dimanche 20 novembre 2011
PLAIDOYER POUR UN SOMMET PATRIOTIQUE SUR L’AVENIR POLITIQUE ET INSTITUTIONNEL DU GABON APRÈS LE 17 DÉCEMBRE 2011
Le Gabon notre pays traverse une crise politique profonde, n’en déplaisent aux émergents et autres courtisans dans l’ombre. La source de cette crise, comme je l’ai démontré dans un article récemment, remonte au début de l’indépendance du pays.
«Sous la coloniale, la constitution du 27 octobre 1946, instituant l’Union Française, avait créé un cadre propice à l’éclosion du pluralisme politique en Afrique noire française. Au Gabon, comme dans les autres Territoires d'outre-mer, de grands mouvements politiques avaient vu le jour, et s’affrontaient sur le terrain politique. Par rapport à ce pluralisme politique, le 4 novembre 1960, le Gabon s’était dotait d'une constitution de type parlementaire. Elle conférait l’essentielle des prérogatives de l’autorité de l’État aux représentants du peuple assemblés ».
Au lendemain du refus du général de Gaule de faire du Gabon un département français et des vives discussions nées dans les échanges avec ses adversaires politiques, Léon MBA adopte des pratiques de gouvernement restreignant les libertés politiques au niveau de l’Assemblée nationale. Aidé par ses amis les forestiers blancs du Gabon qui mettent en place un système de corruption généralisée, Léon MBA parvient à avoir l’ascendant sur ses adversaires politiques et à prendre les commandes de l’Assemblée nationale. En 1961, alors qu’il est élu président de la République en candidat unique, une nouvelle constitution élaborée sans consultation des citoyens lui accorde pratiquement tous les pouvoirs du parlement. D’un système parlementaire, le Gabon passa à un système politique présidentiel sans le constamment du peuple pour un changement aussi fondamental. C’était un d’État.
En février 1964, voulant stopper Léon MBA dans ses manœuvres anticonstitutionnelles démocratiques, un groupe de patriote renverse arrête Léon MBA et amène au pouvoir son opposant démocrate Jean-Hilaire Aubame. La France qui voit en Léon MBA son allié dans l’exploitation des ressources du Gabon le ramène militairement au pouvoir et le pays passe alors sous la tutelle de Paris.
Gravement malade, Léon MBA est conduit en France pour des soins de santé. Pour assurer une succession qui favorise ses intérêts, la France encourage l’ajout du poste de vice-président de la République dans la Constitution. Dans la mesure où ce changement s’est appuyé sur la légalité constitutionnelle née en 1961, ce changement était ni légale et encore moins légitime.
Ce changement permettra à Albert-Bernard Bongo vice-président, d’accéder au pouvoir à la mort de Léon MBA en novembre 1967, donc illégitimement et immoralement. Afin de perdurer au pouvoir, Omar Bongo procédera à la modification de la Constitution pour instaurer le monopartisme. Il enlevait aux citoyens l’indépendance de choisir leurs gouvernants. En procédant unilatéralement, Albert Bernard Bongo perpétuera la situation de coup d’État. De la même façon, toutes les réformes constitutionnelles faites par la suite et qui ont trouvé justification légale dans les différentes Constitutions réformées par Albert Bernard Bongo antérieurement n’ont été qu’une perpétuation des coups d’États initiaux qui ont enlevé aux Gabonais le droit de choisir librement leurs gouvernants.
En 1990, la Conférence nationale entraînant l’instauration du multipartisme n’avait pas préalablement rétabli la souveraineté du peuple sur l’ordre constitutionnel. Voilà pourquoi les consultations électorales faites sous le multipartisme par la suite se sont toutes soldées par un contentieux entre la volonté de la majorité des citoyens et la volonté d’Omar Bongo et ses courtisans. Le cadre institutionnel favorisant la volonté d’Omar Bongo a soldé tous les contentieux en sa faveur. La crispation politique du peuple face à cette situation a entamé depuis 2994 une crise politique qui perdure.
Pour s’en sortir, les chefs politiques se sont retrouvés en France et ont signé des accords politiques, dites les accords de Paris. Ils entérinèrent quelques maigres principes pour établir un ordre constitutionnel plus propice à l’expression de la volonté souveraine des citoyens. Les citoyens furent convoqués à un référendum pour donner leur consentement à ces accords.
