Le but de tout processus électoral est de rendre possible l’alternance au gouvernement. Depuis 50 ans au Gabon, c’est le même parti qui est au pouvoir. Le développement périclitant à cause de la mauvaise gouvernance, ce ne sont pas les prouesses de gouvernance du Parti Démocratique Gabonais (PDG) qui le maintiennent au pouvoir. Ce sont ses capacités à usurper la volonté exprimée dans les urnes : les coups d’État électoraux.
L'alternance politique est l’expression manifeste de la souveraineté du peuple pour encourager sa bonne gouvernance. Elle est favorisée par les mécanismes de séparation des pouvoirs des institutions de l’État. Elle empêche l’une des parties à un concours électoral de s’adjuger l’expression populaire librement exprimée et ainsi d’ôter au peuple son droit souverain d’élire et de démettre les gouvernements.
Assurément, lorsqu’il y a absence des mécanismes de la séparation de pouvoirs dans l’État, l’une des parties au concours électoral dispose nécessairement d’un rapport de force indu par rapport à l’autre partie. Les institutions qui organisent le concours électoral ont vite fait de la favoriser et la placer aux commandes du gouvernement. Le gouvernement ainsi désigné n’agira pas en conformité de l’intérêt du peuple, mais en rapport avec ce qu’il croit être la volonté du peuple. Au demeurant, même s’il dit parlé au nom du peuple, puisque le peuple n’a aucun moyen pour le rendre redevable de ses actions et le sanctionner si nécessaire, c’est en fait au nom de sa propre volonté qu’il s’exprimera.
En réalité, au Gabon, toutes les institutions qui assurent l’organisation, le fonctionnement de la vie politique et la validation des résultats des urnes sont concentrées entre les mains d’Ali Bongo : héritage de son père. Pour rendre crédible toute élection au Gabon, la lutte pour l’alternance politique doit s’enraciner dans l’instauration des mécanismes pour que l’expression de la volonté de gouvernance du peuple soit reconnue et authentifiée. Il ne saurait porter sur un autre objectif.
En cela, il est malheureux de voir que certains au Gabon croient qu’en produisant des fichiers électoraux avec des données biométriques, le vote librement exprimé, selon le nombre exact des inscrits et leur identification formelle, ferait barrage aux coups d'État électoraux. Cela ne sera pas le cas. Certes les données biométriques permettraient qu’une certaine transparence électorale soit de mise. Mais elle ne sera pas garante du respect de l’expression des votes qui sera proclamée et authentifiée. Des preuves de fraudes électorales ont été maintes fois présentées devant la Cour constitutionnelle sans qu’elle ne s’en émeuve outre mesure.
Comprenons que la démocratie n’est pas que le fait pour les citoyens de voter librement. Personne au Gabon ne vote avec un fusil à la tempe. Le scrutin est libre malgré quelques accros importants. Pourtant, l’expression exprimée par le peuple gabonais n’est pas reflétée authentiquement dans la proclamation publiée par les institutions qui sanctionnent la joute du concours électoral. Ce n’est pas le vote libre ou la conformité du nombre de votants par rapport au nombre d’inscrits qui est le principal problème des fraudes au Gabon. C’est l’absence formelle de la séparation des pouvoirs des institutions de l’État qui favorise les coups d’État électoraux.
Au regard des capacités du parti au pouvoir à contrôler toutes les instances de l’organisation et du fonctionnement de l’État, dans le contexte actuel, l’alternance politique au Gabon est impossible même si les listes électorales sont confectionnées sur la base des données biométriques. Encore que rien ne garantie l’authenticité de la proclamation des élections. La Cour constitutionnelle penchant toujours du côté du parti au pouvoir et ses alliés.
Joel Mbiamany-N’tchoreret
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