dimanche 7 mars 2010

L'Union Nationale : la naissance de la résistance politique nationale


Le coup d’état électoral perpétré lors de la dernière élection présidentielle anticipée au Gabon a développé des réflexes unitaires chez plusieurs politiques gabonais. Les plus lucides ont compris que la sauvegarde de l’État de droit, de la démocratie et des réels changements politiques passent par la coopération des femmes et des hommes même d’horizon opposées ou d’opinions politiques différentes. Au-delà de ce qui les opposa autrefois, face ce qui apparaît être comme une incarcération politique, ils sont mobilisés autour de quelques grandes valeurs éthiques: le courage, l'esprit de responsabilité citoyenne, l'honneur, la liberté, les droits citoyens, l'humanisme, la tolérance et le respect du droit juste. Le contraire de ce qu’on retrouva au Gabon au lendemain du 12 mars 1968 lorsque le monopartisme fut imposé.
En effet, la prise de conscience du danger dans lequel se trouve le pays au regard du monarchisme ambiant et de l’amateurisme politique ont fait découvrir à plusieurs la nécessité de donner la priorité à l'intérêt général par rapport à l'intérêt particulier pour faire barrage au régime politique qui, s’il parvenait à s’enraciner, constituera la plus puissante des dictatures en Afrique. Pour la première fois dans l’histoire politique du Gabon, les leaders progressistes ont su trouver, au plus profond d'eux-mêmes, la conviction de faire face à une situation politique qui risque de compromettre définitivement l’avenir du pays déjà hypothéqué par quarante année d’une pseudo rénovation démocratique et concertée.
L’Union Nationale, outre le fait qu’il proposera un projet de société inédit, se constitue au confluent d’un certain REFUS : l’incompétence, la brutalité policière et militaire, l’immaturité politique et le manque des valeurs républicaines du pouvoir illégitime de même que les traces indélébiles gravées dans la mémoire collective d’une insoutenable misère. D’aucuns s’interrogent sur les chances de l’éclosion d’une opposition nationale agissante au Gabon, sur un terrain sociopolitique miné par le règne de la terreur, l’arbitraire politique et institutionnel. Nous savons que l’opposition nationale sera muselée et poussée dans des retranchements et aucune pression internationale ne viendra influencer en profondeur cet état des choses, puisque la seule puissance étrangère susceptible de le faire est commanditaire du régime de répression actuel.

Aussi est-il logique d’envisager la conjugaison des efforts entre une opposition sur les idées politiques et celle d’actions pour amener les Gabonais, le moment venu, en rangs serrés, à exiger l’exercice des privilèges de leur souveraineté, notamment dans la perspective des échéances électorales de 2011. Pour cela, l’opposition nationale doit se construire sur des multiples facettes. Cette construction est non seulement une exigence, mais aussi un impératif. Il faut trouver le plus vite possible une issue à l’impasse politique actuelle caractérisée par l’insécurité et l’absence de vision pouvant sortir le pays de son sous-développement et surtout le respect par tous de la Loi fondamentale.

Nous savons que les facteurs en faveur des actions politiques efficientes de l’opposition nationale à court et moyen termes sont de loin moins nombreux que les désavantages cumulés auxquels cette opposition doit faire face. L’impopularité de Bongo Ondimba Ali constitue évidemment le meilleur atout pour quiconque envisagerait de conquérir le pouvoir par l’assentiment populaire. Le sentiment anti Bongo Ali est porté par un nombre impressionnant de Gabonais. Mais le pouvoir ne changera pas de main par l’adhésion populaire contre Bongo Ondimba Ali. Malgré les avantages potentiels dont pourrait bénéficier l’opposition nationale, celle-ci ne doit pas confondre les époques. Elle ne peut espérer procéder seulement par la dénonciation des incompétences, des violations, sans doute réelles, des droits de la personne par la dictature qu’elle combat, et compter en tirer un profit politique fondamental. Elle doit tenir compte du rôle de l’armée et la répression qu’elle mettra en œuvre. Également, il n’est plus, en effet, qu’un secret de Polichinelle que le régime de l’émergence à la gabonaise est un pion hautement important pour les réseaux français en Afrique. Ces derniers useront de tout leur poids pour faire barrage à la volonté des Gabonais librement exprimée dans les urnes.

Également, outre les aspects de la confiscation du pouvoir, l’opposition nationale doit aussi tenir compte du doute voir même de la naïveté du peuple gabonais que l’émergence à la gabonaise ne manquera pas de capitaliser dans ses manœuvre pour se maintenir au pouvoir. Tout comme, elle ne devra pas trop compter, dans ses dénonciations, sur l’opinion internationale. Cette dernière est rarement mobilisée par la protection des droits de la personne quand il n’y pas massacre à grande échelle. A la limite, les grands dirigeants de ce monde, lorsqu’ils ne sont pas complices, se surprennent régulièrement à admirer des criminels attitrés en les qualifiant de « fins stratèges » politiques quand la répression politique va dans le sens de leurs intérêts.

