dimanche 24 juin 2012

POURQUOI PERDRE SON TEMPS Á MÊME DISCUTER D’ÉLECTIONS LOCALES?

Ce samedi, les membres de l'opposition politique gabonaise ont convoqué une conférence de presse pour annoncer qu'ils allaient boycotter les élections locales en 2013, si une application plus transparente de la biométrie n'est pas été mise en œuvre. Dans un pays démocratique normal, une telle demande serait séminale et pourrait influencer le gouvernement. Mais au Gabon, malheureusement, le régime se soucie peu de ce que l'opposition menacerait de faire. Si l'opposition veut obtenir des résultats, elle doit être plus audacieuse et exercer des méthodes de pression réelles qui pourraient désarçonner le régime. Menacer de boycotter des élections locales n’est pas vraiment la formule.

Au cours de leur conférence de presse, l'opposition a exigé que l'introduction proposée de la biométrie dans le processus électoral ne comprenne pas que l'inscription sur la liste électorale, mais aussi et surtout qu’elle contienne un processus d'authentification de chaque électeur. Le problème est que tous les membres de l'opposition gabonaise, en fait, ce blog pourrait aller jusqu'à affirmer que tous les participants au système politique gabonais savent que 2 choses resteront absolues aussi longtemps que les Bongo seront au pouvoir au Gabon:

1. Tout d'abord, le vote sera toujours truqué de sorte que les «bons» candidats soient élus

2. Deuxièmement, la soit disant communauté internationale restera indifférente, si les élections gabonaises sont libres et équitables ou si elles ne le sont pas, parce que les Bongos leur servent.

La question logique, alors, c'est pourquoi quelques-uns des brillants gabonaise qui sont membres de cette opposition prennent encore la peine d'organiser des conférences de presse et d'inviter des observateurs étrangers pour leur parler de boycotter des élections dont le monde sait qu’elles sont absolument dénuées de tout sens. N'aurait-il pas été plus facile et plus honnête de laisser tomber tous les prétextes et de traiter le régime Bongo comme la dictature qu’elle est vraiment? Tout le monde sait que la seule raison pour laquelle les Bongos organisent des élections, est parce que ces élections sont un écran de fumée qui joue un rôle crucial pour la légitimité externe du régime Bongo. Rien de plus, rien de moins!

Depuis 2009, quand Ali Bongo, devant tout le monde et sans cacher ses intentions, a usurpé la présidence et a institué la monarchie au Gabon, l'opposition convoque des conférences de presse demandant ceci et cela! Mais le vrai travail percutant est venu de la société civile libre qui a pris l'initiative et démontré une grande imagination en confrontant le régime. Le boycott réussi de l'élection législative en 2011 a été obtenu en raison d'une campagne de terrain sans relâche et non par des conférences de presse tièdes. Le Forum des Indignés a attiré l’attention parce que des gens comme Marc Ona-Essangui, Gregory Ngbwa-Mintsa, Georges Mpaga et d'autres ont pris l'initiative et non parce qu'ils étaient timides et ont demandé la permission au gouvernement. Si l'opposition veut se faire entendre, elle doit prendre l'initiative. Les étudiants de l’université ont montré ce que signifie prendre l'initiative.

Alors que l'opposition politique convoque conférences de presse après conférences de presse, Ali Bongo et ses copains du PDG s’engagent inexorablement dans une consolidation autoritaire du pouvoir. Toutes les élections au Gabon sont entachées d'irrégularités et de fraudes graves. Rien ne va changer de sitôt, pas tant que les Bongo gouvernent le Gabon. Pas besoin de convoquer une conférence de presse pour parler de boycotter des élections, prenez plutôt des initiatives et faites des actions qui apportent une conscience politique à la population et leur donnerait l'ambition de dire non à ce régime et au monopole politique des Bongos au Gabon. Tous les acteurs politiques gabonais savent que les élections organisées par ce régime Bongo n'ont aucune signification réelle parce que le système politique dans son ensemble est placé sous le contrôle complet des Bongo. Donc, en promettant de boycotter des élections que vous n’êtes déjà pas censées remporter ou même d’y sérieusement figurer en premier lieu, est inutile. L'opposition doit être plus imaginative et proposer des plans réels et des actions porteuses.

