vendredi 30 mars 2012

Le système éducatif gabonais otage de l’autocratie politique

Tout pays progressiste a une politique éducative. Elle est la manifestation du désir du développement que se donne une société pour être en harmonie avec son environnement et atteindre les modes de vie auquel ses citoyens aspirent. De cette quête, la politique éducative ordonne un système éducatif, c’est-à-dire, un ensemble d’éléments pour l’administration, l’organisation de l’offre du service de l’éducation aux citoyens. Il a pour but fondamental d’octroyer des moyens d’acquisition des savoirs et des compétences pour l’accomplissement individuel et collectif aux fins de l’évolution et la reproduction harmonieuse de la société.

Selon Descartes, un système est un ensemble organisé d'éléments qui s'articulent à partir d'une loi. Le système éducatif, comme tout système organique, repose sur une philosophie qui fait office de loi. Lorsqu’il y a arrimage entre les raisons d’être du système éducatif et la finalité du système, l’ensemble des éléments du système s'agence pour permettre au système éducatif d'atteindre les buts visés. La philosophie éducative qui articule le système éducatif est une doctrine qui alimentera des croyances, des moyens et des méthodes établissant le fonctionnement régulier du système éducatif. L’opérationnalité de la doctrine institue donc une sorte de lien intrinsèque entre la raison d’être du système éducatif (la finalité éducative) et les moyens pour atteindre pour la réalisation de cette fin. L’adéquation entre les raisons d’être du système éducatif et la finalité de la mission éducative de l’école au regard des moyens et des procédés à mettre en œuvre est ce qui fait qu’un système éducatif est performant ou pas.

Les critiques sur l’offre du service éducatif au Gabon montrent une inadéquation entre les raisons d’être du système éducatif et la finalité de la mission éducative de l’école. Il aurait comme une irrégularité dans l'opérationnalité de la doctrine du système éducatif qui entrainerait un dysfonctionnement entre ses éléments. Il en résulte un système éducatif dérisoire.

Depuis quelque vingt ans, des tentatives de réforme aux fins d’amélioration du système éducatif gabonais ont été chantées d’un discours d’inauguration d’un gouvernement à un autre. Ces réformes n’aboutissent pas parce qu’elles ne prennent pas racine dans une mise en adéquation entre un projet de société cohérent et la conceptualisation de la mission éducative de l’école en lien avec une offre du service éducative répondant aux aspirations d’accomplissement des citoyens de même qu’aux besoins du développement du pays.

La distanciation entre l’idéal de société voulu par tous les citoyens et les ambitions politiques individuelles des gouvernants est le principal obstacle d’une réforme qui actualiserait le système éducatif gabonais. Dans la réalisation de leurs ambitions politiques, les gouvernants conçoivent des politiques éducatives qui sont loin de prendre en compte les besoins éducatif du pays. À cause de l'absence d'un projet de société conçu démocratiquement et compris par tous, le système éducatif concocté développe des logiques de fonctionnement stériles. Les problèmes et les difficultés du système éducatif sont ainsi depuis quelque vingt ans récurrents d’une année scolaire à une autre. De fait, l’école gabonaise fait du surplace quand elle ne régresse pas.

En effet, tout système éducatif est conçu dans un rapport de satisfaction entre les ambitions d’accomplissement des citoyens et les besoins du développement du pays. Ces besoins grandissent dans les projets de vie individuelle et collective qu’une société se donne démocratiquement par rapport à un projet de société à réaliser. Or aucun projet de société n’est réellement conçu démocratiquement et compris par tous les Gabonais.

Depuis 1986, la fin de la construction du chemin de fer, aucun projet de société n'a été compris par les Gabonais de sorte qu’ils ont été en mesure de concevoir un projet de développement autonome. Les Gabonais envoient leurs enfants à l’école pour devenir des fonctionnaires de l’État et occuper des fonctions politiques. Même lorsqu’ils sont formé pour occuper des emplois dans le secteur privés, les gabonais ne développement aucune créativité pour être autonomes et se prendre en main. Le système éducatif en place cherchant à développer une élite connaissant n’en fait pas des créateurs, des inventeurs. Il fabrique des attentistes connaissant.

