vendredi 22 avril 2011

La crise politique en Côte d’Ivoire et au Gabon : les dessous de la domination néocoloniale française en Afrique noire.


Le 18 avril 2011, nous avons envisagé de nous désolidariser de l’Union Nationale. Nous évoquions pour ce faire l’abstention de la dénonciation des principaux leaders du parti au Gabon contre le coup d’État militaire perpétré en Côte d’Ivoire par la France pour mettre Ouattara au pouvoir.

Nous faisions un parallèle entre ce coup d’État militaire et la situation de crise politique latente dans laquelle le Gabon se trouve plongé depuis l’élection présidentielle anticipée de 2009. Cette dénonciation nous apparaissait une occasion de remettre en cause les pratiques politiques incestueuses que la France entretient avec nos gouvernements pour sa mainmise sur nos pays et de laquelle notre développement économique tarde à prendre son envol.

Dans les faits, la situation est plus complexe que le laisse paraître la réalité de surface. Dans ce texte, nous montrons la complexité de cette réalité. Particulièrement, l’emprise de la France sur nos pays, l’handicap qu’elle constitue pour leur développement démocratique et économique et l'inconfort des leaders politique de la combattre.

De l’interventionnisme de la France dans nos pays

Par interventionnisme nous entendons la tendance qu’a la France à intervenir politiquement ou militairement dans les affaires politiques de ses anciennes colonies. Nulle part ailleurs dans le monde la France n’intervient militairement plus qu’elle ne le fait dans des États africains depuis leurs indépendances. L’intervention militaire en Côte d’ivoire, de la France et des États-Unis avec la complicité de l’organisation des Nations Unies, de même que le parti pris de ces pays pour le coup d’État électoral d’Ali Bongo au Gabon sont favorisés par la lutte que se livrent les pays occidentaux et les pays émergents depuis la fin du 20e siècle. Elle a pour enjeu le contrôle impérialiste des pays d’Afrique francophone en vue d’une une main basse sur leurs matières premières. Pourtant les pays d’Afrique francophone sont indépendants. Pourquoi la concurrence entre pays occidentaux et pays émergent entraine-t-elle un impérialisme sur ces pays? Comment cet impérialisme a favorisé le coup d’État militaire en Côte d’Ivoire et encouragé la situation qui a conduit Ali Bongo à prendre le pouvoir au Gabon au mépris des résultats des urnes? Que peuvent faire les leaders politiques africains face à cet interventionnisme qui fait de leurs pays des protectorats français?


L’impérialisme capitaliste français

John Atkinson Hobson dans son livre, Impérialisme (1902), a défini l’impérialisme comme le prolongement du capitalisme occidental. Dans les Origines du Totalitarisme, Hannah Arendt (1951) rattachera de ce fait l'impérialisme à la notion d'expansion comme fin en soi du développement des pays capitalistes. L'État-nation étant devenu petit pour suffire au développement de l'économie, l'impérialisme débouche dans la conquête de territoires pour l’exploitation des facteurs de production qui alimenteront l’empire et assurer sa suprématie économique et commerciale. C’est à ces fins que les territoires de l’Afrique ont été colonisés par la France. Pour cela, tout rapport entre les pays francophone d’Afrique et la France est fondé sur des relations de prédation, peu importe le type et le domaine dans lequel se fait cette relation.

Le capitaliste colonial

Le colonialisme est la doctrine qui conduit un pays étranger à conquérir un territoire. Cette conquête se manifeste par l'extension de la souveraineté de cet État étranger sur des territoires situés en dehors de ses frontières nationales. Selon Margaret Kohn, cette extension de souveraineté se traduit par la domination politique et l'exploitation économique du territoire. D’après la doctrine juridique élaborée au XVIe siècle, l’effectivité de la colonisation entraine un droit de propriété de la France sur les territoires colonisés en Afrique. De ce droit de propriété, la colonisation française a entraîné la mise en place d'une infrastructure politique, militaire et économique sur les colonies. Par cette infrastructure, la colonisation est une domination des populations africaines devant favoriser l’exploitation des territoires pour le bénéficie de la production capitaliste française. Elle a consisté à une exploitation prédatrice du territoire et quasi esclavagiste de ses habitants. On y notait l’existence du travail forcé comme occupation des populations africaines pour alimenter l’économie de la France. Des centaines des milliers de personnes ont perdu leur vie dans cette entreprise de domination française.

