dimanche 20 mai 2012

Si le Changement c’est maintenant, que devons-nous attendre de la France sous François Hollande?

J’ai entendu dire bien de choses à propos de l’élection de M. Hollande à la présidence de la République française. Entre autres, M. Hollande aurait dans ses valises diplomatiques une politique africaine inédite. Le dévoilement de cette politique au sommet de la francophonie à Kinshasa en septembre sera l’élément déclencheur de la fin des régimes dictatoriaux. Si la situation finale qu’entraînera cette politique africaine de la France sous Hollande est si évidente, pour certains, nous ne savons que peu de choses sur les péripéties et leur point culminant de l’enchainement de ce qui sera déclenché à Kinshasa. Que faut-il attendre précisément de la France sous François Hollande? Une seule chose : l’exigence de la démocratie.

Assurément, il y a au fondement des douleurs que vivent les Africains l’absence de liberté politique, la liberté de choisir librement leurs gouvernants, la liberté de se donner le type de pays qu’ils désirent, la liberté d’inventer leur propre développement, la liberté de se donner des rêves et se doter des instruments pour  les réaliser.

En 1960, au moment des indépendances, quelqu’un avait dit que « l’Afrique noire était mal partie ». Cela est inexact. Elle n’est jamais partie. Elle est restée ancrée dans les rapports de dominations nés de la colonisation. Avec les indépendances données, ces rapports de domination ont changé de nature. De travail forcé, ils sont devenus des accords de coopération. Établis à travers des réseaux occultes, ces accords de coopération ont favorisé des gouvernements qui devaient continuer à remplir les missions jadis dévolues aux gouverneurs des colonies françaises d’Afrique. Pour que ces gouvernements remplissent pleinement les objectifs attendus, la France a accepté et soutenu leur caractère autocratique. Il en a résulté en Afrique des situations de misères politiques et de sous-développement économique et social.

Non, l’Afrique n’est jamais sortie du joug de l’asservissement. Elle n’est jamais partie. Il faut qu’elle parte, qu’elle décolle.

François Hollande et les socialistes disent incarner les valeurs universelles de la liberté et du progrès des peuples. La première de toutes les libertés fondamentales est la liberté politique. Elle entraîne l’édification d’un peuple sur un territoire et l’institution d’un État, un gouvernement pour l’harmonie de ce peuple et son bien-être.

La liberté politique consiste à se donner les institutions de gouvernement appropriées pour le besoin du bien-vivre ensemble, se choisir souverainement ses gouvernants. Lorsque la France agit directement ou indirectement pour empêcher les Africains de jouir de leur liberté politique, en encourageant l’existence des régimes politiques illégitimes ou qu’elle empêche les peuples se soulever contre la tyrannie en mettant son armée à l’œuvre et au service de la protection des tyrans, elle nie à ces peuples leur droit d’existence politique. Elle oblige les Africains à vivre parqués sur un territoire comme des bœufs dans un enclos que par pudeur elle appelle pays ou République.

Les Africains aspirent à la jouissance de leur liberté politique. Ils attendent, dans la collaboration qu’elle a avec leur État, que la France décourage les répressions politiques, qu’elle exige le respect des droits démocratiques des Africains, qu’elle favorise des échanges de collaborations politiques et économiques avec des institutions étatiques africaines qui sont l’incarnation au quotidien des principes démocratiques.

En effet, la complexité croissante des rapports internationaux sous la mondialisation, de plus en plus renforcée, les enjeux et défis planétaires rendent indispensable la nécessité de favoriser la liberté politique de tous les peuples du monde. Pour convenir des accords mondiaux qui touchent à la gestion harmonieuse de notre planète, la fin des régimes dictatoriaux est un impératif. Il est dans le rôle de la France que les États avec lesquels elle entretient des relations incarnent les valeurs qu’elle défend et représente.

