dimanche 25 novembre 2012

La sagesse de la pratique du doute cartésien

Quand on rêve, on est convaincu d’être dans la réalité, jusqu’à ce qu’on réalise qu’on était dans un rêve. Par soulagement on se dit, heureusement que ce n’était qu’un rêve. Et là, comme pour tirer un enseignement, on en vient à faire de ce rêve un outil pour agir au mieux. Comme avec l’effet du rêve, les gens sages savent qu’il faut généralement pratiquer le doute lorsqu’on tente d’entrer dans une action dont l’échec est un facteur de reculade dans la lutte menée.

En effet, douter n’est pas scepticisme. Le doute est une transformation de son questionnement en expérience pour mieux appréhender la chose sur laquelle on souhaite agir. Ainsi, douter n’est pas refuser la réalité tangible. Il n’est qu’incertitude provisoire et partielle pour rouver une certitude entière et irrécusable pour que l’action à mener aboutisse aux finalités visées, en faisant en sorte qu’aucun accident du hasard ne vienne intervenir sur ce que l’on souhaite voir réaliser. Parce qu’il faut se souvenir que lorsqu’on est plongé dans la pension de son engagement, on en vient, avec la certitude des gens qui se laissent dominer par leur propre empire, à cette vérité de l’orgueil et de la prétention démesurée, à éluder des déterminants importants de la réalité à façonner.

Or nous savons que les sens nous trompent parfois. Les illusions d'optique dont nous sommes souvent victimes de l’abus de nos sens sur la perception des choses. Il faut donc considérer comme faux et illusoire tout ce que les sens me fournissent selon ce que nous avons vu précédemment.

Le principe est aussi facile à comprendre que difficile à admettre, car comment saurions-nous alors que le monde existe? En toute rigueur, nous devons temporairement considérer tout cela comme faux. À ceux qui prétendent que cette attitude est pure folie, Descartes pose l'argument du rêve que nous faisons au début de notre propos. Pendant que nous rêvons, estime Descartes, nous sommes persuadés que ce que nous voyons et sentons est vrai et réel, et pourtant ce n'est qu'illusion. Le sentiment que nous avons pendant la veille que tout ce qui m'entoure est vrai et réel n'est donc pas une preuve suffisante de la réalité du monde, puisque ce sentiment est tout aussi fort durant nos rêves. Par conséquent, si je cherche la vérité: « feindre que toutes les choses qui ne m’étaient jamais entrées en l'esprit n’étaient non plus vraies que l'illusion des songes » est une pratique du doute qui n'interdit pas agir, mais à examiner l’ensemble des facteurs qui composent la réalité dans laquelle nous devons agir. C’est agir avec sagesse. Voilà, chers amis, lorsqu’on veut aller loi dans l’expression de sa pensée, il est toujours bon, dans le processus de la naissance de cette pensée de considérer la probabilité qu’une autre vérité que celle que l’on construit selon ses propres passions soit possible. À cet égard, faut-il qu’en toute action subsiste un doute raisonnable; faut-il donc démissionner devant la poursuite de ses propres intérêts lorsque l’on prétend mener une action au nom du peuple. Parce que dominer par son empire on dira agir au nom du peuple, mais en menant par soi-même sa propre quête.

Je me comprends, c’est ce qui compte dans ce monologue.

JMN

mardi 20 novembre 2012

De la lutte politique en question : autopsie des craintes des uns à l’égard des autres.

La conduite de la lutte politique, pour le triomphe de l’exercice de la souveraineté des peuples dans la constitution de leur gouvernement, a constitué historiquement une querelle entre partisans de cette lutte. Pourtant, il n’y a pas une seule façon de provoquer les bouleversements politiques. Certains sont légitimés de croire au recours des moyens de désobéissance civile qui provoqueraient des blocages obligeant à des discussions nationales en vue de présider aux changements institutionnels souhaités ; d’autres sont tout aussi légitimés de croire  à l’action insurrectionnelle qui, favorisant un vide institutionnel, obligerait la tenue d’une Constituante pour reconstruire le cadre institutionnel de l’État détruit.