Les traitements inhumains infligés par les nazis aux juifs ont fait reconsidérer vers la fin de la seconde guerre mondiale les types de rapport humains que le colonisateur français entretenait avec les peuples africains. Le colonialisme capitaliste fondé sur le travail forcé considéré déshumanisant a été aboli et l’indépendance fut donnée aux africains. La fin de la seconde guerre mondiale n’avait pas mis fin au capitalisme : au besoin de contrôle des territoires pour l’exploitation des matières premières pour l’expansion du capitalisme français. Ne pouvant plus exercer une domination à caractère esclavagiste, les impératifs capitalistes du capitalisme français par rapport aux nouvelles valeurs humanistes ont entraîné une mutation du colonialisme pour faire naître le néocolonialisme. Essentiellement, la colonisation s’est traduite à une forme de domination de dépendance à travers des accords de coopération. René Dumont (1966), examinant ces accords de coopération, avait dit «l’Afrique est mal partie» et à juste titre. Les accords de coopération maintenaient le même type de rapport de domination, le travail forcé en moins.

Le néocolonialisme français

Le néocolonialisme désigne les rapports que la France a mis en place pour maintenir, à partir des années 1960, avec ses anciennes colonies, par des moyens détournés ou cachés, la domination qu’ils entendaient exercer dans ces nouveaux pays indépendants. Il est caractéristique de l’existence des accords de coopérations qui permettent de facto, dans tous les domaines, des situations de domination similaires au contexte de la colonisation.

Les accords de coopération et leurs effets
Les accords de coopération entre la France et les pays d’Afrique francophone ont consisté à la signature d’ententes de collaboration afin d’octroyer une indépendance de façade, enrayant dans les faits le travail forcé au profit du droit de propriété de la France sur les matières premières de ce pays et un droit de regard absolu sur les activités politiques et économiques devant s’y produire. Pour parvenir à de tels accords de coopération, bien avant les indépendances, la France a mis aux commandes de ses colonies des complices autochtones comme relais pour imposer les rapports coloniaux nouveaux. Ainsi, Léon Mba sera préféré à Jean-Hilaire Aubame à la tête du Gabon qui apparaît trop nationaliste aux yeux des français. Aidé des colons français et des Gabonais métissés, Léon Mba met en place un régime autoritaire qui le conduit à imposé les accords de coopération avec la France. Face aux intransigeances de Léon Mba d’imposer les principes des accords de coopération avec la France, en février 1964, un putsch militaire est perpétré. Les Français s'empressent de renverser militairement afin de rétablir Mba et instituer définitivement lesdits accords de coopérations. Ainsi, la France choisit les leaders autochtones qui apparaissent les plus enclins à maintenir le système de gouvernance sous sa domination néocoloniale. Lorsqu’un leader autochtone s’oppose à ce dictat, il est supprimé sur le champ comme Lumumba au Congo, Thomas Sankara au Burkina-Faso ou quelques années plus tard, Germain Mba du Gabon. Ces éliminations physiques sont concomitantes aux suppressions d’organisations politiques ou syndicales pouvant exiger l’indépendance effective des pays de la domination néocoloniale. Et selon des rites maçonniques et des combinaisons affairistes, les adversaires politiques des chefs d’État qui subsistent entre dans une opposition politique de convivialité. Elle mène non pas à une bataille pour la conquête effective du pouvoir mais pour son partage. Ainsi, l’opposition politique ne sert que de garde-fou contre l’éventuel de ne pas suivre leurs recommandations qui sont dictées au regard des intérêts de la France. La gouvernance des États africains qui en découle est sujette à la volonté et dictats des multinationales françaises qui opèrent dans ce pays.

De la gouvernance sous domination capitaliste néocoloniale française

Le canevas de la gouvernance de l’Afrique sous domination capitaliste coloniale a été décidé à la fin du 19e siècle. La conférence de Berlin qui commence le 15 novembre 1884 et se termine le 26 février 1885 marque l’organisation et la collaboration des puissances occidentales pour le partage et la division de l’Afrique. À l'initiative du Portugal, la conférence est organisée par Bismarck de l’Allemagne. Elle voit la participation de l’Autriche-Hongrie, la Belgique, le Danemark, l’Espagne, la France, le Royaume-Uni, la Russie, la Suède-Norvège, la Turquie, l’Italie, les Pays-Bas, le Portugal ainsi que celle des États-Unis d’Amérique. Une conférence antérieure décidant de la conquête des Congo avait défini et mis en place les grands principes de l’exploitation des territoires africains pour le bénéfice du capitalisme occidental. La conférence de Berlin édicte par conséquent les règles officielles de colonisation telle qu’elle sera faite jusqu’à la fin des années cinquante.

