielle, le pays est dans une situation de crise politique et institutionnelle. Lorsque l’instance censée dire le droit n’est plus légalement dans le droit de le faire, qui en effet peut lire le droit?

Vu la déliquescence de la plus haute autorité juridique de l’État, l’improbable neutralité du ministère de l’intérieure, l’incapacité de la CENAP de proclamer les résultats authentiques, le vainqueur réel de résultats de l’élection présidentielle anticipée n’a pas été légalement proclamé.

André Mba Obame, comme tout citoyen épris du droit, de la légitimité de l’autorité politique, a pris l'initiative, par son geste, de poser la question: qui a gagné l’élection présidentielle anticipée de 2009?

La question d’André Mba Obame s’adresse de façon politique à la classe politique, à la société civile gabonaise, à la communauté nationale et internationale. Elle a le mérite de rechercher la vérité, une voie de sortie de la crise politique par l'examen des faits. Laisser la situation en l’état, c’est appeler à l’arbitraire qui depuis septembre 2009, s’est manifesté à tous égards. La question d’André Mba Obame ne doit souffrir d’aucun silence au risque de conduire le pays dans tous les excès.

Plusieurs compatriotes disent que la crise politique actuelle au Gabon est un conflit entre deux frères. Il n’en n’est rien. Elle concerne les institutions de la République. Par conséquent, c'est un fait qui concerne toutes les Gabonaises et tous les Gabonais. Toute la classe politique doit comprendre dans quel gouffre elle va plonger le pays si elle n’est ne parvient pas à donner une suite politique réelle à la question que nous pose André Mba Obame. Il ne faut pas, comme en Côte d’Ivoire, favoriser une situation qui occasionnera des morts parce que personne ne veut réexaminer les résultats des urnes en toute neutralité.

Il faut sortir de l’impasse. La solution consiste à la mise en place d’un gouvernement de transition pour une période 16 mois. Dans l’intervalle, une commission constituée à parité des membres de l’opposition, de ceux du parti au pouvoir et de la société civile veillera à redonner la crédibilité aux institutions de l’organisation et de la tenue des élections libres et transparentes au Gabon.

Les Gabonaises et les gabonais de tous les bords politiques et les membres de la société civile doivent se mobiliser pour que cette commission de correction institutionnelle soit mise en place.

Joël Mbiamany-N’tchoreret

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