Georges Sorel, défenseur de la première orientation, affirmait que la grève générale sur une longue période était suffisante pour renverser le pouvoir. Rosa Luxembourg, au contraire, prétendait que ce moyen est inefficace s’il n’intègre pas une stratégie politique globale par rapport à l’ensemble des composantes de la société. Albert Schultz, soutenant la perspective de Rosa Luxembourg, fit valoir, à cet égard, que toute révolution non fondée sur un projet de société conçu par l’ensemble des leaders engagés de la lutte politique conduit inévitablement soit à l’échec ou au triomphe des maux encore plus ravageurs que ceux combattus dans cette lutte.

Subséquemment, de peur d’une victoire amère, des leaders prudents préfèrent baisser leur étendard, parfois accepter le statu quo au détriment du changement à tout prix. De la même façon, plusieurs leaders, en l’absence d’une stratégie trouvée cohérente, préfèrent s’abstenir de s’engager dans une lutte vouée en apparence à l’échec.

Albert Schultz nous enseigne par conséquent que la force de l’opposition contre un régime politique dictatorial est fonction de la cohérence dans les finalités des bouleversements politiques convoités. Pour juger de la qualité de la lutte et du caractère potentiellement mobilisateur, faut-il évaluer la vertu de l’objet du combat de tous dans cette lutte. Dès lors que les fins de la lutte sont partagées et que les leaders sont probes dans leur lutte politique, toutes les chances du triomphe de la lutte politique sont réunies, peu importe les moyens qui soutiennent cette lutte ou les voies empruntées.

Au regard de ce qui précède, la faiblesse de la lutte politique gabonaise et de son caractère démobilisateur provient du manque de confiance et de considération des acteurs de l'opposition entre eux dans cette lutte. Il en résulte une impossibilité de construire une finalité objective de la lutte politique à mener. Chacun se croyant investi d’une colère honnête, pour évincer les tenants du pouvoir, décide avec qui il faut travailler et avec qui il ne le faut pas.

De cette exclusion, de la même façon qu’on note une appropriation de l’État pour des fins politiques privées, on note une appropriation de la lutte politique contre la dictature pour le triomphe des intérêts politiques personnels. De fait, bien que la lutte politique à faire soit prononcée au nom du peuple, elle n’est pas menée avec le peuple. Voilà la cause qui fait que depuis plus de 50 ans la plupart des peuples d’Afrique francophone ne sont pas parvenus à renverser les régimes qui les oppriment.

Voilà aussi pourquoi, lorsque nous avons été amenés à contribuer aux discussions sur la façon de faire triompher la liberté politique et la souveraineté du peuple dans la gouvernance du Gabon, nous avons proposé la tenue de la Conférence nationale souveraine. Dans notre esprit, elle était un moyen pour que le peuple soit tenu acteur et non-spectateur de son propre destin. Étant au centre de l’objet du débat politique, à travers les représentants qu’il aura désignés pour la circonstance, il aurait été la source et la cause du débat. D’où par ailleurs le caractère souverain que nous invoquions pour cette Conférence nationale. Aussi, fallait-il partir de ce que les citoyens vivent au quotidien pour asseoir ce qui devait se faire et comment cela devait se faire.

Trois volets avaient donc été identifiés : le volet économique pour le développement du pays dans la quête de l’enrichissement des citoyens, le volet socioculturel pour la construction des valeurs sociales et culturelles nécessaire à l’épanouissement et à l’appartenance à la Nation et le volet politique pour la reconfiguration de l’organisation et le fonctionnement politique de l’État.

Pour embarquer l’ensemble des citoyens au débat, le volet économique et social devait surpasser le volet politique, même si par ailleurs nous savions très bien que sans le renversement du régime en place, aucun changement politique notable ne peut se faire dans le pays. De cela, justement, il fallait amener l’ensemble du peuple, embarqué dans le débat, à réaliser les causes fondamentales du blocage dans la quête de sa bonne gouvernance et par conséquent, le guider par des leaders objectifs, à en venir à obliger le changement politique souhaité.