Avec le mouvement des indépendances, une nouvelle ronde des négociations pour discuter de la gestion capitaliste du monde eut lieu aux Etats-Unis d’Amérique. Elle a abouti aux accords de Bretton Woods. Même si officiellement, cette réunion visait à mettre en place une organisation monétaire mondiale et de favoriser la reconstruction et le développement économique des pays européens touchés par la guerre, il y avait à l’arrière plan, une pensée sur la manière dont le capitalisme allait se réguler avec les changements de philosophie de la domination coloniale nouvelle au profit du capitalisme occidentale.

En vérité, dans le système à mettre en place pour le nouvel ordre mondial à la fin des années quarante, les pays occidentaux devaient intégrer les pays africains pour éviter, dans le contexte de la guerre froide, qu’ils dérivent vers l’anticapitaliste occidental. Pour s’assurer de l’efficacité du système de régulation du nouvel ordre mondial, les pays occidentaux ont mis en place de façon tacite un code de conduite éliminant la concurrence entre eux en ce qui concernent l’exploitation des matières premières dans les anciennes colonies. Ce code a conduit à l’érection des zones d’influence économique et politique, à partir desquels la France exploite et gère de façon directe et indirecte les pays africains et leurs matières premières.


En réalité, ayant à la tête des États africains des leaders politique soumis, la gouvernance de ces pays se font directement ou par l'intermédiaire d’institutions financières nationales ou internationale, par des multinationales qui exploitent les matières premières. De la même façon, la France maintient dans ses pays un système monétaire déterminant de fait leur politique monétaire; des systèmes d’imposition de l’activité économique du pays sous formes de remboursement de prêts financiers pour des investissements qui consistent à financer indirectement les entreprises et les produits français via des entreprises des travaux publics en Afrique. Il s’agit, pour les chefs d’État africain d’une gouvernance des colonies par procuration. Les usages et les modes de fonctionnement politiques et économiques qui en résulte favorisent des modes de gouvernance qui consiste à gérer son autorité politique pour étendre son influence politique et économique à l’ensemble des concitoyens. On a ainsi parlé dans la gestion des États africains d’une gouvernance patrimoniale.

Une gouvernance décadente

La gouvernance des sociétés africaines sous l’emprise du capitalisme néocoloniale n’est pas de nature à faire développer leur pays. Malgré les ressources dont regorgent ces pays et la fameuse aide au développement, tous les pays d’Afrique francophone connaissent un enlisement économique. On y note des problèmes graves de sous-développement. Friends of the Earth Europe relève que, «malgré les progrès réalisés en terme de productivité, l'augmentation continue de la consommation démontre clairement les limites du modèle de développement occidental». Des nombreuses évaluations ont été portées sur les modes de gouvernance des États africains et jamais aux principes des accords de coopération qui instituent de facto le cadre de fonctionnement et la légitimité politiques de cette gouvernance. Il semblait pour plusieurs que la serrure d’un certains type de gouvernance des États africains francophones est verrouillée à quadruple tours : le droit internationale façonné par le capitalisme occidental, les institutions financières internationales détentrices des capitaux d’investissement, les intérêts capitalistes néocoloniaux et l’irresponsabilité voire l’amateurisme des leaders politiques africains à comprendre où réside réellement l’intérêt des africains dans les échanges France-Afrique.

