dimanche 22 janvier 2012

Les NTIC : l’un des métiers d’avenir pour nos enfants

Quand arrive le moment de choisir une carrière pour son enfant, qui va bientôt entrer à l’université, les parents se trouvent généralement confrontés au dur dilemme de trouve cette carrière qui fera que son enfant aura un métier bien payé et par lequel il pourra se trouver un emploi tout de suite en quittant les bancs de l’école.

En tant que professionnel exerçant dans le domaine de l’éducation, de nombreux amis ayant des enfants en âge de formations postsecondaires, me contactent pour obtenir mon avis sur les formations universitaires ou collégiales dans lesquelles ils peuvent orienter leurs enfants. Le principal souci de ces parents étant de voir leur enfant obtenir un emploi en sortant de leur formation postsecondaire. Bien que je sois plutôt spécialisé en psychopédagogie et non en orientation scolaire, je me permets, pour être également spécialisé en insertion et développement des compétences professionnelles, de faire le conseil suivant : soyez bien informés sur la situation du marché de l’emploi actuel et futur, dans un rayon de 10 ans, quelque cinq ans en sortant de l’école et cinq après en être sorti.

Du point de vue strictement Nord-Américain, et je dirais que la tendance est mondiale, les domaines où la pénurie de professionnels seront les plus criants sont celui des nouvelles technologies de l'information et de communication (NTIC), celui du domaine de l’environnement, les progrès qui y sont réalisés, entre autres, dans la recherche des nouvelles énergies et de la protection de l’environnement susciteront une main d’œuvre de haute spécialisation. Un besoin similaire est également identifié dans le domaine des recherches agroalimentaires. Pour ce post, nous ne parlerons que des besoins en NTIC et de la formation requise pour y développer les savoirs et les compétences de base requises.

Que faut-il entendre par NTIC?

Les technologies de l'information et de la communication (TIC) et de nouvelles technologies de l'information et de la communication (NTIC) (en anglais, Information and communication technologies, ICT) regroupent les techniques utilisées dans le traitement et la transmission des informations, principalement de l'informatique, de l'Internet et des télécommunications. Par extension, elles désignent leur secteur d'activité économique. Les emplois et les activités économiques qui y sont associés positionnent les NTIC dans le secteur de l'industrie du contenu numérique. Les savoirs et les compétences requis dans cette industrie tendent particulièrement à résoudre les problématiques liées à l'intégration de ces technologies au sein des systèmes institutionnels, recouvrant notamment les produits, les pratiques et les procédés potentiellement générés par cette intégration.

Quels sont les emplois dans le domaine des NTCI ?

En fait, il n'existe pas vraiment de classification universelle des carrières en informatique. Toutefois, on peut dire que, de façon générale, les études collégiales et universitaires mènent à des carrières comme celles présentées ci-dessous.

La plupart de ces emplois exigent une main-d’œuvre qualifiée détenant un diplôme collégial ou universitaire en informatique ou dans un domaine connexe.

Plusieurs professions du domaine de l'informatique se recoupent. Voici quelques descriptions d'emplois tirées du Guide sur les carrières de Ressources humaines et développement des compétences Canada.

Administrateurs de données

Les administrateurs de données élaborent et mettent en ouvre les lignes directrices, les procédures et les modèles de gestion de données.

Agents de soutien aux utilisateurs

Les agents de soutien aux utilisateurs fournissent une assistance technique de première ligne aux utilisateurs d'ordinateurs éprouvant des difficultés avec le matériel informatique, les applications informatiques et les logiciels de communication.

Analystes de bases de données

Les analystes de bases de données conçoivent, élaborent et gèrent les solutions intégrées de gestion de données à l'aide de logiciels de gestion de données.

Analystes et consultants en informatique

Les analystes et les consultants en informatique effectuent de la recherche, conçoivent, implantent et mettent à l'essai des plans de développement de systèmes informatiques, des politiques et des procédures, et élaborent des recommandations sur des problèmes liés aux systèmes informatiques.

Analystes de la sécurité des systèmes

Les analystes de la sécurité des systèmes effectuent de la recherche, conçoivent, implantent et mettent à l'essai des plans, des politiques et des procédures afin de protéger les systèmes informatiques des risques inhérents à la sécurité informatique. Ils conseillent également les autres employés au sujet de la sécurité informatique.

Analystes de l'assurance de la qualité de l'informatique

Les analystes de l'assurance de la qualité de l'informatique agissent en tant qu'experts en appliquant des techniques de planification d'assurance de la qualité liée au cycle de vie des systèmes et des logiciels.

Concepteurs et développeurs Web

Les concepteurs et les développeurs Web étudient, conçoivent, développent et produisent des sites Internet, extranet et intranet.

Développeurs en médias interactifs

Les développeurs en médias interactifs écrivent, modifient, intègrent et mettent à l'essai le code informatique pour des applications Internet, des didacticiels, des jeux pour ordinateurs, des films, des vidéos et d'autres médias interactifs.

Évaluateurs de logiciels et de systèmes informatiques

Les évaluateurs de logiciels et de systèmes informatiques exécutent des scénarios d'essai pour évaluer la performance des applications logicielles et des systèmes d'information et de télécommunication.

Gestionnaires de systèmes informatiques

Les gestionnaires des systèmes informatiques planifient, organisent, dirigent, contrôlent et évaluent les activités d'organisations qui analysent, conçoivent, mettent au point, mettent en exploitation, font fonctionner et administrent des logiciels informatiques et de télécommunications, des réseaux et des systèmes informatiques.

Ingénieurs en logiciel

Les ingénieurs en logiciel étudient, conçoivent, évaluent, intègrent et assurent l'entretien des applications logicielles, des environnements techniques, des systèmes d'exploitation, des logiciels intégrés, des entrepôts de données et des logiciels de télécommunication.

Opérateurs en informatique et de réseau

Les opérateurs en informatique et les opérateurs de réseau établissent, exploitent, assurent l'entretien et coordonnent des réseaux locaux d'entreprise ou des réseaux étendus (RLE et RE), des réseaux d'ordinateurs centraux, du matériel, des logiciels et équipements informatiques liés. Les superviseurs des opérateurs en informatique et des opérateurs de réseau sont inclus dans ce groupe.

Programmeurs

Les programmeurs écrivent, modifient, intègrent et mettent à l'essai le code informatique pour des applications logicielles sur micro-ordinateurs et ordinateurs centraux, des applications de traitement de données, des logiciels de systèmes d'exploitation et des logiciels de communication.

Techniciens Web

Les techniciens Web mettent en place des sites Web Internet et intranet, du matériel et des logiciels de serveurs Web et en assurent l'entretien. Ils supervisent et optimisent la connectivité de réseau et la performance du réseau. Les superviseurs des techniciens Web sont inclus dans ce groupe.

Vérificateurs de systèmes

Les vérificateurs de systèmes effectuent de manière indépendante des évaluations du contrôle de la qualité, de logiciels et de systèmes d'information.

Le traitement salarial est-il concurrentiel ?

Au regard des besoins d’intégration des nouvelles technologies de l’information et des problématique que cette intégration entraine, on prévoit pour 2022 une pénurie de la main d’œuvre dans les NTIC. Cette pénurie entraînera une offre d’emploi occasionnant des rémunérations très concurrentielles.

Les salaires sont supérieurs à la moyenne. Même après l'éclatement de la bulle technologique en 2001, ceux-ci se sont maintenus à des niveaux intéressants. Depuis 2006, avec la pénurie de main-d'ouvre qui s'est établie dans le secteur, les salaires ont grimpé et on peut dire que l'informatique offre plus que jamais des emplois bien rémunérés.