En ce moment, dans la coopération que la France a avec les gouvernants africains, on est loin du respect des principes de la souveraineté du peuple. Ces gouvernants ne sont que l’incarnation de la volonté de leur chef et non celle des peuples qu’ils prétendent représenter. La souveraineté, nous dit Jean-Jacques Rousseau, ne peut être représentée, par la même raison qu’elle ne peut être aliénée comme elle l’est dans les sociétés africaines. La souveraineté consiste essentiellement dans la volonté librement exprimée. Ceux qui disent parler au nom des peuples africains ne sont donc ni ne peuvent être des représentants de ces peuples; ils ne peuvent rien conclure si souverainement le peuple n’a pas librement offert son consentement dans un cadre démocratique authentique.

Aussi, dans la collaboration politique et économique qu’elle aura avec nos États, nous attendons de la France qu’elle exige des dirigeants africains qu'ils soient clairement et démocratiquement désignés par les peuples au nom desquels ils disent parler. Pour considérer un gouvernement africain valable, la France ne devra pas se satisfaire des gouvernements africains désignés arbitrairement par leur Cour constitutionnelle à travers des processus d’élections tronquées dans lesquelles les citoyens sont réduits à une participation statistique, alors que tout devrait être mis en œuvre pour que ceux-ci soient les vrais acteurs de la légitimité démocratique.

Joël mbiamany-N’tchoreret.

jeudi 17 mai 2012

Hollande ici, Hollande là : sommes-nous imbéciles à ce point?


 Les Gabonais comme plusieurs africains sont heureux de l’élection de M. Hollande comme président de la France. Je me suis abstenu jusqu’à maintenant d’émettre le moindre commentaire favorable à cette élection. C’est que l’enthousiasme qui habite certains est un sentiment que je ne saurais nourrir.

L’effervescence versée sur l’élection de M. Hollande de la part de mes compatriotes m’a conduit à examiner dans mes souvenirs l’histoire de mon peuple et de mon pays, particulièrement ces rendez-vous manqués : 1964, 1989 et 2009. Je me suis souvenu des événements qui m’ont été contés par mes parents sur le soutien donné à Léon Mba par l’armée française suite au coup d’État de 1964. Je me souvenu de l’arrogance affichée par les militaires français arpentant les rues de Libreville, au lendemain de la découverte du corps de Joseph Redjambé, pour étouffer les revendications de liberté de mon peuple. Je me suis aussi souvenu qu’en 2009, 2000 militaires français ayant pris place à Bifoun, étaient prêts à intervenir pour étouffer toute contestation par la rue de l’élection d’Ali Bongo proclamée par la Cour constitutionnelle. Dans l’examen de ces souvenirs et de la façon brutale par laquelle Gbagbo a été retiré du pouvoir, alors même que pas un socialiste ne s’en est offusqué, de la façon par laquelle Kadhafi a été exécuté, je suis arrivé à la triste conclusion que l’arrivée de M. Hollande à la tête de la République française ne changera rien à la condition de domination qui asservit mon peuple. Pourquoi m’enthousiasmerais-je! Qu’ai-je a espéré!

En effet, plusieurs compatriotes considèrent que M. Hollande est un progressiste, un démocrate qui ne saurait s’acoquiner avec les dictateurs qui nous gouvernent. Ali Bopngo, considéré dictateur, un lien de cause, effet et conséquence est établi. Ne pouvant tolérer M. Ali Bongo, le nouveau président le retirerait le soutien politique de la France. La tenue d’Ali Bongo au pouvoir dépendrait-elle uniquement de la reconnaissance que la France lui octroie? De sorte que, tel un socle de soutènement, ce soubassement tombé, le pouvoir gabonais s’écroulerait de lui-même? Il y a dans cette espérance le même mépris des capacités politiques d’Ali Bongo qui a prévalu depuis juin 2009.

Il faut se le dire, Ali Bongo est de tous ceux qui ont gouverné le Gabon depuis 1989, le politicien le plus habile. Il a su user du mépris à son égard pour surprendre tous ses adversaires politiques et même les observateurs les plus aguerris. La facilité, déconcertante, avec laquelle il s’est installé au pouvoir montre une intelligence politique supérieure, preuve d’une capacité à appréhender son environnement politique et à s’y ajuster. Il saura s’adapter au nouveau pouvoir français.