Alors que nous serions en démocratie et que socialement nous aurions été en mesure de nous donner un projet de société et des moyens pour le réaliser en nous accomplissant, les prises du pouvoir forcées qui charpentent la vie politique gabonaise induisent l’imposition de projets de société qui ne sont que des faire-valoir d’une vision imbue du développement du Gabon et duquel développement nous nous plaçons dans l’attentisme, comme embourbés, attendant un élan qui ne viendra faute d’énergie de propulsion.

L’autoritarisme par lequel les projets politique sont présentés évacuant tout débat national sur les enjeux du développement individuel et collectif de la société gabonaise, l’éducation à mettre en œuvre est ainsi une improvisation dans l’atermoiement d’une quête de légitimité politique inespérée de certains.

Pourtant, le projet d’éducation ne saurait être une chose conçue dans la visée de la réalisation de sa propre grandeur ou de la réalisation de ses propres rêves d'une société idéale. C’est collectivement et démocratiquement que les citoyens se donnent un projet de société et duquel chacun trouve matière de sa propre réalisation.

Assurément, l’absence d’une vision de société collectivement cernée défavorise la mise en place d’une politique de l’école qui donnerait naissance à une finalité éducative efficiente et par laquelle on serait en mesure de concevoir et prédire le fonctionnement du système éducatif et de mesurer son efficacité.

Considérons effectivement que, comme la société, le système éducatif gabonais a besoin pour évoluer de sortir de l’enfermement d’une vision autocratique. Il faut démocratiser les processus de prise de décision, des actions et des moyens à mettre en œuvre pour la concrétisation des ambitions d’accomplissement individuelle et collective. Faute de cette démocratisation, il n’y a pas place à la conception d’un système d’éducation qui satisfasse les rêves de tous les Gabonais.

C’est pourtant pour rendre le système éducatif efficace qu’en Occident, après la Seconde Grande Guerre des réformes pour redéfinir la mission éducative de l’école ont été entreprise. L’inadéquation entre un système éducatif qui tardait à sortir ses pieds des traditions de la modernité et la volonté d’émulation manifestée par les citoyens qui entraient dans la postmodernité instituait un gaspillage des intelligences préjudiciable aux intérêts de l'économie nationale. Les critiques par lesquelles on inaugurerait la manifestation des libertés démocratiques et culturelles ont poussé à une ouverture pour la démocratisation de l'éducation. Il ne s’agissait pas que d’éliminer les injustices sociales de l’accès variable à l’éducation. La démocratisation du système éducatif occidental a surtout concerné une ouverture vers les populations des processus de prise de décision, la reddition des comptes en lien avec l’offre des services de l’éducation au regard des besoins tant individuels que collectifs de l’accomplissement social.

La démocratisation du système éducatif a permis, face à l’impératif de la reddition des comptes auprès des populations, l'analyse du rôle de l'école dans la reproduction sociale. Cette analyse a à son tour influencé significativement les recherches des méthodes d’administration scolaire, pédagogique et didactique les plus efficaces pour répondre aux appétits de formation des citoyens.

Au Gabon, puisque tout est politique, que le tout politique soit généralement l’affaire d’une personne et de son clan, la démocratisation du système éducatif n’est pas envisageable. De même, aucun processus sérieux d’amélioration de l’école gabonaise ne peut être songé. La muselière politique dans laquelle la société est prise n’autorisera aucun débat de qualité de la reconstruction de la mission éducative de l’école.

À la lumière du fonctionnement de la société, on ne peut que se contenter qu’un système éducatif qui ne peut être que l’à peu près pour vivre au jour le jour les mêmes problèmes, les mêmes difficultés, les mêmes dilemmes, les mêmes insuffisances.

Franchement, on n’est pas sorti du bois.

Comment comprendre que partout dans le monde, les besoins pour faire face à la concurrence mondiale obligent la formation continue jusqu’à la veille de sa retraite, au Gabonais on en arrive à interdire à ceux qui le souhaitent de continuer leurs études après la 27e année de leur naissance. Il ne s’agit pas là d’une décision que l’on prend dans un système scolaire démocratique. Il est la manifestation d’un acte propre à des régimes autocratiques. Là, l’éducation est une chose. Comment le pays peut-il avancer en confiance si tout est une affaire de pouvoir et de qui le détient? Il faut arrêter de faire la bouillabaisse. Certaines décisions se doivent d’être prises dans un débat clairement et démocratiquement mené.