D'ailleurs, le guide salarial Robert Half rapportait les échelles suivantes pour les salaires des grands secteurs d'emplois en informatique au Canada en ce moment (2007-2011):

• Gestionnaires de services informatiques : 84 000 $ à 176 000 $

• Superviseurs de projets de développement : 41 000 $ à 104 000 $

(analyste de système, architecte logiciel, analyste logiciel, chef développeur, etc)

• Administrateurs, développeurs et analystes de bases de données : 55 600 $ à 103 000 $

• Responsables de la qualité : 54 000 $ à 89 500 $

• Développeurs et analystes d'applications en commerce électronique : 45 000 $ à 92 000 $

• Spécialistes, architectes, administrateurs de réseaux : 46 500 $ à 92 500 $

• Spécialistes de la sécurité informatique : 64 000 $ à 102 500 $

• Développement de logiciel : 49 000$ à 106 000 $

• Services techniques : 30 000 $ à 88 000 $

Dans dix ans, en début de carrière, les projections salariales font miroiter de traitements commençant en moyenne à 95 000.00$ pour les techniciens supérieurs et en moyenne 130 000.00$ annuel pour les ingénieurs. De plus, compte tenu du caractère évolutif des connaissances de ce secteur d’emploi, de nombreuses compagnies des technologies de l'information promettent à leurs employés des formations supplémentaires, voir continuelles, pour accroître leurs connaissances professionnelles afin de les rendre compétitifs et toujours apte à innover.

Au canada, une personne qui se désire être formé en NTIC peut suivre deux types de cursus : le cursus collégial de trois conduisant au diplômé de technicien supérieur et le cursus universitaire pour le grade d’ingénieur en NTIC.

Exemple de programme de formation universitaire en NTIC (il existe aussi des formation de niveau collégial)

Les 13 cours généraux obligatoires suivants (49 crédits) :
CHM131 Chimie et matériaux (4 cr.)
COM110 Méthodes de communication (3 cr.)
COM115 Communication interculturelle (3 cr.)
GIA400 Analyse de rentabilité de projets (3 cr.)
ING150 Statique et dynamique (4 cr.)
ING160 Thermodynamique et mécanique des fluides (4 cr.) (ING150)
MAT145 Calcul différentiel et intégral (4 cr.)
MAT265 Équations différentielles (4 cr.) (MAT145)
MAT350 Probabilités et statistiques (4 cr.) (MAT145)
MAT415 Mathématiques du génie des TI (4 cr.) (MAT145)
MAT472 Algèbre linéaire et géométrie de l'espace (4 cr.) (MAT145)
PHY332 Électricité et magnétisme (4 cr.) (ING150)
PHY335 Physique des ondes (4 cr.) (ING150)
TIN501 Environnement, technologie et société (3 cr.)

Les 13 cours obligatoires suivants (47 crédits) :
GTI210 Introduction au génie des TI (3 cr.)
GTI310 Structures de données multimédias (4 cr.) (LOG121)
GTI410 Applications des techniques numériques en graphisme et imagerie (4 cr.)
GTI510 Gestion de projets et assurance de la qualité (3 cr.) (GTI210, PCT210)
GTI515 Systèmes d’information dans les entreprises (4 cr.) (GTI210)
GTI525 Technologies de développement Internet (3 cr.)
GTI660 Bases de données multimédias (4 cr.) (GTI310)
GTI792 Projet de fin d'études en génie des technologies de l’information (3 cr.) (PCT310)
LOG121 Conception orientée objet (4 cr.)
LOG210 Analyse et conception de logiciels (4 cr.) (LOG121)
LOG350 Conception et évaluation des interfaces utilisateurs (4 cr.) (LOG210)
LOG610 Réseaux de télécommunication (4 cr.) (LOG121)
LOG619 Sécurité des systèmes (3 cr.) (LOG610)

Études complémentaires (3 crédits)
Un cours parmi les suivants :
GIA500 Initiation aux projets internationaux d'ingénierie (3 cr.)
GIA601 Ergonomie et sécurité en milieu de travail (3 cr.)
GPE450 Gestion du personnel et relations industrielles (3 cr.)
GPO605 Entrepreneuriat et innovation (3 cr.)
ING500 Outils de développement durable pour l’ingénieur (3 cr.)

Cours de concentration (15 crédits minimum)
L’étudiant choisit 5 cours de l’une des trois concentrations suivantes ou toute combinaison de 5 cours parmi les cours de concentration proposés ci-dessous :

Multimédias
Cette concentration propose l’acquisition de connaissances pour l’analyse et la conception de systèmes multimédias tels que des systèmes de vidéoconférence mobiles, des jeux vidéo, des systèmes de visualisation scientifique et des systèmes de gestion documentaire.

GTI420 Infographie avancée (3 cr.) (GTI410)
GTI664 Applications multimédias et Internet (3 cr.) (GTI525)
GTI780 Sujets émergents en technologie de l'information (3 cr.)
GTI785 Systèmes d'applications mobiles (90 crédits cumulés)
GTI791 Projets spéciaux (3 cr.)
LOG430 Architecture logicielle (4 cr.) (LOG210)
LOG640 Introduction au traitement parallèle (3 cr.)
LOG745 Interfaces utilisateurs avancées (3 cr.) (LOG350)
LOG770 Systèmes intelligents (3 cr.) (GTI310 ou LOG320)

Affaires électroniques
Cette concentration propose l’acquisition de connaissances pour l’analyse et la conception de systèmes transactionnels distribués tels que des systèmes de commerce électronique ou de progiciels de gestion intégrée (PGI) ou ERP (Entreprise Resource Planning).

GTI530 Aspects opérationnels des réseaux (3 cr.) (LOG610)
GTI710 Commerce électronique (4 cr.) (GTI515, GTI525)
GTI727 Progiciels de gestion intégrée (3 cr.) (LOG121, GTI515)
GTI780 Sujets émergents en technologie de l’information (3 cr.)
GTI791 Projets spéciaux (3 cr.)
LOG430 Architecture logicielle (4 cr.) (LOG210)
LOG710 Principes des systèmes d’exploitation et programmation système (3 cr.) (GTI310 ou LOG320
LOG730 Introduction aux systèmes distribués (3 cr.)

Gestion et conception d'infrastructures et de réseaux d'entreprise
Cette concentration propose l’acquisition de connaissances pour la gestion et la conception d’infrastructures informatiques avec une emphase sur les services de réseautique.

GTI530 Aspects opérationnels des réseaux (3 cr.) (LOG610)
GTI710 Commerce électronique (4 cr.) (GTI515, GTI525)
GTI719 Sécurité des réseaux d'entreprise (3 cr.) (LOG619)
GTI727 Progiciels de gestion intégrée (3 cr.) (LOG121, GTI515)
GTI777 Conception de services de réseautique et de messagerie (3 cr.) (LOG610)
GTI780 Sujets émergents en technologie de l’information (3 cr.)
GTI785 Systèmes d'applications mobiles (90 crédits cumulés)
GTI791 Projets spéciaux (3 cr.)

Stages
PRE010 Initiation au milieu industriel, à la santé et sécurité au travail
Activité hors programme d'un crédit obligatoire devant être suivie avant le premier stage (S1)

Les 3 stages obligatoires suivants (9 crédits) :

PCT110 Stage industriel I en génie des technologies de l’information (3 cr.)
PCT210 Stage industriel II en génie des technologies de l’information (3 cr.)
PCT310 Stage industriel III en génie des technologies de l’information (3 cr.)