De la nécessité de favoriser un capitalisme de développement

À la fin des années quatre-vingt, dans des nombreux pays, l’heure est à l’afro-pessimisme sur le mode gouvernance que se sont doté les États africains au sortir de la colonisation. L’évaluation de cet afro-pessimisme dans des forums nationaux telle que la conférence nationale a entraîné une certaine prise de conscience sur la nécessité de nouveau modèle de gouvernance et de coopération pour le développement. Cette volonté d’entrer dans des types de nouveaux de coopération avec les institutions financières et politiques internationales a coïncidé ave l’accentuation de la globalisation des économies mondiales et des accords politiques commerciaux nouveau, notamment avec les accords multilatéraux au niveau de l’OMC qui favorisé de façon indirecte des accords de coopération bilatéraux, entre autres avec la Chine. Ces derniers entraînent l’entrée de la Chine dans les économies des pays d’Afrique noire francophone. En effet, «Depuis la fin des années 1990, la présence chinoise en Afrique n’a cessé de prendre des proportions grandissantes. Depuis 2005, la Chine est le troisième partenaire commercial de l’Afrique, derrière les États-Unis d’Amérique et la France. La Chine importe du coton, du pétrole, et une flopée d’autres matières premières. Elle, qui n’est plus autosuffisante en pétrole depuis 1993, doit aller vers les pays africains où elle croit trouver 25% de ses fournitures en pétrole et d’autres ressources nécessaires au développement de son capitalisme.

Les pays africains francophones ne se font pas prier pour répondre aux demandes de coopérations commerciales bilatérales de la Chine. Ils ont toujours considéré ces accords de coopérations qui lient leur pays en exclusivité avec la France comme des instruments de pure exploitation. L’expression de « traités inégaux » a été avancé dans des nombreux forums nationaux et internationaux plus d’une fois pour qualifier ces accords de coopération. Dans ces dénonciations, il y avait là un indice significatif de la crise qui couvait dans les profondeurs et qui monte à la surface avec la venue des chinois et qui est vue comme un moyen pour distendre les liens unissant les États africains à l’ancienne métropole. Du moins nous voyons la rupture de ces liens incestueux comme le premier pas vers l’autonomie et le développement économique et démocratique des États africains.

La tentative de remise en cause des accords de coopération néocoloniale

La coopération avec la France est un système fondé certes sur l’indépendance des États africains mais comportant pour les partenaires de la France des éléments de subordination tant sur le plan matériel que sur le plan culturel, les dirigeants africains et malgache ont entendu substituer des rapports de coopération économiques et commerciaux nouveaux, de caractère nettement plus égalitaire que leur offrait la Chine et dont le but essentiel apparaissait être le développement de leur État.

Sous l’influence des idéologies du commerce international, de la globalisation des marchés et de la mondialisation des économies, les changements de perspectives de mode de coopération et de commerce international ont suscité une remise en cause de la situation de monopole que la France avait avec ses anciennes colonies. Les pays africains ont affiché la volonté d’entrer dans des partenariats avec les pays émergents selon les déterminants de l’offre et demande des matières premières. Ces accords entrainaient de facto la mise à l’écart des accords de coopération néocoloniale signés avec la France. Dans cet esprit, Omar Bongo a signé des accords de coopérations économiques avec la Chine pour l’exploitation du gisement de fer de Bélinga dans le Nord-est du Gabon, des accords d’exploitation forestière avec la Malaisie, et a entretenus d’autres ententes du genre avec le Brésil pour d’autres types de matières premières. La venue de la Chine dans l’exploitation des matières premières du Gabon enlève à la France son monopole du commerce des matière première provenant de l’Afrique de même qu’elle donne à la Chine et aux autres pays émergents un avantage économique et commerciale face aux luttes économiques que ces pays mener vis-à-vis du capitalisme occidentale, en tête duquel le capitalisme américain. La garantie des intérêts du capitalisme français passant au second plan, la France entendait remédier à cette situation en délogeant de son pré-carré les chefs récalcitrants à la préservation de ses intérêts et en leur substituant des présidents plus enclins à sauvegarder le monopole de la mainmise française sur les matières premières de leur pays.

La riposte du capitalisme néocolonial : la déstabilisation des présidents hostiles

La riposte pour préserver la suprématie de la mainmise français dans l’exploitation des matières premières des pays francophones du Golf de Guinée a enfourché trois chevaux de bataille : environnemental, gouvernance et militaire.