Par ailleurs, M. Hollande n’a pas un problème intime avec Ali Bongo. Pourquoi devra-t-il nécessairement agir pour son départ du pouvoir. M. Hollande est président pour servir la France et les intérêts des Français. Tant qu’Ali Bongo n’agira pas de façon contraire à ces intérêts, il n’y a pas de raison pour que M. Hollande milite pour son départ du pouvoir.

Assurément, les discours et les observations qui manifestent une résurgence politique harmonieuse au Gabon par l’arrivée de M. Hollande au pouvoir en France et la soumission de M. Ali Bongo témoignent d’une méprise sur ce que le Gabon représente comme enjeu dans l’affermissement de la puissance économique française dans le monde. La France travaillera en étroite collaboration avec tout Gabonais qui s’avérerait un partenaire charmant pour ses intérêts français au Gabon. De cela, à moins d’une révolution qui conduirait le peuple gabonais à affermir sa souveraineté sur ses richesses, son territoire et ses institutions politiques, la tutelle de la France sur le Gabon demeurera.

De même, la France maintiendra avec le Gabon que des relations d’intérêt favorables à son économie. À cet égard, quelle que soit la personne qui serait à la tête de l’État gabonais, il n’y aurait rien de différent quant à la nature de l’évolution politique et économique de notre pays. Il faut se le dire et le comprendre. Nous sommes sous le protectorat français par une absence de volonté de nous affranchir de la domination politique et économique qui nous étreint. Nous préférerons comme je le vois ces jours-ci faire le bon serviteur français par opposition au bon nationaliste gabonais. Dans cette soumission au blanc colonisateur, nous nous regardons en ennemi voulant être celui qui doit être coopté par le nouveau pouvoir français. Comme deux bêtes canines se disputant un os dont le maitre a retiré toute la chaire, nous nous regardons en chien de faïence et restons prisonniers de fausses certitudes.

À ne point douter, les divisions et l’égocentrisme politique qui nous caractérisent défavorisent toute prise de conscience de la nature réelle des causes de ce que nous vivons. Nous nous entretuons, nous nous insultons, nous nous haïssons. Par ces mauvais sentiments, des uns à l’égard des autres, nous prions fortement pour qu’aucun de nous ne parvienne à faire quoi que ce soit de positif pour le pays. Nous attendons la moindre faiblesse, l’erreur de l’autre pour montrer notre aigreur avec une méchanceté impitoyable.

Pourtant, l’histoire nous enseigne que c’est par l’union de leurs composantes que les peuples opprimés parviennent à s’en sortit de l’oppression. Si l’Inde avait connu le genre de clivage qui caractérise notre pays, Gandhi et Nérou ne seraient jamais parvenus à faire proclamer l’indépendance politique de l’Inde et du Pakistan.

En vérité, en l’absence d’une cohésion politique entre les filles et les fils du Gabon, toute émancipation politique de notre pays et de nos conditions sociales sont impossibles. La France a longtemps compris cela. Lorsqu’elle perçoit chez un compatriote une volonté de s’émanciper de sa tutelle, elle trouve un autre compatriote plus idiot pour agir contre le premier. Et c’est dans cet élan que depuis une semaine je vois mes compatriotes, les uns derrière les autres courir vers le parti socialiste français pour essayer de se faire aimer, croyant à tort que l’amour à leur égard sera nécessairement un désamour à l’égard des autres.

Je suis de ceux qui pensent que les Gabonais sortiront de leur condition pitoyable que lorsqu’ils se seront donné la main; lorsqu’ils prendront des actions concrètes pour s’administrer souverainement, lorsqu’ils conquerront leur peur de dire et de se projeter dans cette impulsion que se donnent les peuples libres pour la conquête du bien-être collectif.

Je refuse de croire que la quête d’un meilleur avenir de mon pays se résumerait dans cette ambition politique aveugle qui se caractérise par un concours de qui plaira le plus et le mieux au nouveau pouvoir français.

Les Gabonais sont un peuple. Comme tous les peuples du monde, il doit faire son histoire, bâtir sa nation, construire son pays se donner et atteindre les rêves d’un peuple libre. Arrêtons de faire les imbéciles heureux.