Stage optionnel
PCT410 Stage industriel IV en génie des technologies de l’information (hors programme) (3 cr.) (PCT310)


Joel Mbiamany-N'tchoreret

lundi 16 janvier 2012

M. Bruno Ben Moubamba, M. Daniel Méngara et Mme. Paulette Oyane-Ondo, bravo pour l’amorce du débat politique à venir.

Je salue la posture politique nouvelle que vient d’adopter M. Daniel Mengara dans le combat pour l’essor politique du Gabon, notre pays. La création éventuelle du parti politique annoncée est une bonne chose pour le débat et pour la lutte politique que nous menons depuis plusieurs années. J’y suis moi-même engagé depuis près de vingt-deux ans. Contrairement à bien des partis politiques constitués, dans la foulée de l’autorisation du multipartisme politique, la perspective de M. Daniel Mengara apporte un souffle nouveau. La lutte politique est pour ce compatriote une bataille idéologique pour l’avancement du Gabon et non une lutte de positionnement politique. Nous espérons à cet égard, que dans la démarche de la consolidation de la démocratie au Gabon, qu’il ne tombera pas dans ces travers par lesquels certains mettent en place des partis politiques uniquement pour véhiculer leur propre voix, mettant en sourdine des voix ou des leadership divergents. Il fera grandir notre débat politique nationale en faisant en sorte qu’au sein de la structure politique annoncée vivent des débats où il y aura confrontation des idées et non des affrontements des personnes. Ma crainte est qu’il préconise l’autarcie politique en vue de se prémunir des intentions malveillantes de ces adversaires politiques, comme il le disait dans l’un de nos derniers échanges via facebook. La quête de la démocratie mérite bien la prise de certains risques dans le débat de sa consolidation. Les luttes justes n’ont pas à se faire dans la banalité du mal politique. Il faut se refuser de ressembler à ses adversaires du camp d’en face. Je demande au frère Mengara de faire vivre la démocratie dans toutes les démarches qu’il entreprendra et le processus du fonctionnement du parti en gestation; d’y autoriser la dissidence de vue et de perspective dans la foulée de l’idéologie du parti qui sera retenue à la fin du congrès constitutif. Le travail d’un bon leader politique est justement de rassembler des personnes différentes, des vues différentes pour construire une perspective commune. Cette perspective sera d’autant plus forte, vivace et légitime dans la racine au débat national, qu’il naîtra d’horizons politiques et de personnes différents.


Je salue également le discours de Madame Paulette Oyane-Ondo donné lors du meeting du 14 janvier 2012. Il semble, que dans sa lutte politique, elle préconise de mettre «Le citoyen au cœur de l’alternance». Voilà une perspective que je développe depuis plusieurs mois, dans cette idée de la pace du citoyen dans la conquête et la consolidation de la démocratie dans notre pays. Il faudra néanmoins aller au-delà de la sphère strictement politique pour épouser le concept du citoyen dans la chose politique non pas comme un effet de mode pour des fins d’actions politiques stratégiques ponctuelles, mais surtout concevoir le citoyen comme le début et la fin du politique dans la construction de l’État de droit et du développement économique, social et culturel. M. Bruno Ben Moumba y a déjà envisagé l’idée de l’enrichissement du citoyen Gabonais comme point central de toute politique du développement du Gabon.

Par rapport à ces positionnements politiques nouveaux et de la reconsidération de l’enjeu du débat politique nécessaire, j’invite M. Bruno Ben Moumbamba, M. Daniel Menga et Madame Paulette Oyan et d’autres compatriotes intéressés, à la tenue d’un Sommet Patriotique National sur l’avenir politique du Gabon quelque part vers l’été 2012 au Gabon. Le but de ce sommet est de conduire à des discussions politiques, juridiques et économiques pour concevoir de façon patriotique quel type d’État et d’organisation politique nous souhaitons instituer dans notre pays au regard du comportement mesquin du parti au pouvoir.

J’ouvre ici le début du débat. Je vous y invite.

Je vous remercie.

Joël Mbiamany-N’tchoreret


dimanche 8 janvier 2012

Pour le respect de la morale politique, il faut dissoudre l’Assemblée législative du 17 décembre.

La morale en politique est souvent présentée comme la probité que les responsables politiques doivent avoir dans leurs comportements et actions d’administrateurs et de gestionnaires de la chose publique. La probité scrupuleuse, le désintéressement le plus total sont bien le minimum attendu de ceux qui détiennent le pouvoir au nom du peuple. Malgré cela, la moralité en politique ne saurait se limiter au fait de ne pas détourner les biens publics. Hitler et Staline avaient été des hommes politiques intègres. Ils ne se sont pas enrichis personnellement dans leur exercice du pouvoir. Nonobstant leur gestion de l’économique désintéressée, l’histoire a retenu contre eux le caractère intrinsèquement immoral de leur régime politique. On pourrait effectivement soutenir qu’il n’en pouvait être autrement. Encore que ces régimes politiques n’étaient pas institués démocratiquement et qu’ils n’avaient pas la légitimité démocratique du peuple. Pourtant, ce n’est pas le caractère antidémocratique qui fait que les régimes politiques Hitler et Staline étaient immoraux.

Il y a quelque deux mois, des manifestants ont tenté de s’opposer à la venue de l’ancien président des États-Unis d’Amérique, Georges Bush, au Canada. De nombreux observateurs politiques considèrent que sa présidence est marquée par le sceau de l’immoralité. Le président Bush pourtant parvenu au pouvoir et géré le pays à travers un régime politique « démocratiquement élu » est considérée avoir eu une morale politique exécrable. Les violations des droits humains perpétrées dans la guerre contre le terrorisme sous sa présidence sont comparées aux actes ignominieux du régime de Khmers rouges.

Également, depuis le mois d’avril 2011, la président hongrois, Pal Schmitt est considéré par les observateurs politiques hongrois et internationaux comme immoral. Soutenu par une majorité écrasante au parlement, Pal Schmitt a fait approuver, contre l l’opinion de plus de deux tiers de ses concitoyens, une Constitution qui instaure un régime politique quasi monarchique. Les opposants à cette Constitution font valoir qu’ils ne l’ont pas élu pour apporter un changement à leur Constitution de cette envergure. Et qu’un changement politique de cette ampleur doit se faire dans un débat politique élargi et qu’au mieux il requiert un consensus national. Quand les changements politiques portant sur l’organisation et le fonctionnement démocratique du pays sont faits sur le seul consentement du parti au pouvoir ignorant les récriminations non partisanes, ces changements politiques sont immoraux.

Au regard des cas d’immoralité politique évoqués ci-haut, la moralité en politique est un ensemble de valeurs morales qui tout en faisant valoir une grande probité dans la gestion de la chose publique, exige un respect scrupuleux des droits humains et la mise en place des règles et des modes de fonctionnement politiques qui font prévaloir et promouvoir une gouvernance démocratique du pays. La morale est « un ensemble de principes de jugement, de règles de conduite relatives au bien et au mal, de devoirs, de valeurs, parfois érigées en doctrine, qu'une société se donne et qui s'imposent autant à la conscience individuelle qu'à la conscience collective ». Ces principes varient selon la culture, les croyances, les conditions de vie et les besoins de la société. Ils ont souvent pour origine ce qui est positif pour l’avancement démocratiques des nations dans leur développement. Si de tels « principes sont en outre positifs pour l'ensemble des peuples ou des sociétés de la Terre, on peut les considérer comme faisant partie de la morale universelle ».

En effet, ce n’est pas parce qu’un gouvernement s’est constitué de façon démocratique qu’il est automatique moral. Faut-il encore qu’il gouverne dans le respect des principaux moraux. Un régime politique tout en restant un État de droit, élu démocratiquement, pourrait très bien décider, par exemple de rétablir l'esclavage, d'utiliser la torture, voire d'exterminer une partie "non désirée" de sa population, de gouverner de façon tout à fait partisane en ignorant l’avis de la majorité des citoyens dans le seul but de faire valoir ses ambitions politiques. En faisant cela, il serait politiquement inique et moralement haïssable.

Par-dessus le respect de la loi dans un État dit de droit, il y a une valeur supérieure qu'on appelle « morale universelle ». Par rapport à cette valeur, il n’y a pas de vérité absolue en politique outre que celle de la recherche de la paix, de l’harmonie politique et du respect de l’équité à l’égard de tous les citoyens. Lorsque dans un pays, deux tiers de la population décident de ne pas prendre part à un débat politique pour cause de soupçons d’iniquité et de improbité dans le processus engagé, il est de la responsabilité morale des politiques, à l’opposition comme au gouvernement, de faire en sorte tous les citoyens participent à la vie politique de leur pays. S’entêter à ignorer le sentiment légitime des citoyens, c’est faire preuve d’une immoralité politique.