En somme, comprenons que toutes les difficultés, tous les problèmes que nous connaissons sont liés à l’absence d’expression démocratique. L’éducation comme les autres domaines de notre vie collective est otage de l’autocratie et de l’autoritarisme qui le supporte. Les décisions qui concernent l’école de la République sont une affaire de quelques-uns. Ainsi dans ce monopole de « droit divin » de disposer de ce que doivent être les fins de l’éducation au Gabon, quelques intelligences qu’ils soient, a décidé de la limite de l’âge pour poursuivre des études au niveau du master.


Joël Mbiamany-N’tchoreret

dimanche 25 mars 2012

Le Gabon, un pays qui avance à reculons

Le 12 mars 1968, lorsqu’il crée le parti démocratique gabonais, le président Bongo Ondimba et ses camarades politiques innovent la politique de la Rénovation. Elle consiste à la transformation du pays dans le but de le conduire dans la modernité, en le dotant de toutes les infrastructures modernes.

Alors que rien de concret n’est fait dans la modernité du Gabon, le 11 mars 1976, huit ans seulement après rénover le Gabon, en vue de la préparation du sommet de l’Union Afrique, le président Bongo Ondimba et les partisans de son parti évoquent déjà la nécessité de rénover cette rénovation.

Le 12 mars 1986, 18 ans après le lancement de la politique de la rénovation, le pays semble entrer dans un essoufflement d’une course de fond de la modernité à peine entamée. La fin de la construction du chemin de fer ayant jeté des milliers de Gabonais dans le chômage, on y a constaté l’absence d’une politique gouvernementale d’anticipation ou de rechange alors même que tout restait à faire dans le pays : le bitumage des routes dans l’ensemble du pays n’était réalisé qu’à 5%; on y trouve des ponts à une seule voie à Ébel, N’djolé et ailleurs.

Le fléau du sida qui fait tomber des milliers des Gabonais dans les cimetières comme des mouches attirées par le miel nocif montre les limites d’un système de santé à peine éclos. L’incapacité d’innover, de créer et de s’inventer un développement cohérent montre les carences du système éducatif gabonais.

En 1996, 20 ans après le lancement de rénover la rénovation, le pays compte plus d’élèves scolarisés à l’étranger dans les études postsecondaires que le pays même. La fermeture de la Comuf et la désertion de Mounana aura fini de montrer les limites de l’intelligence économique du président Bongo et son parti.

Aujourd’hui, c’est le pont de Kango qui rend ses armes. Pour traverser le Como, il faut  reprendre le bac et les pinasses.

Plus le temps passe, plus l’évolution du Gabon se fait à reculons. Surtout, ne venez pas me dire qu’on avance en confiance… parce que là, franchement, nous reculons.

mercredi 21 mars 2012

Gabon journalists summoned over critical articles.

New York, March 20, 2012--The Committee to Protect Journalists calls on Gabon's authorities to drop legal proceedings against six journalists in connection with articles raising questions about use of a presidential plane. Two of the journalists have fled the country fearing arrest after being summoned by police for interrogation.

Beginning in the first week of March, police in the capital Libreville issued summonses to editors Guy Pierre Bitéghé of Le Mbandja, Désiré Ename of Echos du Nord, Maximin Mezui of La Une, Jean de Dieu Ndoutoume-Eyi of Edzombolo, Blaise Mengue Menna of La Nation and independent journalist Marc Ona Essangui, according to local journalists.

The summonses were based on articles raising critical questions about the use of a presidential plane by Maixent Accrombessi, chief of staff of Gabon President Ali Bongo Ondimba, for an unofficial trip to Benin in November, the journalists told CPJ. Accrombessi was briefly detained on November 11, 2011, at the international airport in the Beninese city of Cotonou following a security check, according to international news reports. Beninese independent newspaper Le Béninois Libéré reported that narcotics, sums of cash, and women were found on board the plane, attributing the information to airport and security sources, according to CPJ interviews with local journalists. In a press statement, Benin's government called the allegations "false and defamatory," and formally apologized to Gabon. Benin's state-run media regulatory agency subsequently banned Le Béninois Libéré and forbid publisher Aboubacar Takou and Editor Eric Tchakpè from practicing journalism, according to news reports.