Joël Mbiamany-N’tchoreret

mercredi 16 mai 2012

En quoi la pédagogie de la littératie doit-elle se fonder sur le vécu langagier de l'ensemble des élèves?


La mondialisation des sociétés humaines, par la migration, les progrès des technologies des communications, les voyages, la vulgarisation universelle des arts accroissent le rapprochement entre les êtres humains. Elle entraîne des existences communautaires entre des gens nés dans les divers coins du monde, porteur des langages identitaires singuliers. Pour que chaque élève se retrouve dans la pratique de la pédagogie menée par les enseignants, l’éducation à la littératie doit intégrer ces singularités identitaires, d’autant que l’éducation se particularise par la différenciation pédagogique qui doit favoriser la prise en compte des besoins de développement singulier de chaque élève.

À cause de la mondialisation, partout en Occident, on assiste effectivement de plus en plus, à la constitution des nations multiculturelles et multilinguistiques. Le Canada est le parfait exemple d’une nation ou le multiculturel et où le phénomène du multilinguisme fait croiser dans les mêmes salles de classe des identités langagières diverses. Cette diversité de langue et de compréhension entraîne aujourd’hui, plus que par le passé, des défis sociologiques qui sont de nature à bouleverser les pratiques pédagogiques d’antan.

Par le passé la pédagogie de la langue portait pour l’essentiel sur les produits de la connaissance. Puisque la langue et même la culture étaient uniques, la pédagogie tradition qui prévalait imposait le savoir à acquérir. C’était essentiellement la pédagogie traditionnelle.

Les communautés humaines qui habitaient le Canada au début du 18e et même du 20e siècle n’ont plus rien à avoir avec celles qui le façonnent en 2012. Certes l’immigration a toujours été à la base de la constitution de ce pays, lorsque des immigrants venus de France et d’Angleterre ont réussi à partager le mode de vie des premières nations et que par la suie ils furent suivis par d’autres immigrants venus d’autres pays de l’Europe à partir du premier tiers du 20e siècle.

Mais les formes d’immigration d’antan ne sont plus les mêmes que celle d’aujourd’hui. Elles sont plus diversifiées en ce qui à trait à l’origine des immigrants qui prennent asile au Canada. De fait, le Canada est sur le plan ethnolinguistique l’une des Nations les plus diversifiées du monde. De plus, le phénomène de la mondialisation qui met en contact un citoyen canadien de Trois-Rivières au Québec et un citoyen de Bandung en Indonésie juxtapose des réalités de vie qui sont impénétrables les unes les autres. Cette connexion de citoyens, se trouvant dans leur pays respectif, par le progrès des technologies de la communication est une vérité que l’on retrouve avec acuité à l’intérieur d’un même pays, dans la même salle de classe au Canada. Dans nos écoles, nos salles de classe, il est possible de répertorier plus d’une dizaine identités ethnolinguistiques. Chaque identité est porteuse d’une saveur, d’un itinéraire et d’un vécu qui façonnent une appréciation et une appréhension du monde distincte les unes des autres.

Pour permettre l’apprentissage des élèves, dans le contexte du multiculturalisme et du métissage qu’il favorise, les activités qui sont élaborées dans le cadre du développement des habiletés en littératie doivent tenir compte des distinctions identitaires ethnolinguistiques pour susciter un apprentissage régulier de tous les élèves. En quoi le multiculturalisme et le multilinguisme doivent-ils favoriser des pratiques pédagogies de littératie qui doivent prendre assise dans un vécu langagier divers?

Qu’est-ce que la littératie?

La littératie désigne la capacité d’utiliser le langage et les images, de formes riches et variées, pour lire, écrire, écouter, parler, voir, représenter et penser de façon critique. Elle permet d’échanger des renseignements, d’interagir avec les autres et de produire du sens. C’est un processus complexe qui consiste à s’appuyer sur ses connaissances langagières et imaginaires antérieures, sa culture et son vécu pour acquérir de nouvelles connaissances pour appréhender le langage, les représentations, l’imaginaire d’ici et venu d’ailleurs pour mieux comprendre ce qui nous entoure.