En vérité, depuis 2009, le pays traverse une situation difficile pour la grande majorité des citoyens. Gouverner en tenant compte de cette situation et en tentant de réparer le climat morose né des élections présidentielles anticipées de 2009 est faire preuve d’un grand engagement politique envers la promotion de la moralité et l’instauration de nouvelles valeurs politiques. En ce sens, nous sollicitons du président de la République, M. Ali Bongo Ondimba, qu’il dissolve l’Assemblée législative issue des élections législatives du 17 décembre 2011. Puisqu’il est prévu dans le budget de l’État la tenue des élections locales, municipales et sénatoriales en 2013, l’élection d’une nouvelle Assemblée législative pourra se faire à cette occasion sans coûts financiers supplémentaires à la comptabilité publique.

Il est temps de mettre fin aux mœurs politiques d’une autre époque en faisant prévaloir et en promouvant des valeurs progressistes et morales à toute épreuve.


Joël Mbiamany-N’tchoreret

vendredi 6 janvier 2012

Rehaussons le débat national au Gabon


En 2009 je conseillais aux autorités, au regard du retard des chantiers relatifs aux infrastructures d’accueil, de renoncer à l’organisation de la CAN. Aujourd’hui, je lance un appel patriotique pour une mobilisation des gabonais de l’intérieur et de l’extérieur au soutien de cet évènement. Ne nous trompons pas, il ne s’agit pas un évènement politique, mais d’un moment de notre nation, d’une fête que veulent les gabonais, et qui a à voir avec l’image du pays. Souvenons-nous du bonus en image engrangé par l’Afrique du Sud il y a moins de deux années.
La sauvegarde de l’image de notre pays

Ne devons-nous pas départir l’image du Gabon à l’étranger des turpitudes d’un évident combat politique ? Seuls les terroristes n’hésitent pas à transformer les moments de communion populaire en catastrophe.

Il est heureux que les panthères soient qualifiées pour la phase finale des Jeux Olympiques. Il faut les féliciter, nos athlètes ont fait quelque chose d’utile pour le Gabon. Le sport doit unir au delà des clivages politiques. Mon passage au Gabon m’a permis de me rendre compte que même si rien n’est parfait, l’accueil de nos hôtes ne sera pas couvert du sceau de la honte. Nous aurons le temps et les moyens de nous disputer ensuite.

Et j’écris ceci en connaissance de cause, je suis déterminé à impulser un profond changement dans notre pays, mais je souhaite que notre combat soit mené avec intelligence, stratégie, dignité et respect pour nous-mêmes. ll est hors de question de mener notre lutte de manière inappropriée. J’appelle donc mes amis de l’opposition à déposer les armes de la contradiction quelques jours, et à porter les couleurs des panthères dans un souci d’apaisement pour l’amour du sport. Parce que nous pouvons gagner.

La dissolution de l’actuelle assemblée nationale, un impératif de cohésion nationale

Ceci posé, j’attends aussi une réponse aux suggestions quant à la tout autant possible que nécessaire dissolution de l’assemblée nationale afin de relancer la cohésion nationale. Nous ne pouvons pas demander aux citoyens de s’engager dans quelque effort économique en les excluant du jeu politique. Ces élections ont été un moment d’exclusion, je le rappelle.

Sur les modalités de ces élections appaisées auxquelles j’appelle, elles seraient couplées avec les élections municipales de 2013. Leur organisation ne coûtera pas un centime au contribuable gabonais, parce que les élections aux magistratures municipales sont déjà inscrites au calendrier électoral national.

Sur la légitimité de cette assemblée qui approfondirait la cohésion nationale, à la différence des malheureuses précédentes, l’introduction d’un contrôle biométrique de l’identité des votants sera effectif, comme l’a d’ailleurs promis le président de la République dans un discours récent:

« De même, conformément à nos engagements, la biométrie doit être effective à l’occasion des élections locales de 2013, dès lors que la loi relative à la protection des données à caractère personnelle a été, elle aussi, adoptée. »

Prenons M. Ali Ben Bongo Ondimba au mot, à moins que l’on ne veuille le désordre ou que l’on souhaite les pires convulsions à venir, cette difficile décision sera salutaire.

La réforme du Conseil Économique et Social

J’ai également questionné le fonctionnement d’une de nos principales institutions, le Conseil Économique et Social. Elle sera bientôt renouvelée pour la tranche 2012 / 2017. J’appelle toujours à sa dépolitisation.

Je note qu’Ali Bongo vient d’appeler à la création d’un conseil national de cohésion nationale. Il est souhaitable de prendre garde qu’il ne s’agisse point d’une coquille vide. Rappelons- nous du forum des jeunes. Quelle sera la mission précise de cette institution ? Ne fera-t-elle pas doublon, dans ses missions, dans son domaine de compétence, avec le Conseil Économique et Social ?

Je souhaite que les réponses et les débats autour de ces enjeux capitaux quittent les domaines de l’intimidation, des rumeurs, des menaces, de l’incantation ou des manipulations de tous ordres, car le débat national au Gabon doit être rehaussé. Nous devons tous nous battre, quel que soit notre bord, pour l’intelligence politique dans notre pays.

Le Gabon, un pays de Guépards économiques

Mon séjour a été l’occasion de rencontres diverses et de discussions de haut niveau au cours desquelles j’ai plaidé à nouveau pour le choix d’une troisième voie politique et pour la modernisation de l’économie gabonaise. J’ai rappelé à mes interlocuteurs mon credo depuis quelques années maintenant : l’enrichissement des africains, et des gabonais en particulier, n’est pas contraire à l’intérêt mondial. Un pouvoir d’achat plus important des citoyens gabonais se traduira par une consommation performante et participera sur le long terme à la résolution de la crise économique mondiale. Ma conviction est que les organismes qui survivent dans un environnement changeant sont des organismes qui peuvent changer eux-mêmes. C’est pour cette raison que j’appelle les dirigeants occidentaux et africains à changer, car ce changement fera des deux parties des partenaires crédibles et ouverts. La génération post-coloniale à laquelle j’appartiens est celle de guépards économiques, qui souhaitent une normalisation des rapports économiques, qui ont en soucis d’être considérés comme des homo oeconomicus crédibles et ouverts.

La nécessité d’un état d’urgence social

Nous avons besoin en tant que gabonais d’un état d’urgence social pour parvenir au statut de consommateurs performants que j’évoquais ci-dessus. Il faut d’abord pour cela, dans la ligne droite de la pyramide des besoins, telle que théorisée par Maslow, satisfaire les besoins primaires des populations. Nous, gabonais, devons dépasser le stade quasi animal dans lequel nous sommes maintenus pour qu’un développement soit possible.

J’expliquais récemment à un de mes interlocuteurs de haut niveau que si l’on échoue la modernisation du Gabon, pays d’un million d’habitants aux ressources naturelles importantes, la tâche s’avérera impossible pour le reste de l’Afrique. Il faut donc que sur ces questions de modèles économiques, les organisations internationales se servent du Gabon comme laboratoire pour une Afrique nouvelle.

En posant l’état d’urgence social, nous inscririons dans nos constitutions africaines le bien-être matériel et social des populations en tant que droit fondamental reconnu à tout citoyen.

Je ne crois pas qu’au Gabon l’on soit en mesure de résoudre seul cette question fondamentale du bien-être social, sous prétexte que l’on détient le pouvoir. Je dis donc sincèrement au président de la République qu’il fera face à une opposition intelligente et constructive, à condition que lui-même prenne la mesure de la nécessité d’une modernisation des rapports politiques et sociaux du pays. Il ne s’agit surtout pas d’une quelconque allégeance politique. Nous devons résolument quitter l’arène de la sauvagerie politique pour intégrer celle d’un rapport de force constructif et bénéfique à la nation gabonaise.