While other Gabonese news media reported the incident and the apology by toeing the official line, the five private newspapers commented critically on the allegations, according to local journalists.

"The journalists were reporting on a matter of public interest and there is no reason for authorities to interrogate them," said CPJ Africa Advocacy Coordinator Mohamed Keita. "We call on Gabonese authorities to drop any case against these journalists."

Only two of the six journalists, Bitéghé and Essangui, reported to police, they told CPJ. During a three-hour interrogation on March 1, police demanded to know why Biteghe published a story on the allegations. Essangui, an environmental activist as well as journalist, was questioned for 45 minutes on March 13 about posting online a Beninese newspaper's article about the allegations. Ndoutoume-Eyi and Mezui ignored the summons, they told CPJ. Two other editors, Ename and Menna, fled the country, fearing arrest, according to local journalists.

None of the journalists have been formally charged. However, if State Prosecutor Sidonie Flore Ouwe were to authorize charges such as criminal defamation or contempt to the Republic, convictions would carry prison terms, according to local journalists.

CPJ Africa

dimanche 18 mars 2012

Faut-il tuer l’opposition politique classique au Gabon pour que la révolution citoyenne se fasse?

Il est commun de dire que l’effondrement des régimes arabes au Maghreb était un phénomène largement inattendu. Et cette surprise donne lieu à toutes les espérances pour parler d’une possible révolution politique dans les pays d’Afrique au sud du Sahara. Parce que dit-on, si les citoyens sont parvenus à disloquer des régimes plusieurs fois plus dictatoriaux, il n’y a aucune raison que les citoyens africains n’y parviennent pas. Toutes les allusions d’une éventuelle libération politique citoyenne sont ainsi évoquées ici et là comme de ces discours sur les prédictions d’un match de football de troisième division. Mais peut-être a-t-on moins observé les fondements des cassures politiques, dans la mesure où il peut être qualifié de révolutionnaire, sur lesquels ces renversements politiques se sont appuyés.

Il faut dire que la révolution est une cassure politique, la rupture avec un certain ordre de choses. Il faut ensuite soutenir que les partis politiques ne font jamais la révolution politique. Ils participent ou évoluent dans un ordre politique. La révolution politique est essentiellement un phénomène de la société civile et non des organisations politiques. En deuxième lieu, il faut dire que dans un pays où il existe un ordre politique d’opposition authentique, il est impossible que naisse un mouvement de révolution citoyenne.  Les revendications politiques étant canalysées, il ne peut y avoir cet étouffement qui fait sauter le bouchon par la pression populaire non contenue.

En effet, dans les pays arabes du Maghreb, les partis politiques d’opposition étaient inexistants. Les mouvements nés des libérations politiques de la fin des années quatre-vingt n’avaient pas pris racine dans ces pays. Les guerres de libération politiques, celles des contestations politiques guerrières et les guerres avec les pays voisins et également de ces guerres de civilisation entre Occidents et monde arabe avaient créé une catalepsie dans le conscient des citoyens par rapport à des pouvoirs politiques autoritairement convaincants. Les mouvements dits de printemps arabes sont pour cela, selon l’expression forgée par Habermas de « révolution de rattrapage » (nachholende Revolution) à ce qu’avaient connu les sociétés africaines pour faire naitre le multipartisme dans leur pays.

Encore que, par ailleurs, ce qu’Habermas appelle la révolution de rattrapage n'est que la description d’un état cyclique de l’existence des formes d’expression politique citoyenne. On ne peut parler de révolution comme celle de la Révolution française » (1990, p. 188-189). Le mouvement de libération politique au Maghreb n’est que des ajustements entre une vision traditionnelle du pouvoir incarné par des autorités classiques et des aspirations typiques de postmodernité de la part des citoyens.