Malheureusement, sous-estimant la volonté de privatisation de la stratégie politique par quelques-uns, certains propos conduisirent à faire croire à une lutte politique privée de l’objet de la CNS. D’où cette opposition qui fut faite sur l’idée de la CNS et pour laquelle nous fûmes contraints de nous rendre au Gabon pour faire la médiation entre les acteurs politiques gabonais de l’opposition.

Également, par rapport à cette apparence d’appropriation de l’objet de la CNS, le pouvoir établi s’est trouvé justifier de refuser sa tenue. Les discours qui ont précédé le refus du pouvoir établi, sans remettre en question une certaine façon de faire et recadrer l’objet de la CNS par rapport au premier volet, ils ont perpétué des débats et des actions qui confortent, là encore en apparence, la perception de la propriété privée de la CNS aux fins politiques de certains.

Comme nous l’avions suggéré et cela fut par ailleurs débattu entre les leaders des partis politiques de l’opposition, il y fallut tenir une tournée nationale de toute l’opposition dans l’ensemble du pays pour édifier le peuple sur les motifs de la tenue de la CNS et l’entrainer à épouser le projet et à se l’approprier. Au lieu de cela, nous avons assisté à des disputes de clocher, chaque parti ou groupe de parti politique faisant valoir son propre agenda, ses propres intérêts. Il en résulte une dissonance par laquelle les uns exclurent les autres.

En somme, pour terminer notre propos, la faiblesse de notre lutte pour les changements politiques au Gabon est due à la carence d’une direction probe et objective pour coordonner ou ordonner les luttes politiques à mener. Il en résulte une impossibilité du triomphe des idéaux dont nous sommes porteurs. Certains n’ont effectivement pas compris que tout objet qui entraîne à la lutte politique n’est pas nécessairement, aux yeux de toutes et de tous, objet de vertu politique, chacun faisant manifester sa propre ambition politique.

Pour cela, les comportements et les dires de quelques-uns au nom du peuple en excluant certains ne peuvent qu’entraîner nos critiques, surtout lorsque ces mêmes personnes font de la fierté de leur ethnie le cadre de leurs revendications politiques. Plusieurs compatriotes déplorent nos critiques disant qu’elles affaiblissent la lutte politique que nous menons. Mais en même temps, ils ne prennent aucune précaution qui favoriserait la cohérence des discours et la concorde entre les leaders de cette même lutte politique. Bien au contraire, ils font dans le clanisme politique qui instaure l’inceste politique et sème le doute sur les trépignements politiques montés ici et là. On n’est pas sorti de l’auberge. Pauvre Gabon !

JMN

dimanche 18 novembre 2012

Les paroles de Jésus dans la quête de l’espérance

Les paroles de Jésus dans la quête de l’espérance portent sur deux réalités : les facteurs annonciateurs du monde nouveau et la venue de ce monde nouveau.

Jésus lui-même va accomplir les textes de l’Ancien Testament à la fin des temps et les disciples ne doivent pas se soucier de l’heure précise du retour de Jésus. Quand nous lisons le verset 26, nous savons que Jésus est l’être céleste qui viendra dans la puissance et la gloire.


Comme le Fils de l’Homme de Daniel, le Jésus de Marc reviendra et rassemblera ses élus « des quatre coins du monde, de l’extrémité de la terre à l’extrémité du ciel » (Marc 13,27). Jésus ne faisait pas miroiter à ses disciples un avenir étincelant. Il parlait de l’époque que vivaient les premiers lecteurs de Marc et, en vérité, de celle que nous vivons nous-mêmes. Jésus prévoyait des guerres, des tremblements de terre, des famines, où il voyait « le début des douleurs de l’enfantement » : les événements prophétisés annoncent l’avènement douloureux d’un temps nouveau, qui advient même si les forces des temps anciens luttent pour en empêcher l’avènement.