Ne nous trompons pas, la bataille sera âpre et difficile. Mes concitoyens et mes camarades politiques peuvent compter sur moi pour être solide comme un roc, à la manière de Pierre Mamboundou Mamboundou, le défunt président de l’UPG.

Bruno Ben Moubamba

contact : Comité de Soutien de Bruno Ben Moubamba

communication@moubamba.com



jeudi 5 janvier 2012

La troisième voie : fondements du projet de société politique


Pour favoriser les changements sociopolitiques espérés au Gabon, faut-il incarner une posture politique nouvelle. Nous soutenons qu’elle doit placer le citoyen au cœur de la pensée et de l’action politique et économique, pour que nos enfants vivent beaucoup mieux que nous. Elle sera envisagée sous l’angle de la reconstruction du citoyen.

Les citoyens possèdent des droits politiques et des droits civils. Par ces droits, ils se donnent un État et un gouvernement pour leur bien-être politique et économique et pour l'amélioration de l’espace de vie dans lequel ils évoluent.

La difficulté d’être réellement citoyen gabonais aujourd’hui, comme hier par ailleurs, est le fait que les individus n’arrivent pas à bénéficier des droits civils et politiques qui font d’eux des citoyens à part entière. Pour cela, les Gabonais n’ont jamais pu se donner un État et un gouvernement qui permettent de satisfaire pleinement leur bien-être, de développer les moyens d’une vie paisible.

L’état de la condition politique du citoyen gabonais

Le système politique gabonais, entendu à la fois comme cadre d’organisation et de fonctionnement des partis politiques et de l’État, a ses fondements dans le mode du gouvernement colonial et dans les traditions africaines. Sous la tutelle coloniale, le colon traitait le colonisé tel un mineur. Incapable de se gouverner par son propre entendement, le colon devait penser et agir pour lui. Également, dans les sociétés traditionnelles africaines, les aînés exercent une tutelle sur les plus jeunes. Un jeune ne peut parler lorsque l’aîné est présent. Il est astreint à l’autorité du droit d’ainesse. Il est de fait tenu à la soumission à l’égard des aînées dans toutes les décisions qui concernent le fonctionnement de la famille, de la communauté et même du pays.

La mise en place d’un État moderne, à la faveur des indépendances des sociétés africaines, n’a pas gommé les dialectiques de l’autorité vécues sous la colonisation et celle de la société traditionnelle africaine. Elles ont subsisté dans les formes de la modernité de l’État de droit. Il en résulte un mode hybride de l’autorité dans la vie politique et dans les institutions de l’État. On y voit, sur les principes de l’État de droit, une juxtaposition des formes de domination du citoyen, héritage de la colonisation, et des modes de soumission du citoyen, héritage de la tradition. La subsistance des formes de l’autorité coloniale et traditionnelle favorise un lien du citoyen au chef politique sous la forme d’un rapport paternaliste.

Le paternalisme est l'attitude d'une personne en situation d’autorité qui, sous couvert d’actions politiques destinées au citoyen, impose une tutelle politique, par un comportement à la fois bienveillant et autoritaire. Cette tutelle s’exerce par l’entremise des liens ombilicaux entre le militant et la politique, entre l’État et le citoyen, entre l’individu et la société, entre l’habitant et l’économie. Ces liens ombilicaux entraînent les chefs à occuper tous les espaces d’expression économique, sociale, politique et culturelle du citoyen dans l’exercice de sa citoyenneté. De fait, les décisions, les comportements des chefs dans les partis politiques comme dans le fonctionnement politique de l’État forcent une infantilisation favorisant une déférence du citoyen à l'égard du chef.

Conséquemment, alors qu’il est censé être au cœur de la pensée et de l’action, le citoyen gabonais est marginalisé, placé pour ainsi dire en périphérie du lieu de la pensée de l’action politique et économique qui le concerne. Le chef pense pour le citoyen gabonais, fait des choses au nom du citoyen gabonais. Et comme par osmose, les actions des chefs sont censées être l’expression des ambitions du citoyen gabonais. Lorsque le chef se trompe sur ce qui est essentiel pour le bien-être du citoyen gabonais, sans qu’il en recevoir une reddition des comptes, le citoyen est prié de croire à une autre espérance, une énième pensée, une énième action, dont il n’aura encore rien à dire et qui pour l’essentiel, ne sera qu’une d’esprit.

Paradoxalement, quand ça va mal, on demande aux citoyens gabonais de se mobiliser et se mettre à l’avant pour revendiquer des droits politiques qu’ils n’ont jamais exercés. Faut-il s’étonner que cette mobilisation ne se fasse qu’à demi-teinte et que pour plusieurs Gabonais, les bagarres et les combats politiques entre chefs ne les concernent pas!

En vérité, les revendications politiques qui sont faites, bien que les citoyens soient ceux qui paient le plus lourd tribut de la mauvaise gouvernance politique, ne sont pas le fait de l’initiative des citoyens. Ils sont entraînés par des facteurs étrangers à la caractérisation de la citoyenneté. Voilà pourquoi leur mobilisation, pour ces revendications politiques, est malingre, voire inexistante.

Effectivement, la revendication des droits citoyens suppose l’existence d’une organisation politique qui serait essentiellement l’émanation de l’expression des droits politique et des droits civils des citoyens. Par rapport à l’exercice de ces droits, lorsque l’État ne fonctionne pas convenablement, pour éviter le péril de leurs droits, les citoyens entrent par leur propre initiative dans la revendication de leur citoyenneté. Une telle initiative ne peut exister au Gabon. La construction de l’État gabonais, en termes de droits politiques et de droits civils, est approximative. La citoyenneté dans cet État n’est qu’une apparence. Les identités politiques qui y prévalent ne sont que des identités ethniques. L’identité citoyenne est une chimère.

Dans un État de construction achevée, les individus sont d’abord citoyens avant de faire valoir les identités ethniques. Et le rôle que jouent les organisations, les institutions politiques, judiciaires et démocratiques promeuvent une telle identification. Rien, dans l’organisation politique et dans le fonctionnement de l’État gabonais n’est de nature à favoriser concrètement les bases d’une identification préalable à l’identification ethnique.

Au contraire, les héritages coloniaux et ceux de la société traditionnelle guident des modes de comportements qui nourrissent, selon Weber, des croyances subjectives d'appartenance sociobiologiques sur des similitudes d'habitus communautaires, de sorte que, devenant le référent existentiel au politicus, les individus entretiennent, par rapport au politique ou au chef politique, des rapports qui annihilent les fonctions citoyennes. Ces fonctions qui valorisent l'exercice plein de la citoyenneté.

Subséquemment, indépendamment de qui gouverne, la manière de gouverner, le Gabon continuera à fonctionner de la même façon tant qu’il n’y aura pas de changement dans le rapport que l’individu entretient avec le politique et/ou avec l’État. Ce changement ne peut s’opérer que par une reconstruction préalable du citoyen, laquelle reconstruction est inéluctablement la construction d’un État autre, un État de droit du citoyen, par lequel, à travers un régime politique entièrement démocratique, il pourra justement revendiquer ses droits politiques et civils. Parce que, ce régime politique sera d’abord celui du citoyen, jaloux de ses droits et de ses privilèges.

Voici brièvement exposés les fondements du projet de société politique que nous souhaitons mettre de l’avant : la reconstruction du citoyen gabonais. Dans la section qui suit, nous exposons de façon succincte comment notre projet entend favoriser cette reconstruction.

La reconstruction du citoyen gabonais

Il faut redonner au citoyen ses droits politiques et civils. Ce sont ces droits qui bâtissent l’État de droit et le pouvoir politique qui en résulte. L’inverse est une forme de paternalisme qui entraîne tous les abus politiques décriés. L’organisation politique au Gabon doit privilégier l’action du citoyen comme axe autour duquel l’action de la conquête du pouvoir se fera.