En effet, dans la présentation même qu’en fait Habermas de cette révolution de rattrapage, il faut tout simplement y percevoir des ajustements qui conduisent à instaurer des formes d’expressions politiques : la naissance du multipartisme. Il faut donc admettre avec le philosophe allemand, comme avec beaucoup d’autres analystes, que les processus révolutionnaires au Maghreb n’est pas porteurs d’une utopie innovatrice, c’est-à-dire d’un projet fondant à la fois un ordre social et un être humain politique nouveau comme l’a été la Révolution française. Parce qu'à ne point douter, cette révolution n’entrainera pas une rupture totale, mais une réorientation pour faire émerger des cadres politiques comme ceux que nous connaissons dans l’Afrique noire francophone. Le Maroc et l’Algérie avaient déjà le multipartisme. C’est pour cela que les révolutions dites du printemps arabe n’y ont pas pris racine, et ce, malgré quelques mouvements de rue mal inspirés.

Assurément, il faut parler d’inspiration nourrie par le vide de l’expression politique face au pouvoir pour que la colère des citoyens fortifie des contestations bouleversantes de l’ordre politique établi. L’existence de l’opposition politique est pour cela un obstacle à la révolution citoyenne. Les citoyens y voient effectivement un cadre susceptible de faire éclore le changement. Lorsque cette opposition est incapable de faire renverser l’autorité politique établie, elle la renforce et annihile les prétentions des acteurs de la société civile à un changement politique radical par rapport à l’ordre politique existant. C'est ce qui est en train de voir en Egypte, en Tunisie et bientôt en Lybie.

Il faut arrêter de voir dans ce qui s’est passé dans les pays arabes du Maghreb quelque chose qui serait comme une référence d’espoir à une révolution politique au Gabon. Il faut donc arrêter de rêve debout, les yeux ouverts avec un discours flamboyant mais peu convaincant. Tant qu’une certaine opposition politique classique existera, nous devons comprendre qu’il faut initier des démarches différentes que celles de la révolution politique pour incarner les changements politiques souhaités. La seule solution pour aller de l’avant est de fédérer tous les partis politiques de l’opposition et demander aux citoyens de choisir ses leaders. Faut-il au préalable parvenir à surmonter les égos.

Joël Mbiamany-N’tchoreret

samedi 17 mars 2012

Les larmes dans la pluie

Qui peut voir les larmes
Couler dans la pluie

Quand je pleurerai
Dans la pluie tu ne le verras pas
Dans le tonnerre qui grondera,
Tu ne m’entendras pas

Ma douleur te sera invincible,
Inaudible même si je te la mimais,
Le brouillard te brouillera la vue
Ma peine, je la vivrai seul dans la pluie

Dans le crépitement 
L’eau mouillant mes vêtements
Ne sera pas celle de la pluie
Mais tu n’y verras que du feu
Parce que tu n’auras pas voulu
Éteindre la flamme en moi

Dans la pluie je me consumerai
Et des cendres tu n’en trouveras point
Emportées au large de l’océan par la pluie
Les caniveaux je connaitrai dans mon glissement

Des égouts j’y sortirai dévêtu de ta peine
De l’océan je m’évaporerai pour devenir poussière
Aspirée comme de la cocaïne j’aurai une autre vie

Je ferai couler des larmes
Je serai des larmes dans d'autre yeux
Dans la pluie de la tristesse et de la nostalgie
Mais tu n verras que du feu perdue dans le bouillard

Qui peut voir les larmes
Couler dans la pluie

vendredi 16 mars 2012

Le système éducatif gabonais : le reflet d’une absence de vision de la gestion du pays.

Selon les clips du journal de 20h de Gabon Télévision que nous avons capté hier dans le net, les étudiants de l’université Omar Bongo de Libreville auraient séquestré leur recteur et saccager le rectorat. De même, les enseignants et chercheurs auraient décrété une grève d’une semaine renouvelable. Ces grèves et révoltes seraient concomitantes à des revendications non satisfaites depuis longtemps.