La riposte néocoloniale au Gabon

La France, les Etats-Unis d’Amérique et l’Union européenne sous couvert de protéger l’environnement et particulièrement le bassin du Congo ont financé des ONG environnementaux gabonaises. A partir de ces financements, ces ONG ont été mises à contribution pour dénoncer les accords que le président Omar Bongo avait signé avec la chine pour l’exploitation du gisement de Bélinga et les autres accords commerciales d’exploitation forestières et minières. Elles ont fait des représentations publiques de nature à bloquer la mise en œuvre de ces accords. Ainsi, le projet d’exploitation du gisement de fer de Bélinga annoncé depuis 1999 par la Chine tarde à se mettre en œuvre. Sans le savoir, des ONG comme Brainforest participé à la lutte impérialiste capitaliste au côté du néocolonialisme français et américain. Également, pour affaiblir Omar Bongo et les autres chefs d’État de la sous-région, leur enrichissement personnel a été mis sur la place publique par des ONG tels que Transparancy international. Ces dénonciations ont fait valoir la mauvaise gouvernance dont ces dirigeants se sont rendus coupables. Des plaintes et des poursuites judiciaires ont été envisagées. Ces plaintes et la possibilité de poursuites judiciaires ont eu pour effet de mettre les chefs d’États africains qui voulaient se défaire des accords de coopération avec la France sous pressions. En même temps, se mis en branle le développement d’une opposition politique susceptible de menacer l’influence politique de ces chefs d’État. Au Gabon et dans les autres pays de la sous région, elle a pris la forme d’une campagne médiatique véhicule par les chaines de télévision françaises et alimentées par les ONG. Le président Bongo s’en est trouvé fortement offensé et s’est considéré indésirable en France.

Du coup d’État électoral au Gabon en 2009

À la suite du décès du président Bongo, il s’est posé le problème de sa succession. Il convenait à la France de trouver un leader politique qui pouvait le préserver leurs intérêts. De la panoplie des candidats à la succession, il leur fallait un individu taillé sur mesure. Il ne devait pas avoir des assises populistes et disposer d’une notoriété politique trop grande entre autre du fait de l’appartenance à une des trois principales ethnies du pays : fang, tsébi ou punu. De fait, Pierre Mamboundou avait été écarté, surtout qu’en venant aux commandes de l’État, vu son indépendance d’esprit et son arrogance il était susceptible de changer certaines accords de coopération. Suite au lobbying qu’il avait fait par l’entremise de l’ambassadeur de France au Gabon, il avait été décidé qu’Ali Bongo était la personne indiquée pour préserver les intérêts de la France au Gabon.

Durant la campagne, la montée en puissance d’André Mba Aubame (AMO) inquiéta la France. AMO avait fondée sa stratégie électorale sur un certain populisme. Il drainait dans le sillon de sa campagne la majorité des populations fang et les membres d’autres ethnies qui voyaient en lui le seul candidat susceptible de battre Ali Bongo, car comme il le disait, il détenait les secrets de la manipulation des urnes. Les candidats de premier plan tels que Casimir Oyé Mba ou Eyengh Ndong devaient pâlir devant la déferlante d’AMO. Pierre Mamboundou terne dans sa campagne ne parvenait pas à mobiliser les foules de 2005. Dans les tous derniers jours de la campagne, quelques candidats décidèrent de soutenir AMO, dont Casimir Oye Mba et Eyeng Ndong. Le jour du scrutin, la France qui avait dépêché sur le terrain des observateurs pour compiler les données du vote était parvenue à dégager la tendance du vote dans les différentes régions avant les candidats eux-mêmes. Sachant AMO vainqueur de l’élection, alors même que la Commission de centralisation des votes commençait à peine à centraliser les résultats du scrutin, Ali Bongo fut proclamé élu par le ministère de l’intérieur et quelques semaines plus tard, cette proclamation fut validée par la Cour constitutionnelle. Fait à noter, avant même que la Cour constitutionnelle ne donne son verdict, la France avait déjà fait et cause et reconnu Ali Bongo président du Gabon, le reste n’étant pour elle que pure formalité. La France ne voulait pas d’un élu disposant d’une légitimité qui le placerait en rapport de force pour renégocier en faveur de l’État et du Peuple Gabonais les accords de coopération de l’exploitation des matières première comme entendait le faire Laurent Gbagbo en Côte d’ivoire. L’avantage pour la France d’avoir Ali Bongo comme président vient du fait qu’il ne dispose pas d’une popularité ou même d’une légitimité naturelle. Il ne peut donc s’appuyer sur la population pour s’opposer à la France comme pourrait le faire AMO pour imposer des perspectives différentes sur l’exploitation des ressources économiques du pays. Comme en Côte d’Ivoire, il est bon pour la France de s’appuyer sur des gens qui ont une base politique fragile. En toute circonstance, ils auront besoin de l’appui de la France. À ce titre, AMO est victime de sa popularité dans une grande partie du pays.