Selon Masny, (2001), si la littératie permet à l’individu de passer de l’acte de lire un texte à lire le monde et à se lire, elle n’est pas que la compréhension de mots et de leur transcription. Elle est surtout la traduction des significations de sens. Le sens d’une réalité n’est pas absolu. Il est relatif à ce que l’on sait préalablement. C’est par l’appréhension de ce patrimoine que l’individu s’institue cognitivement et se situe socialement par rapport à lui-même, par rapport à ceux qui partagent son univers social. L’apprentissage étant pour beaucoup fondé sur les émotions, faut-il aller puiser dans le vécu émotif de l’élève. Le vécu émotif de l’élève étant indubitablement associé à son patrimoine culturel et historique, pour l’amener à comprendre la réalité que l’on souhaite qu’il se saisisse, la pédagogie de la littératie doit en tenir compte.

Favoriser des pratiques pédagogiques de littératie diversifiée.

Dans leur rôle d’éducateurs scolaires, les enseignantes et les enseignants d’aujourd’hui doivent aller au-delà de la littératie traditionnelle d’une part pour s’assurer que l’on réponde au besoin de compréhension de l’élève par rapport à son vécu, qu’il soit en mesure d’interpréter les réalités littéraires qui lui sont présentées et pour le préparer à des rôles et des formes de citoyenneté qui n’existaient pas encore il y a seulement vingt ans. Il importe par conséquent que les enseignants et les élèves en soient bien conscients et comprennent que le champ d’application de la littératie est très vaste, elle doit permettre une réflexion sur le monde de communication à valoriser dans les salles de classe.

En cela, l’éducation de la littératie dans un contexte multiculturel initiera les élèves aux principes fondamentaux de la lecture et les sensibilisera au langage d’ici et d’ailleurs. Cet enseignement proposera un éventail de textes susceptibles d’embrasser de façon large et diversifiée l’ensemble des réalités du monde dans le but précis d’aider les élèves à devenir des communicateurs actifs, critiques, responsables et créatifs pour le XXIe siècle.

Selon la table ronde sur la littératie en Ontario, c’est en lisant des textes qui sont porteurs de sens que les élèves développeront leurs compétences en littératie. Ils seront également en mesure d’explorer continuellement de nouveaux textes et de nouvelles façons de comprendre des textes connus. Au fil de leurs expériences, ils en viendront à affûter leur capacité de créer et d’échanger des textes de tous genres. Subséquemment, ils utiliseront au mieux leurs capacités cognitives pour découvrir de nouvelles façons d’accéder aux ressources d’un monde multiculturel.

En définitive, les élèves s’identifieront aux réalités littéraires qui leur seront soumises et se sentiront valorisés et reconnaîtront indubitablement que la lecture et l’écriture sont vraiment pour eux et les concernent. En plus de voir leur identité valorisée, «ils apprendront à connaître la culture et l’identité de leurs camarades de classe et des autres membres de la collectivité, ainsi qu’à apprécier la richesse et la diversité de la société canadienne». On ne peut que convenir que si les pratiques pédagogiques en littératie prennent assise sur ces bases, les élèves apprendront à vivre dans le respect des autres et avec le dynamisme intellectuel qui s’impose dans un monde multiculturel. Ils seront disposés à utiliser leurs habiletés supérieures de la pensée et leurs habiletés en littératie critique, compétences que nous cherchons à développer chez eux.


Laura Gayo

mercredi 2 mai 2012

Ali Bongo, un «gangster protégé» selon l'association Survie!

Le pouvoir gabonais particulièrement répressif et dictatorial mériterait une attention toute particulière dans l’actualité internationale. Mais, il conserve toujours un rôle stratégique dans la Françafrique.

En décembre 2011, Ali Bongo organisait une nouvelle mascarade électorale. Des législatives surtout destinées à installer durablement son régime deux ans après s’être installé à la place de son père Omar. L’opposition réelle avait donc choisi de ne pas participer à ce scrutin législatif et, le boycott a été soutenu par la société civile engagée contre la dictature emmenée par le Mouvement « Ça suffit comme ça » ! Résultat : une Assemblée nationale monocolore représentative d’une minorité politique de 5% du corps électoral.