Posted by Charlie M. at 12:30 AM

samedi 23 juin 2012

Communiqué contre la rencontre prématurée Ali Bongo Ondimba / François Hollande à Paris début juillet 2012

Comme ancien candidat de la présidentielle gabonaise de 2009, je veux dénoncer ici et maintenant, la venue prochaine de M. Ali Bongo Ondimba (Président du Gabon) qui doit rencontrer le président français, M. François Hollande, la première semaine de juillet à Paris. Il est clair que cette rencontre prématurée n’est possible que parce que les réseaux corréziens de droite l’ont voulu ; et parce que des hommes d’affaires véreux et connus l’ont facilité. Il apparaît désormais que la Françafrique de gauche façon « papamadit » devient une possibilité préoccupante. Dans un pays comme le Gabon ou l’extrême droite française est largement représentée, il est évident que les pressions sur le nouveau Président français sont intenses. La France a d’importants intérêts économiques au Gabon et tout le monde s’accorde théoriquement sur le fait qu’il faille normaliser une relation historiquement marquée par les déviances de la Françafrique. Mais nous sommes sans illusions : Ali Bongo Omdimba exploitera la rencontre comme un adoubement du nouveau pouvoir français et François Hollande cherchera à rassurer les intérêts privés du Gabon qui sont contre l’enrichissement des Gabonais.

Le Gabon, 5,7 % de croissance du fait des ses ressources naturelles, a une des populations les plus pauvres du monde dans les faits. Il faut sortir notre pays et l’Afrique francophone de l’économie PMU et stopper maintenant la dégradation de notre vie publique pour refonder les repères. Le Gabon doit rompre avec la cupidité destructrice qui règne depuis plus de cinquante ans pour que chacun se réapproprie son pays. Les peuples du Gabon et africains doivent créer une alliance suffisamment forte pour briser le garrot de l’oligarchie : par-delà un monde transafricain qui détruit lui-même sa substance, il n’est pas d’autre choix qu’une nouvelle alliance pour mettre en pièces l’empire de la Françafrique. C’est pourquoi je retournerai au Gabon dans quelques jours car quelqu’un doit tirer la sonnette d’alarme et s’opposer aux oligarques de la majorité présidentielle et de la pseudo opposition.

La France doit retrouver une dimension morale universelle pour jouer un rôle de catalyseur du progrès des peuples au lieu de faire du sarkozysme sans Nicolas Sarkozy. Si François Hollande oublie qui l’a fait roi, du SOFITEL de New York aux drapeaux africains du 6 mai, il ne ferra qu’un mandat comme le Président Sarkozy. Au vu de ce qui se passe partout en Afrique francophone (Gabon, Togo, Mali …), nous les Africains courrons le risque de rester les pions d’une relation de faux monnayeurs vouée à la destruction. Les conditions d’une disparition de l’Afrique subsaharienne sont en train d’être réunies à partir du Mali et du Congo Démocratique en passant par le Gabon car l’EurAfrique semble incapable de définir un nouveau partenariat crédible. Voici venus les temps des Africaines et des Africains ayant du caractère et qui refusent les petits arrangements de couloirs ou de partage du pouvoir. Nous ferons l’Histoire malgré les tempêtes à venir, pourvu que nous regardions la réalité en face.

Bruno Ben MOUBAMBA

bruno@moubamba.com

+33 (0) 6 88 12 88 21

jeudi 14 juin 2012

Avec ce faux débat sur la biométrie au Gabon, on a encore trompé le Peuple gabonais: vive le parti unique

Le 28 avril 2011, par rapport au débat portant sur la nécessité d’instaurer des listes électorales à partir d’un fichier d’identification des électeurs par des données biométriques, je publiai un article dans lequel j’attirai l’attention de mes amis de l’opposition. Je tentai notamment de sensibiliser sur l’inutilité de ce fichier quant aux manquements du respect par le pouvoir établi de l’expression souveraine des citoyens à choisir librement leurs gouvernants.

En examinant la situation politique du pays depuis 20 ans, je constatai qu’en dehors de tout changement notable des institutions qui président à l’organisation, à la proclamation et à la validation du processus électoral au Gabon, le fichier électoral biométrique ne saurait garantir le respect de la volonté exprimée par les électeurs et que tout débat dans ce sens était de nature à renforcer l'autocratie dans notre pays.

Malgré cet article et des lettres envoyés directement à certains acteurs politiques et aux chefs de la société civile pour les aviser de ce que je constatais, un slogan de non-participation aux élections fut néanmoins mis en place : pas de biométrie, pas de transparence, pas d’élection. À cette occasion une tournée dans tout le pays fut entreprise pour édifier le peuple sur cette posture de la classe politique de l’opposition classique; tandis que la société civile, par « Ça suffit comme ça » entama de son côté une campagne de sensibilisation pour accabler le gouvernement dans ses manœuvres électorales frauduleuses par un combat dit « asymétrique ». Ça suffit comme ça entendait par un contournement du gouvernement, dans ses méthodes légales de fraudes, de le placer dans une situation d’illégitimité par une extrême faible participation des citoyens à cette élection.