Jésus décrit aux gens de son temps des choses qui toutes éveilleraient la peur chez nos contemporains : guerres, persécution, catastrophes, scandales, populations réduites à la misère. Jésus utilise ces prédictions de détresse pour fonder l’espérance. Nous sommes invités à fixer notre regard sur lui!

Ces paroles de Jésus (versets 29-31) me réconfortent particulièrement : « Lorsque vous verrez arriver cela, sachez que le Fils de l’homme est proche, à votre porte. Amen, je vous le dis : cette génération ne passera pas avant que tout cela n’arrive. Le ciel et la terre passeront, mes paroles ne passeront pas. »

L’épreuve eschatologique

L’épreuve eschatologique prendra différentes formes. D’abord, il y aura les trahisons. Comme Jésus qui a été trahi et livré aux mains des pécheurs pour être mis à l’épreuve, ainsi les lecteurs de Marc seront trahis ou livrés aux conseils, frappés dans les synagogues et appelés à témoigner devant les gouverneurs et les rois. Ils seront « trahis » et « livrés » à la mort non seulement par leurs ennemis mais aussi par leurs parents et enfants, leur propre chair!

Deuxième forme de l’épreuve : des faux christs et des faux prophètes feront leur apparition, pour détourner les gens du droit chemin. Ces trompeurs promettront la délivrance et feront des signes et des merveilles pour amener les gens à renoncer à leur foi en Jésus.

Enfin viendront des épreuves ou des tentations même pour ceux qui jouissent d’une paix et d’une stabilité relative. Jésus parle de cette sorte d’épreuve dans la dernière parabole du chapitre 13 : un homme part en voyage et charge ses serviteurs « de veiller et de rester vigilants ». La parabole suggère que les lecteurs de Marc risquent de manquer à leur devoir de vigilance. Ils sont menacés par « les soucis du monde et l’appât des richesses » (Matthieu 13,22), dont Jésus a dit ailleurs qu’ils peuvent étouffer la semence avant qu’elle n’arrive à maturité.

L’ Évangile de Marc nous enseigne que tous ceux qui suivent Jésus seront mis à l’épreuve. Ils le seront par de grands fléaux ou par de puissants séducteurs qui feront des prodiges pour les attirer. Ils le seront dans leur quotidien et dans leurs désirs charnels. Quelle que soit la forme de l’épreuve à laquelle nous devrons faire face, Marc nous dit qu’il nous faut rester vigilants et prier, car si notre esprit et notre cœur sont divisés, nous échouerons et nous ne serons pas prêts à accueillir le maître quand il reviendra.

Nous serons mis à l’épreuve mais nous n’avons pas à craindre car Jésus a changé à jamais le contexte de ces épreuves. En supportant l’épreuve à laquelle il fut soumis, Jésus s’est offert lui-même en parfait sacrifice à Dieu, rendant caduc du même coup le culte rendu dans le temple de Jérusalem. À compter de maintenant et pour toujours, les offrandes appropriées seront les prières offertes par l’assemblée des croyants plutôt que les sacrifices faits au temple. L’offrande que Jésus a faite de lui-même a été acceptée par Dieu en expiation pour le péché du monde. Ceux qui suivent Jésus ont donc été « rachetés » de la colère et du châtiment du Dieu juste. Ils peuvent avoir confiance : ils sont destinés au salut.

La communauté de ceux qui prient

Marc souligne qu’à la suite de la destruction du Temple, la communauté des priants sera la « maison de prière pour toutes les nations », le nouveau Temple sera élevé par Jésus. La prière obstinée est la marque de cette nouvelle communauté, le Temple fait de pierres vivantes. Mais comment Marc et ses lecteurs comprenaient-ils cette notion de « prière obstinée »?

Comment chacun faisait-il pour prier de cette manière et quelles furent les conséquences de cette prière dans la vie quotidienne? Jésus a promis que la prière fidèle sera exaucée, mais à une condition : ceux qui prient ne doivent pas entretenir de doute dans leur cœur.