Dans la mesure où le cadre de discussion accouchant des accords de Paris n’offrait qu’un rapport de force minimal à l’opposition politique représentant la majorité des citoyens, les accords politiques de Paris n’ont favorisé que des changements constitutionnels mineurs. Ils n’ont pas été à la hauteur pour faire respecter l’expression de la volonté de la majorité des citoyens. Conséquemment, lorsque les citoyens ont été appelés à s’exprimer sur leur gouvernance après la signature des accords de Paris, les intérêts politiques égoïstes d’Omar Bongo soumettant l’ordre institutionnel du pays à sa volonté ont fait barrage à l’expression de la volonté de la majorité des Gabonais. C’est dans ce cadre institutionnel qu’à la suite du décès d’Omar Bongo que s’est tenue l’élection présidentielle anticipée d’août 2009.
Par rapport à cette élection, les observateurs sont unanimes. Ali Bongo qui a succédé à Omar Bongo comme président du pays n’avait pas remporté l’élection présidentielle anticipée de 2009. La mainmise sur les forces de sécurité et le contrôle que ses proches exercent sur les institutions de l’État ont fait proclamer l’élection d’Ali Bongo. De même, par le contrôle exercé par sa belle mère sur la Cour constitutionnelle avait vidé les contentieux nés de la contestation de cette proclamation en sa faveur.
Depuis trois mois, des appels à la non participation aux prochaines législatives sont dans les lèvres et les écrits des tenants de la transparente électorale et de la reprise par le peuple de la souveraineté de ses institutions politiques. Un mouvement citoyen a été mis en place pour relayer ces revendications. Le mouvement « ça suffit comme ça » regroupe en son sein des personnalités de la société civile, des cadres de partis politiques et leurs chefs de même que des citoyens anonymes, militants, activistes, etc. Pourtant, malgré la légitimité de la démarche qui le sous-tend la cause, ça suffit comme ça n’a pas encore fait tout le plein de mobilisation qu’on attendrait d’un tel mouvement. Plusieurs Gabonais préférant observés ce qui se passe et écouter ce qui se dit.
Échaudés par le comportement de plusieurs acteurs politiques, plusieurs gabonais ont développé le reflexe de l’attentisme et de la non implication dans les débats sociopolitiques. Pourtant, ça suffit comme ça ne peut faire l’économie de l’indifférence des Gabonais dans son engament pour le bien de tous les Gabonais. En leader de la revendication sociopolitique pour des changements notables, le mouvement, tout en maintenant le cap, doit reconsidérer certains aspects de son élan en vue de la mobilisation totale des gabonais.
À cette fin, il est nécessaire de dépasser les écueils de l’idéalisme imprégnant une grande partie de la pensée exprimée en ce moment. Il faut se départir des biais idéalistes et entraîner les gabonais dans un discours concret. Se départir des biais idéalistes suppose, d’abord et avant tout, de reconnaître que le discours actuel ne même nulle part. Il n’est pas positif. Les idées les plus magnifiques lorsqu’elles ne sont pas dotées, en elles-mêmes, d’une finalité concrète pour les gens qui vivent au quotidien des situations difficiles, elles n’ont qu’un pouvoir d’attraction sociale mineur. Elles ne peuvent constituent un facteur de mobilisation que dans la mesure où elles permettent ou laissent poindre un gain de tous les acteurs du changement.
L’appel à ne pas participer et à ne pas collaborer à la tenue des élections doit donc surtout viser à renforcer chez les citoyens l’espoir que leur mobilisation débouchera sur une démarche qui leur sera salutaire par la suite. À l’encontre du déterminisme de certains discours politiques humanistes, il est nécessaire d’insister sur ce qui adviendra du fait de ne pas aller à cette élection pour eux et non ce que le pouvoir subira de honte.
Dès lors, il est essentiel d’avancer un projet apte à rassembler largement. Il ne s’agit pas de dénoncer uniquement les rapports de domination existants mais de trace une alternative attrayante. Que se passera-t-il après le 17 décembre 2011. Contre le dévoiement de la notion de domination politique, il faut redonner à cette nation un sens politique authentique consistant à mettre en avant des mesures capables de transformer, voire, de dépasser la situation politique actuelle. Outre des propositions de réformes à la fois crédibles et radicales, un projet convaincant doit aussi dessiner un horizon de long terme, seul à même de réinsuffler l’espoir en des changements politiques souhaités par tous sans pour autant que nous exposition le pays et les populations a des situations malheureuses.