Pour cela, il faut placer l’individu au cœur de l’action politique en l’entraînant à être conscient de ses droits de citoyen. Il sera d’autant plus en mesure d’en revendiquer la jouissance. Nous devons donc sortir des pratiques qui favorisent la domination et la soumission politiques du citoyen et faire en sorte qu’il conquiert les espaces d’expression politique et civils qui fondent sa citoyenneté. Il faut aussi pour cela arrêter de penser à la place du citoyen, dire ce qu’il doit faire et comment le faire. Le citoyen sera entrainé à se questionner sur ses conditions d’existence, l’amener à voir comment il peut améliorer ses conditions de vie et donc à l’entraîner à percevoir quels outils, quels instruments lui sont essentiels pour être un citoyen à part entière.

Pour qu’une telle prise de conscience advienne, nous considérons placer le citoyen au centre du processus du projet politique que nous préconisons en tant qu’acteur constitutif de l’organisation politique par rapport ses capacités et ses objectifs de développement social et politique.

La construction du citoyen se fera dès selon trois trajectoires politiques:

a) L’identification de ses droits politiques;

b) L’organisation politique comme outils de la revendication de ses droits;

c) L’organisation politique comme outils de conquête de ses droits politiques.

Par droit politique, nous entendons les libertés qu’a un individu de s’associer à d’autres individus, d’appartenir à notre organisation politique en vue faire valoir des demandes à l’État pour l’amélioration des conditions de vie.

Ces demandes sont légitimes, en ce sens qu’ils ne sont pas le fait de la bonté d’une tierce personne. Dans la quête de ces droits pour-soi ou pour une autre personne, le militant, acteur, au centre l’action politique sera en mesure de s’exprimer sur les moyens par lesquels l’organisation dont il est constituant, entend revendiquer ses droits de l’État. Par sa propre expression, il sera en mesure d’être un des dirigeants ou de décider qui doit parler en son nom à propos des droits revendiqués.

Concrètement, au regard de ses conditions d’existence et rapports aux outils que le pays détient, susceptibles, d’améliorer ses conditions de vie, le militant sera encouragé à se donner les moyens d’expression et à décider à travers les instances du parti, des droits politiques et civils qu'il entend exigés. Il sera capable pour ce fait, de dire quoi revendiquer, comment le revendiquer. Le militant ne sera jamais mis devant le fait accompli d’une stratégie politique qui n’a rien à avoir avec son bien-être politique immédiat, ou dont il n’aura pas préalablement discuté de la portée, de la pertinence et de l’intérêt

En ayant la prérogative de la désignation des revendications, des moyens et des processus de leurs expressions, le militant sera d’autant plus engagé à les faire aboutir. Il se reconnaîtra dans le mot d’ordre par lequel le parti fera commande de la mobilisation en vue faire valoir les droits des citoyens.

Les structures et les organes de fonctionnement du parti seront ainsi perçus comme le cadre à travers lequel le citoyen exprime ses insatisfactions politiques à l’égard de l’État et le moyen de l’expression de l’amélioration du fonctionnement de l’État à sa satisfaction, dans le respect de la loi à laquelle il aura participé directement ou indirectement à mettre en place. Les structures du parti seront pour cela construites pour que toute communication émise par le citoyen soit examinée par le parti et qu’une réponse lui soit adressée dans un délai raisonnable pour l’informer des mécanismes mis en place pour corriger son inconfort politique. Le parti, à la manière d’un syndicat, sera à cet égard à la disposition du militant pour protéger ses droits et préserver ses intérêts de citoyen.

Ainsi, en toute circonstance, dans son idéologie et dans son programme politique, le parti sera l’outil d’expression de la conquête des ambitions, des droits et des privilèges politiques du militant vis-à-vis de l’État par un exercice direct de l’action politique dans les rôles et fonctions qu’il s’attribuera dans le fonctionnement du parti.

La conquête de ses droits vis-à-vis de l’État sera pour cela des luttes politiques voir révolutionnaire que le parti aura commandées. Car c’est par le militant, au nom du militant, que cette commande sera faite par le parti. Ainsi, même si cette lutte se trouve être des combats électoraux ou révolutionnaires, elle trouvera en première ligne le militant engagé et mobilisé. Parce que dans son essence de citoyen, au cœur de l’action politique, le militant comprendra que les droits politiques qu’il revendique sont les droits qui le permettent, en tant que citoyen, d’exercer sa souveraineté nationale et donc sa citoyenneté. Et, que si cette citoyenneté n’est pas préservée, il en va de son bien-être immédiat et celui des autres concitoyens

Les effets de l’exercice des droits politiques sur le bien-être des citoyens

Comme dit précédemment, l’État est la résultante de l’exercice de la citoyenneté. En d’autres mots, c’est pour la quête du bien-être des citoyens que l’État est institué. Ainsi, dans un État où les droits des citoyens sont respectés et les privilèges préservés, l’action de l’État dans ses politiques vise prioritairement le bien-être et le conforme des citoyens, dans la satisfaction de leurs droits.

En exerçant ses droits politiques sur l’État à travers le parti, le citoyen se met en mode de contrôle de l’action de l’État qui ne peut se permettre des dépenses somptueuses qui n’ont rien à avoir avec le bien-être immédiat ou à moyen terme pour l’ensemble des citoyens. Par rapport à son militantisme, le citoyen veille donc à ce que l’État soit géré au mieux en vue justement de la satisfaction de ses droits et privilèges. Si l’État dans son fonctionnement n’est pas en mesure de répondre à leurs besoins, les citoyens militants se mobiliseront pour faire attendre raison à l’État dont ils sont la source de l’autorité.

En conclusion, la troisième voie est une approche politique qui met le citoyen au cœur de la pensée et de l’action de son développement par la conquête des espaces de l’expression politique qui favorisent indubitablement l’expansion de ses libertés et de la jouissance de ses droits. Dans cette voie, les dogmatismes politiques ne sont pas les bienvenus. Il s’agit d’ouvrir des perspectives qui engagent le citoyen aux voies de la conquête par le citoyen de l’espace politique, économique et social qui lui est confisqué. Pour cela, c’est le citoyen, dans un cadre organisé qui décide de ce que les chefs doivent faire ou entreprendre comme stratégies et/ou action politique. En mobilisant le citoyen dès le départ, on est certain de l’entraîner à plus de détermination et à plus d’engagements dans le changement politique que nous souhaitons. Pour cela, la troisième voie privilégie la démocratie à tous les niveaux. On ne peut demander à certains de pratiquer la démocratie quand soi-même on pratique l'autocratie. Dans les prochains jours, nous proposerons les fondements du projet de société économique de la troisième voie.

Joël Mbiamany-N’tchoreret

lundi 2 janvier 2012

Du débat autour de la notion d’opposition politique : pour sortir de certaines passions et confusions politiques.


Nous avions l’ambition, cette semaine, d’écrire un texte sur l’éducation de l’élite gabonaise afin de montrer les causes des travers de ses égarements politiques. L’actualité politique qui fait jour dans les principaux journaux gabonais et la recrudescence du débat autour de la position politique de certains et des appels et interpellations reçus à cet égard nous obligent au surchoix de notre projet d’écriture annoncé pour donner suite à certaines critiques légitimes et parfois infondées. De quoi s’agit-il?

Du débat autour de la notion d’opposition politique

Le concept d'opposition politique est polysémique. Il appelle à tous les qualificatifs : opposition fabriquée, opposition façon façon, opposition fatiguée, opposition radicale, opposition véritable, opposition républicaine, etc. Toutes ces appellations sont le fait des démarcations qui poussent les uns à dénoncer les postures oppositionnelles des autres à l’égard des tenants du pouvoir. De ces démarcations, certaines postures d’opposition seraient plus authentiques que d’autres. Mais en quoi sont-elles plus authentiques? Que faut-il entendre par opposition politique au Gabon au vu  de la réalité politique qui s’érige au quotidien depuis 1990?