Ali Bongo a donc plus que jamais la mainmise sur des institutions aux ordres et plus personne ne se fait d’illusion sur la véritable nature de la « démocratie gabonaise ». Ainsi, Ali Bongo a profité des dernières élections législatives pour renouveler son gouvernement. Il a opté pour un nouveau Premier ministre qui incarnerait le changement : Raymond Ndong Sima. Ce théâtre relève de la distraction politicienne. Le changement d’acteurs politiques ne règle en rien le problème du Gabon essentiellement lié à la confiscation du pouvoir par une famille qui a mis sur pied, depuis cinquante ans, le pillage organisé du pays.

Pour tenir et garantir le système, le régime gabonais a donc aussi besoin de soutiens extérieurs et notamment en France. La faute politique de Fabius Si Nicolas Sarkozy a bien accepté de recevoir son homologue congolais, Sassou N’Guesso, Ali Bongo a dû lui se contenter de la visite de Laurent Fabius, potentiel futur ministre des Affaires étrangères d’une présidence Hollande. L’ancien Premier ministre socialiste s’est rendu naïvement au Gabon, pour une conférence d’HEC, alors qu’il est devenu hautement suspect de fréquenter le pouvoir gabonais à quelques mois des élections françaises. Il faut dire que l’affaire des mallettes est dans toutes les têtes.

En tous les cas, la visite de Fabius a été perçu par les Gabonais comme la traditionnelle caution française au potentat, même s’il s’agissait d’une initiative personnelle, selon certains socialistes. Il faut dire que les déclarations de Fabius ne sont pas passées inaperçues. En affirmant que les relations entre la France et le Gabon étaient « excellentes » et souhaiter « qu’elles se développent dans le futur », au moment où la Cour constitutionnelle, menée par la belle- mère d’Ali Bongo, venait de « valider » le résultat des législatives, Fabius a découvert, à ses dépens, qu’il ne fait plus bon de s’afficher avec Bongo. A quoi a servi l’argent du foot ?

Ali Bongo a aussi tenté de profiter de la Coupe d’Afrique des Nations (CAN) organisée conjointement par le Gabon et la Guinée-Équatoriale pour faire oublier les élections truquées du 17 décembre. Le 12 février, à Paris, devant un parterre d’invités qui assistait à la finale, l’ancien ministre de l’Économie du Gabon, a annoncé une réforme de la fiscalité à l’avantage exclusif des investisseurs, une réforme du code du travail gabonais, et a parlé des garanties pour les investisseurs français pour rapatrier ses capitaux. Il imite ainsi Sassou N’Guesso, venu lui-même à Paris pour rencontrer les entreprises françaises.

Depuis la fin de la CAN, les Gabonais s’interrogent sur le bilan de l’enveloppe de l’évènement, estimée à 400 milliards de francs CFA, soit 610 millions d’euros. Un premier scandale a éclaté autour de l’achat de vingt bus jamais arrivés au Gabon pour une valeur de 3,6 milliards de francs CFA. Par ailleurs, certaines infrastructures réalisées pour la circonstance appartiennent déjà à certains dignitaires du régime, sachant que le principal stade réalisé est un don du gouvernement chinois. Quels sont les comptes exacts de la CAN ? Voilà une affaire qui pourrait intéresser la justice française puisque les principaux détournements réalisés laissent souvent des traces sur le sol français, à l’instar des révélations du Parisien (n°20985) dans son article intitulé « détournement de fonds des présidents africains au train de vie scandaleux », mettant en relief les scandales financiers du couple Ali Bongo.

Bongo est bien un dictateur. La justice française vient également de rejeter la plainte d’Ali Bongo contre le porte-parole d’Eva Joly, Yannick Jadot, qui l’avait traité de dictateur dans les colonnes de Libération. Comme pour la plainte d’un autre président visé par la plainte sur les « biens mal acquis » (BMA), le président de Guinée Equatoriale, Obiang, contre le CCFD, la justice exprime une nouvelle fois son refus d’être instrumentalisée par des dictateurs. L’affaire des « biens mal acquis » rebondit d’ailleurs en ce début d’année avec la perquisition de l’hôtel particulier du fils Teodorin. Une affaire n’en finit pas de secouer le petit monde de la Françafrique et d’inquiéter les présidents kleptocrates au grand dam de la diplomatie française. Cette actualité concerne particulièrement le Gabon à quelques mois des élections en France.