En effet, l’écrasante majorité des gabonaises et des gabonais vivent des situations politiques coriaces et multiformes qui entravent leur capacité à se donner des rêves sains et à mettre en œuvre des projets de vie simples. Des inégalités sociales aux inégalités entre les sexes, en passant par les discriminations fondées sur l’origine ethnique et clanique, le principe de liberté de se donner un destin pourrait refléter l’intérêt d’une majorité de citoyens.
La liberté n’est en effet effective que pour une minorité de dominants dans les rapports socio-économiques, culturels ou de genre, tandis que la majorité des individus cumule diverses formes d’oppressions et d’inégalités. L’idéal de liberté, en plus de permettre une contestation de l’existant et le rassemblement de divers combats, aurait aussi pour avantage de tracer une alternative mobilisatrice. Chacun n’aspire-t-il pas à être libéré des diverses entraves qu’il subit dans son existence et à pouvoir à la place réaliser ses rêves et projets de vie de manière autonome?
Potentiel de mobilisation
S’il est nécessaire de parler à l’intérêt de chacun ce n’est pas seulement en raison de des souffrances que chacun endure ou des mentalités nouvelles de la société de consommation qui créent des singularités sociales, mais aussi parce que l’égoïsme constitue une part des comportements humains tout aussi essentielle que l’altruisme et est particulièrement présent dans les motifs d’actions ou de décisions collectives. Au lieu d’interpréter le souci de soi uniquement comme un obstacle aux transformations sociales et une justification du statu quo, ça suffit comme ca devrait en percevoir le potentiel mobilisateur: à condition d’être utilisé pour générer une action collective de sensibilisation du particulier au collectif et du collectif au particulier au regard du gain éventuel qu’une mobilisation nationale pourrait entraîner.
La vision réaliste que nous proposons suppose aussi de laisser ouverte la définition de la liberté. Ainsi, dans une société où chacun serait libre de définir les entraves à sa vie et à son bien-être, certains choisiraient de se concentrer sur la liberté politique, l’autre sur son absence d’épanouissement socio-économique, tandis que d’autres privilégieraient leurs aspirations personnelles. Car il faut savoir que si certains participent à temps plein à la politique, d’autres ne consacrent qu’une petite partie de leur temps aux préoccupations politiques, ce qui impose d’intégrer pleinement dans le discours une approche qui laisse libre cours à l’appropriation du discours de la contestation, à la démocratie.
Mais rendre la liberté réelle pour chacun suppose aussi de penser les moyens collectifs de sa réalisation. Étant donné les nombreux rapports de domination caractérisant la société actuelle, des transformations d’ampleur sont nécessaires pour permettre à chacun de réaliser ses conceptions du bien: il s’agit non seulement de générer un engagement des citoyens en faveur d’un certains progrès sociopolitique et économique mais aussi, de dire comment l’engagement aboutira à cette conception du bien.
Action politique
La souveraineté politique et économique devrait dès lors être réhabilitée contre les attaques répétées dont elle fait l’objet mais sans céder pour autant aux tentations identitaires. Contrairement aux discours patriotiques en tout genre — qu’ils soient explicitement exclusifs ou fondés sur les droits humains et la démocratie et qu’ils soient nationaux, régionaux ou supranationaux — il est possible et souhaitable de penser la souveraineté en la détachant de l’identité. L’impulsion principale de l’action politique devrait être la réalisation de l’intérêt de la majorité des gens par la mise en place des conditions nécessaires à leur liberté.
Aussi, nous proposons aux Gabonaises et aux Gabonais de tenir après la période des fêtes au mois de mars 2012 un sommet patriotique sur l’avenir politique et institutionnel de notre pays. Par ce sommet, nous attendons nous réapproprier la souveraineté de nos institutions donnée aux mains des étrangers. Le débats sur la reprise entre nos mains des institutions de notre pays devrait donc être fonctionnelle plutôt qu’identitaire, éthique ou morale si l’on veut éviter les débats non rassembleurs — imposer à tous une vision particulière du bien — et communautariens — homogénéiser le collectif de manière artificielle, occulter ses contradictions internes et opposer un «nous» valorisé à des «eux» dénigrés.
En fin de compte, un projet ayant pour fin la liberté et comme instrument l’action collective devrait permettre au mouvement ça suffit comme ça de faire intéresser tout le monde au débats et à la revendication de la transparence électorale.
Joël Mbiamany-N’tchoreret
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