Ça suffit comme ça et l’opposition classique ont défavorisé une participation notable au scrutin. À peine 10 % des électeurs inscrits ont pris part à ce scrutin. Pourtant, rien n’y fit pour ébranler le gouvernement et le président établi. Ça suffit comme ça et l’opposition classique comptaient sur une certaine morale politique du parti au pouvoir pour se gêner de la situation. Le combat asymétrique n’a pas produit les effets escomptés. Comme l’eau d’un torrent, sur son passage le parti au pouvoir a tout raflé : 114 députés sur une possibilité de 120. Tranquillement, on est revenu au Gabon à la situation politique qui prévalait avant la tenue de la Conférence nationale de 1990 et de l’avènement du multipartisme : le monopartisme. Pourquoi le débat sur la quête de la démocratie et l’alternance politique avait-il porté sur la biométrie. Je me le demande encore aujourd’hui.

Le but de tout processus électoral est de rendre possible l’alternance politique. Depuis 50 ans au Gabon, c’est le même parti est au pouvoir. Le développement périclitant à cause de la mauvaise gouvernance, ce ne sont pas les prouesses de gouvernance du Parti démocratique gabonais (PDG) qui le maintiennent au pouvoir. Ce sont ses capacités à disposer du contrôle de l’ensemble des institutions politiques et judiciaires. N’aurait-il pas fallu dans ce contexte que la position de l’opposition classique et de Ça suffit comme ça soit celle d’exiger des institutions démocratiques comme en 1989 avant d’envisager de parler de biométrie.

L'alternance politique est l’expression manifeste de la souveraineté du peuple pour encourager sa bonne gouvernance. Elle est favorisée par les mécanismes de séparation des pouvoirs des institutions de l’État. Elle empêche l’une des parties à un concours électoral de s’adjuger l’expression populaire librement exprimée et ainsi d’ôter au peuple son droit souverain d’élire et de démettre les gouvernements.

Assurément, lorsqu’il y a absence des mécanismes de la séparation de pouvoirs dans l’État, l’une des parties au concours électoral dispose nécessairement d’un rapport de force indu par rapport aux autres. Les institutions qui organisent le concours électoral ont vite fait de la favoriser et la placer aux commandes du gouvernement. Le gouvernement ainsi désigné n’agira pas en conformité de l’intérêt du peuple, mais en rapport avec ce qu’il croit être la volonté du peuple. Au demeurant, même s’il dit parler au nom du peuple, puisque le peuple n’a aucun moyen pour le rendre redevable de ses actions et le sanctionner si nécessaire, c’est en fait au nom de sa propre volonté qu’il s’exprimera.

En réalité, au Gabon, toutes les institutions qui assurent l’organisation, le fonctionnement de la vie politique et la validation des résultats des urnes sont concentrées entre les mains d’Ali Bongo : héritage de son père. Pour rendre crédible toute élection au Gabon, la lutte pour l’alternance politique doit s’enraciner dans l’instauration des mécanismes pour que l’expression de la volonté de gouvernance du peuple soit reconnue et authentifiée. Il ne saurait porter sur un autre objectif.

En cela, il est malheureux de voir que certains au Gabon croient qu’en produisant des fichiers électoraux avec des données biométriques, le vote librement exprimé, selon le nombre exact des inscrits et leur identification formelle, ferait barrage aux coups d'État électoraux. Cela n’est pas le cas et cela ne sera jamais le cas. Certes les données biométriques permettraient qu’une certaine transparence électorale soit de mise. Mais elle n’est pas garante du respect de l’expression des votes proclamés et authentifiés. Des preuves de fraudes électorales ont été maintes fois présentées devant la Cour constitutionnelle sans qu’elle ne s’en émeuve outre mesure.

Comprenons que la démocratie n’est pas que le fait pour les citoyens de voter librement. Personne au Gabon ne vote avec un fusil à la tempe. Le scrutin est libre malgré quelques accros importants. Ce n’est pas le vote libre ou la conformité du nombre de votants par rapport au nombre d’inscrits qui est le principal problème de l’absence de possibilité de l’alternance politique au Gabon. C’est l’absence formelle de la séparation des pouvoirs des institutions de l’État qui favorise les coups d’État électoraux. Au regard des capacités du parti au pouvoir à contrôler toutes les instances de l’organisation et du fonctionnement de l’État, dans le contexte actuel, l’alternance politique au Gabon est impossible même si les listes électorales sont confectionnées sur la base des données biométriques.