L’excellent livre de Xavier Harel et Thomas Hoffnung, « Le scandale des biens mal acquis » sorti en décembre 2011 cite (p 202) l’ancien directeur adjoint de cabinet du président Ali Bongo, Mike Joktane : « Ce que dit Robert Bourgi au JDD est vrai, mais incomplet : Omar Bongo a contribué au financement de la campagne présidentielle de 2007 du candidat Nicolas Sarkozy. » Démenti immédiat de la présidence gabonaise mais il n’empêche que le révérend évêque pentecôtiste subit des représailles politique et judiciaire pour avoir reconnu la réalité des mallettes d’argent. « Ça Suffit Comme ça ! » a dénoncé ces attaques, dans un communiqué du 22 février, « une imposture, une manipulation éhontée et par-dessus tout à une transgression inacceptable des normes de droits aux fins de règlements de compte contre les adversaires politiques. »

Aujourd’hui, la société civile gabonaise s’interroge sur la focalisation des médias sur la Guinée- Équatoriale. Le mouvement « Ca suffit comme ça » constate en effet qu’il y a eu une forte mobilisation sur les différents procès du président de la Guinée Équatoriale, ou le rejet de ses offres de don à l’Unesco. La société civile gabonaise qui a multiplié des actions pour dénoncer la dictature gabonaise en lien avec les questions des BMA et des détournements de l’argent du pétrole, a été très peu entendue.

Pourtant, les multiples scandales tant sur le plan de la démocratie, du respect des Droits de l’homme que dans les détournements massifs qui entachent le régime Bongo mériteraient aussi toute l’attention des médias. Y aurait-il plus de mansuétude pour des dictatures « amies de la France » comme au Congo-Brazzaville et au Gabon ? La situation politique du Gabon suscite beaucoup d’inquiétudes et ne cesse de se dégrader depuis la succession dynastique d’Ali Bongo. Quel crédit à donner à un gouvernement que 90% des Gabonais ne reconnaît pas ? Le silence tant des politiques que des acteurs de la société civile internationale, notamment de défense des droits humains en devient donc assourdissant. Faudra-t-il attendre une effusion de sang considérable pour que l’on prête attention à ce petit peuple ? La voix de son maître français En attendant la libération, le Gabon reste toujours aux mains de la Françafrique.

En sus de ses fonctions de tiroir-caisse, elle donne toute sa dimension dans la guerre diplomatique qui l’oppose en ce moment avec l’Afrique du Sud. Car la bataille a été féroce pour contrer la réélection du gabonais Jean Ping à la présidence de la Commission de l’Union africaine. L’Afrique du Sud qui entend jouer sa partition de puissance régionale a très peu goûté l’instrumentalisation de l’Onu par la France dans les interventions en Côte d’Ivoire et en Libye. Le dossier malgache est aussi source de conflits, la France protégeant toujours le putschiste Andry Raojelina. L’Afrique du Sud avait donc pour objectif d’imposer son candidat Kosazana Dlamini-Zuma, ancienne ministre et ex-épouse du président sud-africain.

Ce qu’elle n’a pas réussi à faire à l’issue du vote du dix-huitième sommet de l’organisation qui s’est tenu les 29 et 30 janvier à Addis-Abeba. L’élection a dû être reportée faute de vainqueur des deux côtés. La France dont le journal sud-africain Daily News évoquait « les interférences [qui] ont couté le poste à Ping a encore montré l’étendue de son influence jouant de la concurrence politique entre l’Afrique du Sud et l’autre géant africain, le Nigéria d’une part et de la fidélité sans faille des présidents dictateurs amis. Bongo, comme les autres servent aussi à cela. Au final, l’intérêt des gabonais important peu.

Auteur: l'Association Survie