L’année académique 1991, des revendications et des manifestations aux causes similaires à ceux d’hier avaient paralysé le système éducatif gabonais. Si les corrections mises en œuvre par le gouvernement avaient permis de calmer ces récriminations de façon ponctuelle, elles les ont reportés d’une année à une autre jusqu’aujourd’hui. Dans cette gestion bricolée de l’éducation depuis 20 ans, comme pour colmater des trous d’un navire qui a perdu sa fonction de navigation, la qualité de l’éducation baisse d’année en année. La gestion ponctuelle du système éducatif gabonais montre manifestement l’incompétence des gouvernants à instituer des solutions durables qui auraient pour effet de régler définitivement ce qui semble être une situation de difficultés perpétuelles.

Assurément, les difficultés de la gestion du système éducatif gabonais sont liées au manque de vision de la finalité de la mission éducative de l’école et par conséquent à une gestion planifiée du système éducatif. Le manque de finalité de l’école gabonaise en serait la principale cause. Pour bien gérer une entreprise, il faut avoir à l’esprit les buts de ce que l’on souhaite atteindre. Les autorités gabonaises ne savent pas quoi faire de l’école. Pour cela, il s’y déploie une gestion du ponctuel sans ambition pour le long terme. Pour rendre le système éducatif efficace et enrayer ses problèmes récurrents, il faut redéfinir sa mission éducative et favoriser une décentralisation qui entraînera un management plus apte à relever les défis de l’éducation d’aujourd’hui. Mais comment définir une mission éducative de l’école lorsque le type de société dans lequel nous voulons vivre n’est pas défini? Il nous semble que l’école est l’instrument de reproduction sociale fait à partir d’une finalité de la destinée collective.

En vérité, ce n'est pas une tâche facile de circonscrire les finalités éducatives. Les réalités sont toujours beaucoup plus riches et interreliées que les catégories dans lesquelles nous sommes contraints de les enfermer, sans compter que les concepts peuvent avoir des sens très différents selon les personnes qui les utilisent. Pour autant, depuis janvier 2010, on parle au Gabon d’un projet de société dit d’émergence. Nous attendons que soit défini ce que ça veut dire concrètement pour les citoyennes, les citoyens et pour les institutions pour justement voir comment cette idée d’émergence doit s’incarner dans l’école de la République.

En effet, lorsque les valeurs communes qui doivent servir de ciment à la société sont loin d'être clairement reconnues, que le développement économique paraît mal construit, fluctuant au gré des définitions de concept mal maîtrisées et prônées au détour d’un discours à un autre; que le rôle du citoyen n’est pas dit et son enrichissement ignoré dans la quête de la croissance économique; que le travail comme mode d'insertion sociale et de la distribution des richesses est négligé; que l'exclusion sociale et l’exclusion politique gagnent du terrain; que la permanence des savoirs est de plus en plus illusoire dans le milieu de la recherche universitaire, faut-il se demander à quoi l'éducation peut bien préparer. À composer avec l'incertitude et le désarroi, certes, mais encore... On est habitués à voir les réformes de l'éducation aller de pair avec les visées du changement social qui paraissait souhaitable.

Rappelons-nous que le projet de société qui s’institue à la fin des années cinquante au Gabon visait la modernisation du pays. Sur le plan de la mission éducative de l’école, le projet se voulait contributif de l'instruction d’un certain savoir. Il s’agissait de doter le pays des gens instruits pour prendre en charge les commandes de l’appareil administratif de l’État convié par le colon et des instruments de développement du pays. Aujourd'hui, une réforme de l'éducation que l'on voudrait dans le sillage d'un projet d’émergence n’est pas entamée. Par contre, si les gouvernant accepter de faire avancer l'éducation dans la confiance du brouillard, qui, soit dit en passant, est plus dense qu'il n'y paraît à première vue, ils pourraient bien se servir de la réforme de l’école comme phare à d'autres institutions sociales en panne de repères, elles également. Il faut bien commencer quelque part.

Dans cet ordre d'idées, nous partageons cette vision qui veut qu’il faille de plus en plus rendre le gestionnaire des institutions publiques imputables des décisions publiques et des actions mises en œuvre pour répondre aux besoins des citoyens. Aussi, faute d’un projet de société réellement circonscrit et mobilisateur, il faut faire du fonctionnement de l’école gabonaise une question de management efficace. Parce que quand on examine les récriminations faites ici et là, on ne peut que déplorer le peu de clairvoyance dans la gestion de l’école gabonaise. Qui est responsable de quoi, pour régler ces problèmes récurrents?