Dans son étymologie, le vocable opposition réfère au terme latin oppositus, ce qui est placé en face de … pour faire obstacle. Importée à la science politique, elle sera conçue pour désigner l'ensemble des mouvements et/ou partis qui s'opposent aux forces politiques détenant le pouvoir. Dans un régime politique représentatif, avec un parlement élu par les citoyens, l'opposition politique serait pour cela l'ensemble des organisations politiques qui n'appartiennent pas à la majorité parlementaire ou à la coalition au pouvoir. Attendu que pour gouverner, il faut obtenir l’assentiment du parlement, le pouvoir politique étant institué pour le fait de la gouvernance, les partis ou organisations qui conviennent directement ou indirectement d’une voie de gouvernance ne peuvent de ce fait être en opposition. Car dès lors qu'elles tombent d’accord sur les principes idéologiques d’une gouvernance commune, il ne peut y avoir cause d’opposition entre elles. Certes, à l’intérieur d’un ensemble d’organisations politiques des divergences peuvent survenir, comme l’on en trouve dans toutes les familles, quant aux moyens et aux stratégies de gouvernement. Ces divergences ne sont pas des positions diamétralement opposées pour faire valoir une scission idéologique. Sinon, on n'a plus les mêmes visées de gouvernement.

Il faut donc exclure de la notion d’opposition politique tous les partis politiques qui font une alliance directe avec le parti qui détient la majorité au parlement. De la même façon, même n’étant pas partie prenante à la composition du gouvernement, les partis ou les personnalités qui déclarent soutenir l’action politique du chef de l’exécutif menée par un gouvernement qu'il aura ordonné la composition, sont à exclure de la définition d’opposition politique.

Mais que faut-il entendre par soutien à l’action politique du chef de l’État? De même, à l’opposé de ce soutien, comment déterminer ce qui est de l’opposition politique et ce qui ne l’est pas?

Les appuis de soutien politique

Le soutien politique n’existe en démocratie que lorsque le parti majoritaire au parlement ne dispose pas d’une majorité absolue et qu’il faille, pour pérenniser son action politique ou la légitimer, obtenir l’assentiment d’une majorité des élus à travers des appuis de partis politiques tiers. Le parti politique majoritaire entrera dans ce contexte dans des accords politiques de co-gouvernance. Pourtant, il arrive également qu’un parti politique détenant la majorité absolue dans un parlement négocie des appuis pour une politique gouvernementale essentielle.

En effet, plusieurs experts en sciences politiques considèrent qu’une politique gouvernementale qui est soutenue par deux tiers ou plus de deux tiers d’appuis fait consensus. Parce que, lorsque plus de la majorité qualifiée soutiennent une actions gouvernementale en plus du fait qu’une partie de ce soutien provient de l’opposition, la politique ainsi votée jouit d’un consensus. Elle ne peut donc souffrir d’une contestation politique auprès de la population. Cette politique est donc légitime. La légitimité politique est donc qui oblige le parti majoritaire à rechercher des soutiens à son action gouvernementale.

Qu'est-ce que la légitimité politique?

Depuis l’avènement de la postmodernité, lorsque les intérêts individuels des citoyens ont pris le dessus sur les intérêts collectifs ou populistes, les démocraties sont « entrées dans l'âge d'une légitimité plurielle». Aujourd'hui, les gouvernants prennent davantage en considération l'appui des organisations non politiques, sociales et communautaires que l'appui des simples citoyens. Face à cette réalité, selon Pierre Rosanvallon, (La Contre-Démocratie, 2006), il faut sortir d’une certaine conception de la légitimité politique. Elle ne saurait être réduite « à sa définition électorale ». La conception de la légitimité politique qui serait essentiellement construite du verdict des urnes serait « très insuffisante pour rendre compte des titres à parler, à représenter, à gérer, à réguler, à autoriser ou à interdire », qui fondent la vie démocratique.

Dans une trilogie sur la démocratie (Le Sacre du citoyen, 1992, Le Peuple introuvable, 1998, La Démocratie inachevée, 2000), Pierre Rosanvallon a montré qu’en face de la légitimité électorale, existent de multiples formes de légitimité qui donnent à la vie politique le pluralisme des sources de ses fondements. Sans ces sources de légitimation politique, la démocratie n’aurait que peu d’emprise par rapport à la volonté réellement souveraine de l’ensemble des citoyens. Ces formes de légitimité ajoutent à la légitimité électorale le poids dont elle a besoin pour la prise en compte des intérêts individuels qui font désormais foi dans la vie politique face à ce qui est appelé « crise de la représentation politique», le désintéressement de l’électeur, le « repli du citoyen ».

La prise en compte des formes non électorales pour conférer le poids de la légitimité politique fait naître un cadre neuf de la notion de représentation politique. En accord avec Pierre Rosanvallon, convenons pour cela que la légitimité politique est à la fois la légitimité sortie des urnes et celle conférée par des modes d’expression autres que celles issues des représentations électorales. C’est par rapport à ces autres modes de représentation politiques qu’il faut comprendre la quête de soutien politique que mène le parti au pouvoir même lorsqu'il dispose de plus de la majorité qualifiée dans un parlement.

Également, dans un ouvrage récent, Guy Rossatanga-Rignault (2011), reprenant à son compte l’expression d’Hugues Capet (938 - 996), « qui t’a fait roi » a mis en lumière le fait que la légitimité politique ne pouvait désormais reposer sur le seul fait des urnes. Il n’a pas tort. Un peu partout dans le monde, la participation électorale fait problème. On observe un phénomène d’abstention qui fait que, plus souvent, c’est seulement environ un tiers de la population qui prend part à la participation électorale. Par rapport à ce type de participation, se pose effectivement tout politicien le problème de la légitimité politique. Il lui apparait de fait mal avisé de tenter de gouverner uniquement avec l'appui de l'expression des urnes sans de l’appui des syndicats, des associations, des corporations professionnels et des personnalités qui sont des leaders d’opinion dans les divers secteurs de la vie du pays. En obtenant ces appuis, le parti au pouvoir peut se gargariser de posséder une légitimité politique puisque ces appuis représentent généralement une opinion bien plus dense ou plus représentative que celle exprimée dans les urnes.

En somme, c’est pour la quête de la légitimité par rapport à ce qui peuvent détenir des formes de représentations politiques en dehors du cadre de l’expression des urnes qui pousse le parti au pouvoir à recherche l’appui des partis tiers même lorsque ce parti dispose de plus des cinq sixièmes des élus à l’Assemblée nationale.

Les soutiens politiques sont des formes de constitution des légitimités politiques

Les taux d’abstention élevés et fréquents font que la participation politique ne renvoie plus uniquement au vote comme montré précédemment. Elle intègre désormais aussi bien les dynamiques de soutien individuel de personnes disposant d’une certaine influence publique que des coalitions de groupes sociaux représentant des groupuscules d’intérêts. Les soutiens politiques individuels s’inscrivent dès lors dans la dynamique hors partisane. Ils participent au renforcement de la légitimité du pouvoir non obtenu dans les urnes en constituant une forme de consensus autour de celui qui détient ce pouvoir. C’est à la faveur de la conférence nationale que ces formes de légitimation politique ont vu le jour au Gabon.

