Il ne fait aucun doute aujourd’hui, le Gabon est un pays divisé en deux camps politiques distincts. Cette division ne naît pas d’une différence de position sur les philosophies des politiques à mettre en place pour le développement du pays. Il s’agit bien d’une opposition entre, d’une part, ceux qui croient que le pays leur appartient à eux seuls et qui font ce qu’il faut pour nier aux autres le droit d’existence citoyenne et, d’autre part, ceux qui considèrent que le pays appartient à tous les Gabonais et que ce fait, il faut instituer et respecter les règles de fonctionnement du pays de manière à ce que tous, chacun dans ses domaines de compétence, participent à son édification.
Il y a donc ici une opposition n’ont pas des idées politiques mais une réfutation du droit de citoyenneté d’un camp par l’autre. Naturellement, en pareille situation, il s’y développe l’intolérance politique des uns et des autres (d’aucuns parlent de repli identitaire, tout dépend de quel côté de la barrière on se situe par rapport au pouvoir). Les tenants du pouvoir sont disposés à accepter ceux de l’autre camp comme citoyens. La condition est qu’ils se plient et acceptent de reconnaître leur domination politique. Les opposants refusent de reconnaître les tenants du pouvoir parce qu’ils considèrent leur détention du pouvoir illégitime et que, en pareille circonstance justement, toute reconnaissance de la légitimité du pouvoir illégitime équivaudrait à une acceptation de la domination politique. Laquelle domination entraîne toujours l’arbitraire du pouvoir et donc des formes avérées de servitudes politiques.
Que considère-t-on d’illégitimité? En quoi requiert-elle la domination politique pour exister?
On dit d’une chose qu’elle est illégitime lorsqu’elle fonde sur ce qui est contraire aux principes naturels de son existence ou que cette existence se caractérise en dehors des règles ou des valeurs communément acceptées. En politique on parle de ce fait d’un gouvernement ou d’un pouvoir qui est constitué en dehors du respect de la loi et que son existence est une imposition contraire à la volonté du peuple comme exprimée dans les unes. Concrètement, une telle imposition nait dans la violation de la volonté du peuple. De fait, il s'enfante toujours dans la souffrance des citoyens. Pour cela, il est par nature un fait de domination du peuple.
Weber reconnait dans ses écrits que la politique est un jeu de domination par lequel les uns imposent aux autres leur volonté. Encore que depuis la démocratie athénienne, cette domination légitime du pouvoir a emporté l’assentiment du peuple et ne vise donc pas une coercition exprimant la voix du dictat politique. La domination politique d'un pouvoir politique illégitime met en place une relation de domination de maîtrise(dominus = maître) et de servitude. Elle est résultante d’un dictat : «acceptez-moi malgré vous; vous faites ce que je vous dis pour me reconnaître et reconnaitre mon autorité. Vous êtes tenus d’accepter ce qui est, sinon vous n’êtes pas des citoyens libres». Une telle situation de dictat ne vise qu’à entraîner des inégalités politiques entre les individus, entre les citoyens.
En effet, plus nous détenons un pouvoir de façon illégitime, plus nous aurions à agir comme un chien ayant entre ces canines un os usurpé. À cause de la peur de sa reconquête par le propriétaire, nous agissons férocement, inconsidérément puisqu'il s'agit d'exercer sa domination. On veut en tout lieu et en toute circonstance, montrer notre force d’anéantissement car elle seule décourage la contestation et en elle seule réside notre capacité de préservation du larcin. Par cela, aucune magnanimité de proviendra de nous dans l’acceptation de l’existence de l’autre à côté de ce qui devient devient notre manger, à moins, qu’il montre une soumission et un renoncement avérée à l’objet disputé.
C’est à ce type de domination politique prédatrice que refuse de se soumettre une certaine opposition au Gabon. Elle considère qu'une telle domination est l'existence de la subjectivité d'une personne. Elle détiendrait des pouvoirs absolus exercés toujours aux dépens d'une autre qui en serait nécessaire dépourvu et donc dans l'incapacité de se défendre ou de se protéger. Par rapport à ce pouvoir, il n’existe aucune possibilité de réel progrès du pays où les intérêts, les aspirations des individus se sont distancés, par justement ce qui a été durant près de quarante ans le pouvoir d’un seul homme.
Par conséquent, l’opposition que pratique les membres de l’Union Nationale n’est pas systématique au fait de l’existence politique d’un individu. Elle est une opposition contre le fait qu’un individu maintienne résolumment le pays dans le même chemin du monolithisme politique des cinquante dernières années.
Une autre opposition, prenant acte de la réalité des causes et forces de domination du pouvoir illégitime, elle et une partie de la population ont décidé de se rallier au pouvoir. Pour l’Union du Peuple Gabonais (UPG) et les autres partis politiques dits de la majorité présidentielle, ce ralliementa a revêtu la couverture de déclarations officielles de soumission dans les ondes publiques, chez certains citoyens, le ralliement s'institue par ce que Bourdieu appelle l’habitus du pouvoir.
Dans le fonctionnement quotidien du pays, certains individus en sont venus à agir involontairement et progressivement dans les structures sociales de l'État et donc aussi dans les structures politiques dans lesquelles se forme la domination politique illégitime. Par commodité ou ignorance, ces structures qu'ils ont incorporées progressivement leur paraissent naturelles, au point où ils ne se posent même plus la question de savoir si elles sont légitimes.
En fait, les citoyens dans la situation d’acceptation, par la résignation à la domination politique, agissent tels des sujets dans un royaume de droit divin absolu. Ils ne cherchent pas à savoir ce qui est juste, ce qui est légal ou ce qui est moral. Comme des automates, ils se soumettent ou acceptent simplement les conditions de soumission car il s’agit pour eux de tout simplement exister.
Pour ceux qui se fondent sur la loi, la morale républicaine, l’amour patriotique, il ne saurait y avoir résignation. Sinon, il faudra une fois de plus accepter le pouvoir d’un homme et de ce fait de maintenir le pays dans l’obscurantisme politique et économique comme cela l’a été sous Omar Bongo.
Ces radicaux sont d'avis qu'aucun pays ne peut se développer dans l’arbitraire politique. Ils estiemnt qu'il n’y a rien de ce que fait Ali Bongo qui est de nature à garantir les principes de démocratie et donc du développement du Gabon, au contraire. C’est effectivement dans le respect des principes démocratiques que le Gabon peut évoluer. Le respect de ces principes autorise la contradiction politique et donc fait éclore le meilleur de chaque Gabonais dans la quête du bien-être de tous.
En conclusion disons que le Gabon est divisé entre ceux qui veulent la démocratie réelle pour la participation de tous à l’émancipation du pays et ceux qui s’y opposent pour des raisons de conservation du pouvoir en vue de gérer le pays comme d’une chose qui leur appartient en propre. Cette quête de conservation du pouvoir s’exerce de façon prédatrice. Elle vise par tous les moyens à refuser aux autres Gabonais leur citoyenneté dans l’organisation et le fonctionnement politique du pays. Un tel comportement prédateur ne laisse le choix qu'entre la résignation ou les luttes politique qui inévitablement finiront par s’exprimer et trouver leur solution que dans la violation par les armes.
Joel Mbiamany-N’tchoreret
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