C’est peut être exagération de ma part que de devoir écrire constamment sur ces choses qui n’occupent en rien mon activité professionnelle. Je me gênerai presque de l’agacement causé chez certains de parcourir ces discours souvent mal construits, si de la peine qui m’habite, je n’avais été forcé de devoir prendre parole pour dénoncer ces gangsters politiques qui se disent nos gouvernants. J’y trouve dans cet exercice non pas un plaisir mais un sacerdoce pour ceux qui refusent de parler parce que pudiques ou ne peuvent le faire du déficit du temps, de l’énergie, du défaut de l’esprit ou même du courage.
Mon état d’exilé politique et mon aversion pour la forfaiture sont cause du refus du silence. Je serais le dernier des patriotes si de l’opposition à l’injustice fait au peuple par ces brigands politiques, je faisais l’économie de la dénonciation en forçant mon cœur et ma raison au silence. Quelle quiétude pourrais-je en tirer! J’écouterais un sentiment qui n’est ni douceur ni paix de l’âme, mais faiblesse et lâcheté d’esprit, en m’empêchant de remplir ce devoir auquel tout citoyen, patriote devrait être assujetti.
L’on peut considérer que rien d’important n’est dévoilé dans mes dires. J’en conviens. Tout dépendra alors de ce que l’on considérera important. La légitime gouvernance du peuple et son sort, l’exposé de quelques injustices, la réfutation des mensonges d’État; tout cela n’est rien d'inconsidérable pour mériter l’attention de personnes vouant leur esprit à des choses plus pressantes comme trouver dans l’immédiat à manger pour leurs enfants, devoir soigner ou trouver des soins pour redonner de la santé à des proches souffrant terriblement.
Néanmoins, si mes sujets sont petits, les objets qu’ils traitent sont grands, et dignes de l’attention de tout citoyen doté d'un esprit patriotique: la liberté politique, le libre choix de ses gouvernants, le respect de la loi justement et moralement établie, voilà, pour qui que vous soyez, ce qui n’est pas au-dessous de vous et devraient d’autant plus vous concerner, car il s’agit bien de votre existence citoyenne. Elle n’est pas monnayable, échangeable ou objet de compromission.
Cher amis, chers compatriotes,
Non, je ne vous blâme point de votre silence ou de point vous joindre ouvertement à ce combat de la libération politique de notre nation. Je vous blâme pour la confusion dans laquelle vous vous complaisez, en renvoyer dos à dos les acteurs politiques: entre ceux qui souhaitent la libération politique du pays et ceux qui ont décidé pour vous de votre destin politique sans même dédaigner lancer un regard dans les souffrances qui affligent au quotidien les nôtres, les vôtres, vous-mêmes.
Oui, les usurpateurs émergents disent qu’ils feront des choses. De cette promesse, vous êtes tentés à la compromission de votre citoyenneté pour des rêves utopiques. Et même si ces rêves étaient réalistes, le gain gagné n’a aucune commune mesure du sacrifice que la nation devra payer un jour. La citoyenneté d’un individu est son être politique et social, on ne peut s’en défaire, sans se défaire soi-même. Nous nous sommes données des règles en 1958 à la proclamation de la République; lors du grand débat de la Conférence Nationale nous avons opté pour une certaine vision de cette Loi; de même, lors des Accords de Paris, nous avons convenu d'un certain consensus. Par votre silence vous avez décidé de mettre tout cela aux orties et donner la République au premier venu qui a montré ses crocs.
Vous trouvez raison pour justifier votre lâcheté de dire «mais lui au moins essaie de faire quelque chose». En tenant de tels propos, vous agissez comme si l'on parlait du vole d'une vache, comme si nous étions encore à l’époque d’Omar Bongo. Omar Bongo est mort et son époque devrait mourir avec lui. Il n’y a aucune raison de le ressusciter. 40 années d'un pouvoir personnel c’était déjà trop. Pourquoi ressasser tout cela. Au moment venu, chacun assumera sa part d’héritage de ces 40 ans de sorcellerie politique. Nous n’en sommes pas là, pour le moment du moins.
Vous devez comprendre que l’enjeu politique qui occupe notre pays aujourd’hui n’est pas celui d’un choix d’un individu contre un autre, d’un parti politique au détriment d’un autre.
Il s’agit du choix de la liberté politique contre la confiscation du pouvoir politique; du développement du pays à partir de nos aspirations, de nos besoins de vivre en commun, en communauté contre un développement d’un individu qui, en quête de légitimité, brade les richesses du pays pour sa reconnaissance politique internationale et de son égo; c'est le choix d'un pays où la séparation des pouvoirs sera effective pour garantir l’égalité des citoyens, la légalité des actes politiques et la justice pour tous contre le choix d’un pays où un seul individu concentre entre ses seules mains l’ensemble des pouvoirs de l’État pour agir selon son bon vouloir et souvent en toute illégalité. Voilà ce qu'est l'enjeu de la lutte politique dans notre pays aujourd'hui.