Joel Mbiamany-N’tchoreret,

jeudi 7 juin 2012

L’école gabonaise forme à la culture générale et non au développement des compétences.

Depuis la fin des années quatre-vingt, le système éducatif gabonais est en décadence. Plusieurs diagnostics discutés pour le mettre sur le droit chemin n’ont pas accouché d’une réforme conséquente. La plupart des propositions faites ne tenant compte d’aucune ambition de développement des compétences. On se contentent de réciter le chapelet des énoncés de l’école efficace comme préconisés en Occident. Malgré ces énoncés mimés, dans un souci de parler de l’école moderne, on met en place des pratiques et des ambitions des desseins mis en place par le colon pour les besoins de sa domination.

Conséquemment, de pronostics à propositions de réforme, le système éducatif gabonais, au regard des ambitions que se donne toute société moderne, tourne dans le vide, se laissant décroître et rendant la qualité de formation donnée inadéquate aux besoins du développement du pays.

La difficulté à parvenir à une réforme pertinente bute à l’incapacité collective de concevoir une finalité de la mission éducative de l’école qui soit à la hauteur des ambitions d’un pays qui désire sortir du sous-développement. Cette incompétence étant elle-même liée à l’absence d’une vision effective de ce que doit être la société gabonaise : absence de projet qui fait consensus pour cause de confiscation du pouvoir politique. Conséquemment, l’école existe parce qu’il faut envoyer les enfants à l’école, un peu comme on envoie un enfant à la garderie. Une fois à l’intérieur ou au sortir de celle-ci, on ne sait plus trop bien ce qu’il faut faire avec l’élève, l’étudiant, le nouveau diplômé. Si l’on dit que l’école vise la reproduction sociale, il ne faut pas s’étonner de la dégénérescence de la société gabonaise et du pays.

Durant la colonisation, l’école avait pour mission de préparer les cadres indigènes pour soutenir l’administration coloniale dans la gestion des territoires occupés. À cet égard, puisque l’administration coloniale ne devait retenir qu’une infime partie de la population, l’éducation a donc favorisé l’élitisme : la capacité de faire preuve d’une culture générale. D’ailleurs les concours de recrutement dans les administrations et les grandes écoles en font un cadre de distinction des lauréats.

On peut effectivement voir que la mission éducative de l’école coloniale ne s’est pas effacée avec l’avènement des indépendances. Même si les projets de développement mis en place devaient conduire à bâtir les compétences et non des individus connaissants, par une école moderne, éduquant aux valeurs de la République et aux devoirs de la citoyenneté, l’école qui sort des indépendances est résolument vouée à la formation d’une élite destinée à l’administration et à la gestion du pays comme dictée sous le maître colon. Encore qu’il faille s’interroger sur la qualité de cette administration et de cette gestion.

De la même façon que les discours sur le développement visaient à donner des rêves surdimensionnés, en parlant de l’école moderne gabonaise, le projet de l’école mise en place a montré que l’on ne savait pas ce dont on discutait.

Alors que depuis les découvertes par Freinet au début du 20e siècle on parle de la construction du citoyen et de ses capacités à s’adapter à son environnement et à y interagir efficacement, l’on institue dans les faits un cadre de rationnement du développement des intelligences, abandonnant en chemin une frange importante de la population.

Également, alors que l’on institue de l’école ailleurs comme cadre de vie devant presque se poursuivre tout au l’on de sa vie, l’on fait de l’obtention du diplôme le bout du chemin de la formation scolaire. De fait, on retrouve au pays des personnes aux grades universitaires éloquents, mais inaptes à prendre le développement du pays en main.

Aujourd’hui, il n’est point de place pour un système éducatif figé, dans un monde en perpétuel changement. De même qu’il n’est point d’avenir pour une école qui vise à ne former qu’une élite à la culture générale étendue, des diplômés sans compétences réelles. La tâche de l’école doit être d’assurer le développement des compétences qui permettront une expertise indispensables à la prise en charge du développement du pays.

En somme, la mission de l'école, aujourd’hui et demain, est de former un citoyen qui apprend à apprendre, à agir, à être et à devenir. Dans ces conditions, l’école est plus que jamais appelée à s’acquitter de ses fonctions essentielles qui consistent à développer les compétences chez tous les individus tout au long de leur vie. Ces impératifs mettent le système éducatif dans l’obligation de procéder à la mise à niveau de toutes ses composantes : institutionnelles, pédagogiques, humaines, matérielles et visées éducatives.

Joël Mbiamany-N'tchoreret
Enseignant et chercheur en psychopédagogie