Le ministre de l’Éducation ne peut tout faire tout seul, super ministre soit-il. Il faut décentraliser la gestion de l’école gabonaise. La décentralisation des systèmes éducatifs constitue une orientation qui est le plus souvent défendue par des tenants du New Public Management dans les grandes écoles d’administration publique. Que faut-il entendre par décentralisation du système scolaire et quels sont ses avantages par rapport à situation de crise récurrente que connait le monde de l’éducation gabonais?

Selon Henry Mintzberg, in The Structuring of Organizations (1978), il existe deux ambitions dans la décentralisation des systèmes éducatifs. Chacune des formes de ces ambitions porte des buts de gestion précis. La première permet d’introduire dans la gestion scolaire des principes propres à la direction des entreprises privées où, notamment, le citoyen constitue un « client » auprès de qui l’on effectue des « offres de service ». La deuxième viserait l’idéal type d’une école communautaire publique, insérée dans le tissu social de son environnement social, l’école contribue au mieux-être collectif comme instrument de reproduction sociale. Selon ce que nous saisissons de ces deux types de décentralisation, pour le Gabon, il serait avantageux d’utiliser la première conception pour les établissements postsecondaires et l’autre pour les établissements secondaires et primaires. En réalité, ces deux types de conception entrainent des modes de modes de gestion différenciée.

La gestion publique de la plupart des pays, particulièrement des pays reposant sur l’économie de marché, est la plupart du temps un compromis dynamique entre centralisation et décentralisation. Il va sans dire que ces concepts sont au cœur même de tout projet visant une plus grande autonomie des établissements éducatifs, caractéristique majeure de bien des réformes scolaires actuellement engagées. Selon Mills, et al. (1991), les formes majeures de décentralisation se caractérisent soit par la déconcentration des pouvoirs, la délégation ou la dévolution des pouvoirs.

La déconcentration se caractérise par une décentralisation des opérations administratives. Au niveau de l’organisation des services publics, la décentralisation administrative se définit comme l’action par laquelle la gestion administrative d’un ensemble d’établissements régionaux est confiée à des agents nommés par le pouvoir central. La déconcentration ne comporte pas de transfert d’attributions du centre à la périphérie. Elle vise la facilitation l’exercice local ou régional des pouvoirs relevant de l’administration centrale. La déconcentration est par ce fait le rapprochement de l’administration centrale proche des citoyens pour assurer une prestation de services de proximité. Les unités déconcentrées ne disposent pas de postes d’autorité autonomes. Les cadres relèvent directement de l’autorité de tutelle.

La délégation ou décentralisation fonctionnelle consiste à confier certaines fonctions à des organismes périphériques dont l’autonomie est un peu plus grande que celle des unités déconcentrées. L’organisme bénéficiant de la décentralisation fonctionnelle ne fait pas partie du « centre » ou, encore, il peut avoir des rapports plus ou moins distants avec ce dernier. De fait, la délégation permet une certaine capacité de gestion parce qu’il y a transfert de compétences et de responsabilités. Toutefois, la capacité de l’organisme bénéficiant d’une délégation est dépendante de ses sources de financement autonomes et de sa latitude à pouvoir nommer ses dirigeants. Par ailleurs, tout ce qui est délégué par une autorité supérieure peut être rappelé et cette dernière peut exercer des interventions en parallèle avec la délégation effectuée.

Au-delà de la privatisation, la forme la plus poussée de décentralisation est la « dévolution ». Elle consiste en la remise à d’autres organismes à caractère public ou privé des responsabilités et des services qui pourraient être assumés par le gouvernement. Il s’agit d’une forme de décentralisation politique parce que, en plus d’une autonomie de gestion comme dans le cas de la délégation, elle accorde une relative autonomie de gouverne. Les instances dévolues disposent généralement de compétences propres, de sources de financement originales et de postes forts d’autorité.