La riposte néocoloniale en Côte d’ivoire : le coup d’État militaire

En Côte d’ivoire, la riposte néocoloniale a pris les allures d’une invasion militaire. Lorsque Laurent Gbagbo il dit à la France que si elle souhaite continuer l’exploitation du pétrole de Côte d’ivoire, elle doit renégocier des nouveaux contrats selon les principes de l’offre et de la demande du marché international. Au regard de cette exigence, la France a résolu d’enlever Gbagbo du pouvoir pour le substituer une personne plus encline à ses intérêts. Ne pouvant le faire de par sa seule puissance, la France s’est alliée aux États-Unis d’Amérique. En échange de son effort de guerre en Afghanistan, elle a obtenu d’entrer dans une alliance stratégique pour la conquête et la préservation du monopole sur l’exploitation des matières premières des pays francophones du Golf de Guinée. À ce titre, la France et les États-Unis d’Amérique ont pris les dispositions nécessaires pour faire partir Gbagbo du pouvoir en Côte d’ Ivoire. Ils ont construit une mission onusienne sur mesure pour, dans un premier temps mettre en place les dispositions du coup d’État électoral. Ainsi, malgré l’évidence des preuves des fraudes massives dans les bureaux de scrutin dans les régions du Nord plus encline à Ouattara, les Nations Unies ont refusé de recompter les votes comme cela fut fait en Afghanistan, en Haïti et même aux États-Unis d’Amérique. La France, les États-Unis d’Amérique de même que les observateurs internationaux de l’Union européenne et les Nations Unie savaient qu’un recomptage des votes entraînerait la victoire de Laurent Gbagbo. Aussi, ont-ils résolu, sous l’entêtement de Laurent Gbagbo d’utiliser les armes pour substituer leur président au Président Gbagbo.

Les leçons à retenir en guise de conclusion

Le Gabon, avec moins d’un million et demi d’habitants et des ressources immenses des matières premières manque d’infrastructures routières, sanitaires, économiques et scolaires adéquates. Ce pays que des experts ont comparé aux Emirats Arabes s’il avait été géré au profit des Gabonais ne devrait en aucun connaître la situation de misère galopante dans laquelle il est plongé. Moins peuplé que la ville d’Abidjan, il devrait être la référence du paradis sur terre mais en lieu et place, nous avons ces taudis qui jonchent ce qui est appelé centre ville, des hôpitaux qui sont des mouroirs, des rues qui sont des pistes de porc-épics. Le Gabon est ce qu’il est à cause des accords de coopération inégaux placés sous le contrôle et la bienveillance des bases militaires françaises. Il n’y a rien dans cette situation qui soit une fatalité. Il faut se demander au regard des tergiversations de nos leaders politiques si nous sommes condamnés à la vivre éternellement. Il est vrai que devant la force de frappe de la France, un seul petit pays ne peut de lui-même se soustraire de la volonté de domination du néocolonialisme français. Pourtant, alors que la force Licorne bombardait la présidence ivoirienne, un appel de l’Union Nationale à la mobilisation contre le coup d’État électorale aurait sans doute eu une mobilisation qui aurait pu créer un effet contagion dans la sous région. Le parti a fait le choix de la négociation avec les Nations Unies. Ces mêmes Nations Unies qui participent au bombardement de la Côte d’Ivoire non pas pour les principes du respect de la démocratie, mais essentiellement pour le triomphalisme des capitalistes néocolonialistes français et américains. Il y a dans une telle approche un paradoxe. Il nous est apparu au moment du bombardement de la présidence ivoirienne que l’heure était venue de briser les chaines de la servitude : «rien n’est plus puissant qu’une idée dont l’heure est arrivée». Nous sommes à cette heure où nous devrons prendre notre destin en charge, écrire notre propre histoire, défendre nos propres intérêts sans complexe et avec cette détermination qui fait aboutir les grands destins. L’Union Nationale comme grand parti politique qui rassemble du Nord au Sud, de l’Est à l’Ouest ne peut s’assujettir à des stratégies politiques fondées sur l’approbation de la France. Il s’agirait-là, tout simplement de faire le jeu du colon. Voilà pourquoi j’ai cherché à me désolidariser de l’Union Nationale. Car je trouvai cette situation inacceptable. Après réflexion, et moult conseils, nous avons compris que c’est dans une stratégie murie que l’Union Nationale parviendra à renverser la casserole du néocolonialisme français. Qu’il importe que nous demeurions tous dans ce bateau.

Joel Mbiamany-N’tchoreret

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