Même l’homme le moins juste, du fait de sa soumission aux contraintes de la vie, quand il constate des situations contre nature, voit rarement les choses de façon tordue. Il les voit comme la raison et la morale le lui dictent. Je ne vous oblige pas à l'adhésion d'une thèse contre une autre. Je vous invite au bon sens. Est-ce normal qu'un seul individu décide de marcher sur la Constitution, viole la loi pour devenir président et changer cette Loi suprême pour se maintenir au pouvoir?
Je comprends que certains, pour des motifs dont eux seuls connaissent les fondements, faisant fi du bon sens, ont décidé de faire confiance au maitre usurpateur et de fermer les yeux sur le respect des lois de notre pays. Franchement, cela m’est insupportable au plus haut point. Moins par le manque d’affection que l’on peut éprouver pour une personne que la dénaturation de la loi de la République, de la Loi suprême à laquelle nous sommes obligés du simple fait de la brutalité de l’auteur de cette contrainte.
Ce qui fait un pays est sa loi suprême : la Constitution. Même sous Omar Bongo, une certaine observation de la Constitution était de mise. De fait, Omar Bongo savait très bien que son fils était adopté. Pour diriger ce pays, il avait accepté le principe de la citoyenneté de naissance pour être candidat à l'élection de président de la République. Il l’avait fait pour cause. S'il voulait que son fils adoptif le succède, il n'aurait pas accepté une telle disposition, tout puissant qu'il était. Malgré ce garde-fou, Ali est passé à travers les mailles du filet.
Aujourd’hui une plainte est déposée devant les tribunaux gabonais contre ceux qui ont permis une telle forfaiture de ce produire: les traites de la Nation. Elle porte sur des allégations sérieuses, remettant en cause et de façon irrémédiables la crédibilité de l'ensemble nos institutions.
Même si les faits allégués dans cette plainte sont inexacts, l’existence en elle-même de cette plainte, de par la nature des accusations qu’elle révèle, est quelque chose d’extrêmement grave. Le devoir d’un président légitimement élu garant du respect de la Constitution serait d’apporter, toute affaire cessante, les clarifications nécessaires pour apaiser les craintes légitimes des compatriotes. L’obligation de tout citoyen également, partie constitutive du pouvoir souverain, est de solliciter et d’obtenir ces clarifications. Dans cette sollicitation, il ne faut rien y voir d'autre que la quête de la justice.
«Le premier et le plus grand intérêt public est toujours la justice. Tous veulent que les conditions soient égales pour tous, et la justice n'est que cette égalité. Le citoyen ne veut que les lois et que l'observation des lois. Chaque particulier dans le peuple sait bien que s'il y a des exceptions, elles ne seront pas en sa faveur. Ainsi tous craignent les exceptions. Qui craint les exceptions aime la loi».
La loi est la même pour tous les citoyens dans une République qui se respecte. C’est elle qui garantie l'égalité de tous et la justice pour tous: les veuves et les orphelin y compris. Si un citoyen en venait à se placer au dessus de la loi et qu’un autre citoyen, conscience de cette situation, en vienne à se taire, il fait compromission de sa citoyenneté. Il peut dès lors se faire traiter comme une bête, car il a tout simplement perdu son droit d’être citoyen en se taisant.
Ali Bongo doit montrer le document d’origine de son acte de naissance. Il faut l'exiger, c'est une obligation citoyenne. Se taire devant cette chose c’est accepter une exception de la loi, c’est dire que ce que prescrit la Constitution, un individu peut ne pas le respecter. À partir de cette acceptation, nous vendons notre âme.
En effet, Ali Bongo se trouve justifier dès lors de faire des lois qui servent sa propre cause. Ces lois-là ne visent pas à servir le peuple. S'il veut des lois, ce n'est pas pour leur obéir, c'est pour en être l’arbitre. Il veut des lois pour se mettre à leur place et pour se faire craindre en leur nom. Il se sert des droits qu'il a pour usurper sans risque ceux qu'il n'a pas. Comme il parle toujours au nom de la loi, même en la violant, quiconque osera aller contre sa loi sera l’ennemi de l’État, son ennemi. Également, tous ceux qui lutter contre son usurpation, il les fera considérer séditieux, des rebelles : ils doivent aller en prison, ils connaissent la procédure dit-il.
Peu importe ce qu’Ali Bongo proposera comme politique, tout patriote ne devra jamais l’accepter aussi longtemps qu’il n’aura pas présenté le document d’origine de son acte de naissance et qu’il n’aura pas prouvé hors de tout doute qu’il est né gabonais.
Joël Mbiamany-N'tchoreret
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