À certains égards, le gouvernement doit décentraliser les mécanismes et les pouvoirs de gestion de l’université et des grandes écoles. Cette décentralisation doit être une dévolution des pouvoirs pour donner à ces institutions une autonomie réelle. Ces institutions seront administrées par des Conseils d’administration qui auront entre autres le droit de nommer le recteur et les directeurs des écoles et voir à leur administration matérielle et financière.

De la même façon, le gouvernement doit décentraliser dans les régions tous les pouvoirs administratifs de la gestion des écoles primaires et secondaires. Cette décentralisation doit entraîner la création des organismes régionaux de l’éducation : les conseils scolaires. Ils seront des organismes publics bénéficiant d’une certaine dévolution. Ils seront sous la direction d’un conseil d’administration constitué de citoyens élus au suffrage universel.

De ce fait, le ministère de l’Éducation n’ayant aucune école, la presque totalité du personnel de l’éducation ne sera pas constituée de « fonctionnaires », plus exactement ce ne sont pas des personnes sous contrat avec le ministère, mais bien avec les conseils scolaires. Toutefois, comme les Conseils scolaires sont subventionnées à plus de 70 % par le ministère, ils auront à respecter des politiques, des règlements et des conventions très développés notamment au regard de la gestion du personnel, mais aussi des programmes d’études, du matériel pédagogique, de la gestion budgétaire et des équipements, etc. De ce fait également, les conseils scolaires constitueront donc un modèle hybride gestion entre la dévolution et la délégation.

À l’égard des différentes formes de décentralisation, il est fréquemment signalé qu’aucun processus de décentralisation ne peut être viable s’il ne s’accompagne pas d’une capacité de l’entité décentralisée à avoir accès à diverses sources de financement ou, pour le moins, d’une latitude réelle dans l’utilisation des ressources octroyées. Certes, le gouvernement central peut financer par des transferts une partie – même substantielle – des opérations, mais l’organisme doit disposer de revenus autres provenant, par exemple, pour ce qui est de l’université et des grandes écoles, des frais de scolarités et des activités connexes. Pour cela, le gouvernement doit instituer un programme d’aide financière fondé sur le modèle des prêts et des bourses en fonction des résultats scolaires de chaque étudiant. À priori, chaque étudiant aura droit à un prêt pour financer ses études et à une bourse pour subvenir à ses besoins d’existence en tant qu’étudiant. À la fin de ses études, l’étudiant aura à rembourser les emprunts faits auprès du gouvernement selon certaines conditions.

Le programme de prêt et de bourse éviteront les grèves répétitives, assureront une plus grande autonomie de l’étudiant au regard de la gestion de ses études et réduire significativement les dépenses de l’État tout en permettant une meilleure accessibilité aux études postsecondaires, de même qu'une gestion plus efficace de l'université et grandes écoles.

De l’autre côté, les conseils scolaires pourraient en plus du financement du ministère de l’Éducation à 50%, bénéficier des taxes locales, de contributions régionales, de frais perçus auprès des usagers des services, de ventes de produits, etc. Cela réduira les dépenses de l’État en matière d’éducation primaire et secondaire. Surtout, d’éliminer le tournis de grèves répétitives.

En conclusion, les problèmes récurrents de revendications, de grèves et autres manifestations qui provoquent le dysfonctionnement du système éducatif proviennent de la centralisation du système éducatif. Le gouvernement central ne peut pas toujours agir efficacement compte tenu des exigences financières et de la lourdeur administrative. Il faut décentraliser pour permettre un management du système éducatif plus adapté aux besoins des citoyens et ainsi relaver les défis contemporains de l’éducation. Cette décentralisation rendra les gestionnaires redevables de leurs décisions et de leurs actions. Ce qui n’est pas le cas en ce moment. Parce que justement, les décisions mises en œuvre ne sont pas de leur fait. Également, ceux qui prennent les décisions sont tellement éloignés du terrain que la réalité qu’émet le terrain leur est étrangère. De ce fait, le système scolaire nage dans un brouillard opaque. Nous estimons néanmoins que pour parvenir à un management efficace de l’éducation, un effort de clarification des finalités éducatives s'impose.

Joel Mbiamany-N'tchoreret