Dans la nuit et l’angoisse de Gethsémani, Jésus demande sincèrement à Dieu de lui épargner l’agonie imminente, et il est pleinement convaincu que Dieu peut le faire. Mais au même moment, il se soumet à la volonté de Dieu son Père. La patience de Jésus, sa détermination, son renoncement à son propre projet en faveur du projet de Dieu sur lui le font triompher dans le jardin au pied du Mont des Oliviers. Pour Marc, cette prière de Gethsémani est le modèle de la prière du « disciple mis à l’épreuve ».

Mis à l’épreuve

Quels sont les cataclysmes qui secouent le monde d’aujourd’hui? Comment sommes nous mis à l’épreuve au quotidien? Les expériences de rejet, de souffrance, de mort ou de perte, de privation et de vide nous conduisent-elles à abandonner le monde de la vie que nous avions accueilli dans la joie? Nos soucis d’argent, de réussite au travail ou à l’école, de santé, de dépendance, de sécurité d’emploi, de statut, de reconnaissance, de famille et de relations sont-ils en train d’étouffer la Parole de Dieu implantée dans nos cœurs? Sommes-nous accrochés à nos passions, comme la colère, le deuil ou la convoitise, qui nous empêchent de suivre Jésus? Y a-t-il encore de la joie dans notre vie?

La Bonne Nouvelle de l’Évangile de Marc, c’est que nous n’avons pas à faire ce que Jésus a fait en ne comptant que sur la force de notre propre volonté. Nous n’avons pas à affronter d’épreuves sataniques sans l’aide de la puissance divine. Jésus de Nazareth a changé notre situation à jamais. Marc annonce la Bonne Nouvelle en évoquant le pouvoir que la prière donne aux croyants. La communauté chrétienne a le pouvoir de s’engager dans une prière obstinée que ne pourront stopper ni la peur, ni la peine, ni la persécution ni les puissances trompeuses à l’œuvre dans le monde. Jésus a expié le péché du monde et terrassé les puissances qui cherchaient à séparer les hommes de Dieu. Par conséquent, tout est possible lorsque nous allons à Dieu par la prière.

Une perspective d’ensemble

Face aux revers, aux pertes et aux tragédies de la vie quotidienne, n’oublions jamais la perspective à long terme de l’histoire du salut. En tant que chrétiens, nous sommes invités chaque jour à réagir à la dialectique des ténèbres et de la lumière, dans laquelle s’enferre notre époque. L’anxiété collective peut facilement tourner à l’hystérie de masse dès que survient la moindre crise.

C’est pourquoi il est si important d’être ancrés fermement dans la Parole de Dieu, d’y puiser la vie et d’en vivre. Ainsi se réaliseront dans notre quotidien les paroles du prophète Daniel (12,1-3) : « Les sages brilleront comme la splendeur du firmament, et ceux qui sont des maîtres de justice pour la multitude resplendiront comme les étoiles dans les siècles des siècles. »

mardi 13 novembre 2012

Meeting raté de l’UN : Tous coupables et responsables !

Le public, venu nombreux comme d’habitude, assister au meeting de l’Union Nationale (UN), le 10 novembre dernier, en est parti frustré, abattu par une immense déception mais, paradoxalement, plus déterminé que jamais à « dégager Ali Bongo et sa légion étrangère ». Passé le temps de la réaction épidermique, des invectives et des accusations plus ou moins justifiées, il nous faut maintenant procéder à une analyse froide de la situation.

La rencontre de samedi dernier a été un échec. C’est incontestable. Pour nombre de cadres, militants et sympathisants de l’Union Nationale, les responsables de ce fiasco sont Zacharie Myboto (Président) et Jean Eyeghé-Ndong (Vice-président). C’est vrai. Mais en partie seulement, car avec le recul, on se rend compte que tous, militants, dirigeants et sympathisants portent peu ou prou la responsabilité de la déconvenue du 10 novembre après-midi.