Les années 90 marquées non seulement par l’avènement du pluralisme politique et du multipartisme, mais aussi par la consécration des lobbyings politiques individuels, ont vu se proliférer des types de participation politique non partisane. La société civile étant devenue un interlocuteur pertinent, les autorités politiques s’en sont servies pour étioler les contestations des organisations politiques organisées qui s’étaient formées pour mettre à mal les régimes politiques illégitimes. Il s’est développé entre les tenants du pouvoir, les associations et certaines personnalités publiues des rapports de coopération politique. Celle-ci s’est trouvée renforcée par le phénomène des scissions au sein des principaux partis de l’opposition. Les individus se retrouvant sans parti politique et disposant d’une certaine notoriété en sont venus à échanger contre leurs appuis des privilèges de participation à la gestion du pouvoir. Ces appuis politiques ont entraîné des formes de légitimation politique qui ne sont pas uniquement singulière à la société gabonaise ou aux sociétés africaines. On la retrouve aux États-Unis d’Amérique et dans la plupart des démocraties dans le monde. Au Gabon, elle prend des allures viles par le fait, dit-on, qu’elle affaiblit l’opposition politique organisée face aux pouvoirs non institués par l’expression des urnes.

Plusieurs femmes et hommes politiques et les observateurs intéressés par la chose politique sont effet restés campés dans une vue de l’opposition politique qui consiste à une dualité entre deux camps. Ils n’ont pas compris qu’il existe des formes d’exercice de sa liberté d’association, d’expression et de manifestation qui conduit le citoyen à agir comme un acteur libre de l’action politique et comme un partenaire des pouvoirs publics, libre de manifester son appui en fonction de ses propres intérêts, encore que la quête des intérêts politiques collectifs a perdu son essence. De fait, s’il est constant que les citoyens influencent l’action politique par le vote, le lobbying, les syndicats ou les partis politiques, il n’est pas moins vrai que le champ de la participation politique est loin d’être étanche à une participation individuelle. En cela, les notions de partis politiques sont à repenser et particulièrement celle d’opposition politique.

La notion d’opposition politique

L’opposition politique dans bien de pays africains est encore vue comme devant prendre les formes d’un antagonisme féroce à l’égard du parti au pouvoir. Cette conception découle davantage d’un esprit de frustration face à des rêves politiques inassouvis qu’à la raison d’État qui vise à proposer une alternative crédible et une stratégie efficace pour arriver à l’alternance du pouvoir.

En vérité, plusieurs leaders politiques agissent comme dans les années quatre-vingt-dix. Prisonniers d'une certaine approche du politique du tout ou rien, ils ne se sont pas encore adaptés au fait qu'ils doivent dépersonnaliser les ambitions politiques pour l'alternance du pouvoir. Le fait de créer un parti politique et se regrouper autours de quelques fidèles inconditionnels apparait toujours pour ces personnes comme un gage de réussite de la conquête du pouvoir politique. Ainsi, en viennent-ils à prendre en otage le débat politique et les vues de l'opposition politique selon ce qui leur apparaît une priorité à la satisfaction de leurs propres ambitions. Par la prise en otage du débat politique, ils font de l'opposition aux tenants du pouvoir un sacerdoce. Vous êtes tenus de n’exprimer aucune voie discordante sinon vous êtes jetés en pâture et qualifié de danseur de la lambda du ventre. L'opposition politique est pourtant autre chose qu'un engagement à l'égard de la pensée unique.

Élément essentiel du pluralisme démocratique, l'opposition doit exprimer ses divergences et ses points de vue critiques par rapport à l'action du gouvernement et non de la personne qui incarne son autorité. Pour cela, l'opposition politique ne peut exister que si le système politique reconnaît ses droits. Si une organisation politique lutte pour détruire le système politique ou son autorité, elle ne peut, face à la puissance publique du pouvoir de se préserver, que mener une lutte clandestine. À ce moment-là, on ne parle pas d’opposition politique, mais de résistance politique. Cette forme d’existence politique a ses origines dans les mouvements de contestations politiques en Europe pendant la Seconde Guerre mondiale, sous l’occupant nazi ou encore des mouvements de lutte contre l’occupation coloniale. Elle s'était constituée pour lutter contre l'existence d’un corps politique étranger qui s’imposait par la force et qui ne pouvait aucunement trouver dans le corps social un quelconque appui politique. Pourtant, le pouvoir politique actuel bénéficie des appuis et des soutiens qui le confèrent une légitimité certaine. Il y a donc dans la posture de certains partis et personnalités politiques une forme d’imposture qui fait que le combat qu’ils mènent, même juste et légitime, ne peut avoir de chance d’aboutir en dehors d’une insurrection ou d’un coup d’État militaire ou politique. Tout au plus ce qu'ils font affaibli l'opposition politique pour entraîner une réelle alternance politique.

Quand le combat politique asymétrique tue l’opposition

Plusieurs Gabonais mal-informés croient que ce qui tue l’opposition politique réelle au Gabon est le positionnement de quelques individus. Il n’en est rien. Ce qui affaiblit l’opposition politique au Gabon est le manque de visions stratégiques de certains hommes et femmes politiques. Trop imbus de leur personne et de leur haute éducation (nous en reviendrons dans une publication destinée à cet effet), s’enferment dans des tactiques politiques bancales. Par rapport à leurs propres ambitions, ils agissent en déconsidération tous les conseils qui peuvent les amener à remettre en cause leurs certitudes.

En 2010, nous avons usé de plusieurs conseils pour tenter de faire inscrire une certaine vision de la lutte politique en vue de consolider démocratie dans notre pays. Ces conseils n’ont jamais été examinés parce qu’ils ne s’inscrivaient pas une stratégie orchestrée par quelques individus.

Bien avant l’événement du PNUD, une certaine position politique avait été proposée pour favoriser l’alternance politique au Gabon. Nous avions entre autres proposé à une certaine personnalité politique d’importance que l’Union Nationale (UN) et l’Union du Peuple Gabonais (UPG) entrent dans une alliance de gouvernement en permettant à Pierre Mamboundou Mamboundou d’être le premier ministre de cette alliance et mettre en place des mécanisme pour propulser un des leaders de l’UN pour l’échéance de l’élection présidentielle de 2016. Cette proposition que nous avions mis des mois à confectionner a été rejetée à la faveur d’une stratégie qui devait entraîner une situation de crise politique par laquelle Ali Bongo devait, pour la sauvegarde de sa présidence, venir s’asseoir à la table de négociation discuter de sa survie politique.

Nous savions une telle stratégie vouée à l'échec. Le cadre de contestation de la légitimité politique sur laquelle elle devait prendre assise n’était pas suffisamment concret pour soutenir pareil projet. En outre, les chefs politiques devant mener une telle contestation ne disposaient pas de crédibilité élargie au vu du paysage politique construit depuis 1990. Malgré nos conseils, cette stratégie fut mise de l’avant. Le plus troublant avait été la tactique employée pour sa mise en œuvre. Elle était si inappropriée que nous avions par honte décidé unilatéralement de nous désolidariser. Nous y voyons un comportement qui aurait pour résultat d'affaiblir notre organisation. Comme de raison, nous n’avions pas totalement tort.

De la même façon, depuis trois mois nous avons dit que la stratégie qui consiste à uniquement faire le boycotte des élections législatives sans proposition d’une stratégie de capitalisation du résultat de ce boycotte ne pouvait qu’affaiblir l’opposition voir à la tuer. Pour l’occasion, nous avions fait des suggestions. Une fois de plus, nos propositions ont été ignorées. Aujourd’hui nous sommes dans l’attentisme, malgré « deux importantes déclarations».

En conclusion, disons que faire de l’opposition politique c’est s’inscrire dans le cadre politique institutionnel existant et élaborer des actions désintéressées pour faire évoluer l’organisation et le fonctionnement politique de la cité. Dans cette perspective, s’opposer c’est disposer d’un plan, d’une politique de rechange par rapport à celle des tenants du pouvoir politique. On peut être radicalement opposée à la politique du gouvernement sans pour autant agir en résistant politique. Lorsque l’on désire faire de la résistance politique, il faut disposer des moyens de la faire concrètement et les mettre en œuvre. Sinon, en parlant en opposant politique et agissant à résistant, on crée la confusion et on affaiblit l’opposition politique.

Joël Mbiamany-N’tchoreret