C’est pourquoi, nous croyons qu’il importe que l’opposition nationale place la lutte politique dans son contexte réel, tenant compte des réalités internes du pays. Il convient notamment de retenir que la scène politique gabonaise est un terrain hautement craintif. Il entraine plusieurs à la retenue et au doute. Les Gabonais cumulent les traumatismes d’espérances déçues. Ils sont victimes du louvoiement qui caractérise plusieurs leaders politiques dits de l’opposition. Ils ont été le champ d’expérimentation des souffrances occasionnées par des promesses qui ont entraînées plusieurs compatriotes à payer chèrement leur engagement politique.

Assurément, l’opposition politique gabonaise a perdu toute crédibilité aux yeux de nombreux Gabonais le jour où les anciens membres du FUAPO ont appelé à une démocratie «apaisée». La convivialité qui en a résulté a conduit certains à se désolidariser de leurs amis politiques, de leur parti politique, niant leur discours d’en découdre avec le régime, pour entrer dans les différents gouvernements Bongo, jetant par le fait même aux orties les espoirs qu’ils avaient suscités suivant les revendications de la tenue de la conférence nationale en 1990.

Au regard de cette réalité, il ne suffit pas aujourd’hui à l’opposition nationale de faire uniquement des promesses. Le Gabonais qui veut s’engager dans le combat veut savoir avec certitude jusque où ira le leader qui l’invite à combattre et comment son engagement pourra réellement porter fruit. Ce Gabonais sait que le régime d’émergence à la gabonaise ne partira pas à la suite d’échéances électorales organisées consciemment par ce même régime. Cela relèverait d’un angélisme déplacé que de tabler sur une telle perspective.

Les Gabonais assument que le régime d’émergence ne pourra emporter la majorité des voix exprimées lors d’un scrutin librement discuté. Mais ils savent également qu’une telle réalité ne suppose aucunement qu’il y aura alternance. Pour être à la hauteur des attentes légitimes du peuple gabonais, l’opposition nationale se doit donc d’instruire des actions et des projets qu’elle entend entreprendre en vue de rassurer tout Gabonais pris individuellement ou en fonction de ses origines, ses croyances et ses convictions idéologiques que sa mobilisation va apporter fruit. Ainsi, le Gabonais, traumatisé, déçu et victime des conséquences d’une opposition du ventre, vendra très cher la perte de son pouvoir politique advenant que le pouvoir illégitime tente de l’usurper une autre fois.

Les slogans ne sont plus à cet égard en mesure de vaincre le scepticisme qui domine la conscience des Gabonais. Un minimum de rigueur et de préalables s’imposent pour mener les Gabonais à s’engager de façon décisive contre la dictature du régime d’émergence à la gabonaise : le respect et la défense du vote et des moyens pour les faire prévaloir doivent être bien expliqués à chaque Gabonais.

Les croyances de la proclamation des votes légitimes ayant montré à suffisance leurs limites, doivent être complètement oubliées. Il faut que l’opposition nationale se décide à affronter toute action qui consistera au maraudage de la volonté collective exprimée. L’opposition nationale doit donc proclamer haut et fort : finie l’époque où le simple fait de la proclamation par la CENAP des résultats tronquées entérinées par une cours constitutionnelle «macoute» suffise à légitimer l’autorité politique de l’État.

Il est réaliste de croire que des actions concertées de tous les démocrates pour s’opposer par tous les moyens à la tricherie politique soient possibles et semblent même être un passage obligé pour la réussite de l’opposition nationale. Pour ça, il faut que l’opposition réunisse un certain nombre de faits accomplis susceptibles de convaincre tout Gabonais désireux de s’engager dans le combat du sérieux et de la consistance de son action.

Il faut se donner la peine de faire une démonstration du caractère innovant du projet que l’on porte. Entre autres signaux forts, il faudrait : se libérer des contraintes pseudo-morales et légalistes dans une société où ceux qui embrigadent le pouvoir le font souvent au détriment de la loi républicaine : l’opposition nationale ne doit, sous aucun prétexte, croire aux principes fondamentaux d’une justice équitable et sur le respect absolu de la loi par le camp en face; le leadership de l’opposition devrait marquer la différence en initiant des débats francs sur les questions sensibles du non respect par le pouvoir de la loi fondamentale.

Au regard de ces débats, si jamais l’opposition nationale devait prendre la courageuse décision de s’opposer par tous les moyens à la manipulation des résultats des urnes, elle devrait objectivement instruire le peuple sur un tel engagement et montrer au peuple qu’elle n’attendrait pas à reculer. C’est ainsi seulement que le peuple comme un seul homme se mobilisera contre la dictature émergente et que la résistance politique aura un sens.

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