Certes, Zacharie Myboto et Eyeghé-Ndong ont tenu un discours totalement en décalage avec les attentes du public. C’est vrai que les allocutions des dirigeants de l’union Nationale étaient d’une vacuité affligeante. Par exemple, Myboto n’a pas fait la moindre allusion à l’ultimatum qu’il avait lui-même lancé, au nom du peuple gabonais, à Ali Bongo. Pas plus qu’il n’a présenté la panoplie d’actions de résistance, de désobéissance ou de défiance à opposer au régime établi.

Pour autant, faut-il voir dans cette « panne d’initiatives », le signe que le directoire de l’Union Nationale a été acheté par Ali Bongo ? Les pédégistes infiltrés dans la manifestation ont tenté de le faire croire aux vrais militants de l’opposition. Janvier Abaga Essono et quelques autres énergumènes à la solde de Boukoubi ont vainement essayé d’intoxiquer la foule en prétendant que Zacharie Myboto avait été reçu à la Sablière par Ali Bongo. Mais cette machination du beau-frère de Mboumbou-Miyakou n’a pas prospéré : Myboto et Eyeghé-Ndong étant connus comme des hommes politiques dont l’engagement, la constance et la détermination ne peuvent souffrir de la moindre suspicion. Ce que l’on peut, en revanche, leur reprocher, c’est d’avoir, comme des gamins, cédé au chantage sournois des ambassadeurs français et américain.

En effet, à la veille du meeting, ils ont rencontré Jean-François Desmazières, l’ambassadeur de France, et son inénarrable collègue américain Eric Benjaminson. Reprenant à leur compte les inepties débitées par le PDG/Bongo via des médias aux ordres, les deux diplomates ont accusé sans preuve l’Union Nationale d’être « un parti violent ». Cela a sans doute contribué à parasiter la réflexion des responsables du parti qui voulaient à tout prix soigner l'image de leur formation politique.

Ainsi, tous ceux qui étaient partis des quatre coins de la capitale pour entendre clairement de la bouche de Zacharie Myboto les mots d'ordre en vue de contraindre Ali Bongo à quitter le pouvoir en ont été pour leurs frais. Et pourtant, il aurait juste suffi de quelques phrases offensives et d’une première action ouvrant le cycle de ce que le numéro un de l'UN a appelé « des actes démocratiques non violents permettant d'atteindre les objectifs fixés ». Une marche et un sit-in auraient, par exemple, permis d’apaiser les ardeurs d'une foule qui n'en peut plus de subir la dictature d'une famille de prédateurs qui trônent au sommet de l'Etat depuis 45 ans.

Selon des informations dignes de foi, ces actions figuraient bien au programme de la journée, et d’autres devaient se poursuivre pendant plusieurs jours et à des endroits symboliques. Mais les dirigeants de l'UN se sont laissés abuser par les arguties d’un Benjaminson dont l’opposition avait déjà, à travers un manifeste publié le 8 février 2011, dénoncé « le mépris, l’hostilité à l’égard des opposants, contrairement à l’ouverture d’esprit, à la courtoisie et à la grande responsabilité de son prédécesseur SE Mme Eunice Shannone Reddick, témoin oculaire de l’élection présidentielle anticipée d’août 2009, avec qui les différents acteurs politiques ont entretenu des rapports francs et constructifs. » dans le même document, l’opposition avait révélé : « l’Ambassadeur Benjaminson n’a pas hésité à mentir à un spécialiste d’Amnesty International, en affirmant qu’il pouvait attester de la situation de la mobilisation et des arrestations qui ont eu lieu près du siège du PNUD à Libreville, puisqu’il en est voisin.

Or, la résidence de l’Ambassadeur tout comme la chancellerie américaine sont bien éloignées de ce site. Plus loin dans son propos, il se fait le colporteur d’affirmations selon lesquelles le PDG aurait pris en charge les récentes dépenses de santé de Monsieur Mba Obame qu’il décrit comme désespéré et pour lequel les Etats-Unis d’Amérique ne s’opposerait nullement à une intervention même par la force contre lui et son gouvernement par les forces armées d’Ali Bongo Ondimba. » Pour cela et pour bien d’autres choses, la diaspora gabonaise aux Etats-Unis avait écrit à Mme Clinton pour que ce suppôt du PDG/Bongo soit relevé de ses fonctions au Gabon.

Opérant sur le même registre, Jean-François Desmazières, un des derniers avatars d’un sarkozisme de triste mémoire a argumenté sur l’attachement de son pays à la non-violence. Comme s’il avait oublié que la France et les Etats-Unis avaient aidé militairement les rebellions ivoirienne et libyenne à prendre le pouvoir. A moins que les deux diplomates aient voulu faire comprendre à leurs interlocuteurs que seules la violence armée et la violence d'Etat – dont Ali Bongo s'est rendu maitre depuis 2009 – trouvent grâce à leurs yeux. C’est ce qui, alors, expliquerait leur silence face aux massacres des dizaines de Gabonais en septembre 2009 à Port-Gentil, à la destruction de milliers d'habitations de Gabonais, au vandalisme contre les médias privés, à la suspension des salaires de fonctionnaires pour des motifs politiques, aux kidnappings d’opposants et de journalistes… Sachant tout cela, Myboto et Eyeghé-Ndong auraient dû tout simplement ignorer les objections malhonnêtes de deux diplomates, amis du clan Bongo, et qui n'ont jamais caché leur hostilité envers l'opposition.

Toutefois, la naïveté et la docilité des dirigeants de l’UN vis-à-vis des chancelleries occidentales, pour critiquables qu’elles puissent être, ne sauraient exonérer les jeunes militants de leurs responsabilités. Il est étonnant, en effet, qu’après avoir harangué la foule en début de meeting, trois représentants de la jeune garde militante n’aient pas pris les choses en main à la fin de la manifestation. Comme tous les autres, ils ont rasé les murs, se contentant d’accuser les vieux de couardise. Dans une situation de crise, les plus courageux prennent les choses en main sans attendre de mot d’ordre. Sous d’autres cieux, les leaders sont souvent arrivés à la fin pour organiser l’Etat. Alors, arrêtons toutes ces chamailleries qui, en réalité, arrangent les Bongo et remettons-nous au travail pour libérer le Gabon!

Auteur: Denis-Bastien Kombila

vendredi 9 novembre 2012

Je n’étais parti que pour un temps...

La première fois que je te quittai, je crus t’oublier, pour un moment, du moins, c’est ce que je croyais.

La quête d’une formation universitaire dans la découverte d’autres univers exaltait mon cœur seulement en m’élevant au-dessus de l’aéroport Léon Mba. Alors que je foulai les pieds dans cette terre du Nord de l’Amérique, les échos de ta voix se firent entendre dans mon cœur. À peine avais-je posé mes valises, dans cet hôtel du boulevard René Levesque qui m’offrait son hospitalité, que tu mureras déjà le souvenir de tes parfums et de tes symboles dans ma tête.

Pour me consoler, la cassette piroguier de Pierre Claver Akendéngué fut introduite dans le baladeur. Ce fut comme tourner le couteau dans la plaie. La nostalgie, de toi, dans mon esprit, se fit immense. C'est fou comme j'avais envie de te toucher de mon regard, de ma voix, pour te dire amour de ma vie, amour de mon existence, je ne suis parti que pour un temps. Oui, je n’étais parti que pour un temps. Du moins, c’est ce que je crus à ce moment-là. Comment aurais-je pu envisager autre chose!

Les Gabonais de s’exilaient pas. Semblables à un boomerang, nos envolées ne formaient qu’un cercle pour revenir au point de départ. Mon voyage s’est quelque peu éternisé. Derrière moi, tu t’es consumé de l’intérieur, ce que je vus de loin et pour lequel je restai attaché n’était qu’une pâle image d’un monde d’espérance vidé de son contenu.

Dans l’essoufflement de la course tortueuse qu’on t’avait fait faire, tu as effacé les traces de mon enfance, ces traces sur lesquels j’avais construit mes rêves, ces rêves à partir desquels mon projet de voyage avait été bâti et à partir desquels, j’avais formulé mes promesses de retour. Alors que je la croyais enfouie dans le roc, le rêve que tu promettais devenir a été dévalisé par des insouciants qui ont torturé ton évolution. De la même façon, j’ai perdu mes repères.

Ils n’avaient pas compris que tu étais une plante équatoriale qui a besoin d’eau et de soleil pour donner ses plus belles fleurs. À chacune de mes visites au printemps, quand je n’aperçus pas tes belles fleurs, j’accusai les changements climatiques d’avoir différé l’éclosion de tes merveilles. Je m’aperçus que quelque dix saisons plus tard que j’accusai à tort les changements climatiques.

Ceux qui étaient censés t’apporter leur amour, pour que tu grandisses et te développes, avaient trempé tes racines dans la souille et, plaçant sur ta tête un parasoleil imperméable aux rayons essentiels à ta croissance, ils ont semé ta décroissance.

Dans l’état comateux dans lequel tu te trouves, j’ai de la difficulté à retrouver les traces de mes espérances, les traces de mes rêves pour entamer mon retour. Puisque c’est de toi que tient le souffle de ma vie, ta perdition semble commander la mienne. L’instinct de survie qui m’habite m’encourage à me battre pour toi, pour moi, pour nous.

Pour rien au monde je ne voudrais t’abandonner à ce sort. Je te jure sur ma tête que je me battrais, je ferai tout, même s'il faut que je crève...

JE T'AIME PLUS QUE TOUT GABON

Joël Mbiamany-N’tchoreret

Le temps, qui s’écoule,

Je voudrais en faire trésor;

Mais comme d’un aliment dans un pays de disette,
Il se dérobe clandestinement à la convoitise de mes yeux
Pour se perdre dans l’infinité de l’horizon céleste qui chante l’oubli;

Dans sa course promptement infinie de l’abîme des tréfonds de l’espace,
Comme l’eau de ce torrent qui descend les cascades d’un versant prononcé
Dans l’étendue du déversement violent des grandes saisons des pluies,
Son écoulement semble plus rapide que le geste de mon regard ostensible;

J’ai beau le chercher, je ne puis le trouver
J’ai beau le suivre, je ne puis le rattraper
J’ai beau sentir sa présence, je ne puis le toucher,
J’ai beau le quêter, je ne puis posséder son bien,

Je ne pourrai donc en faire trésor

Comment arriverais-je à suivre sa cadence,
Si je ne puis même entrevoir la courbe de sa silhouette,
Voir dans la vibration des ondulations son rythme endiablé,
L’élancement de son corps fuyant dans l’espace raccourci,

Et me situant par rapport à celui-ci,
Conjuguer la cadence de mes gestes à son tempo;

Comme de l’argent enfermé dans le coffre-fort d’une banque,
Il refuse à se faire posséder par ceux qui ne possèdent pas,
Il refuse d’appartenir à ceux qui ne savent pas s’organiser,

Pourtant, l’agenda de mes journées cicatrisé par les traces
D’une planification méticuleuse, montre mon obsession organisationnelle,

Ce n’est pas tellement mon organisation qui fait défaut;
Le surplus de mes activités ne peut se contenir
Dans les étagères de son armoire,

Je dois désespérément renoncer à son rythme,
Revoir mes priorités,
Pour trouver des moments de loisir,

Le temps qui s'écoule
Qui jamais ne se laisse se rattraper,
A quelque chose de fuyant,
Je ne pourrai en faire tésor
Que dans l'abandon de certaines occupations.

Joël Mbiamany-N’tchoreret

mardi 6 novembre 2012

La question politique gabonaise

Le problème politique gabonais n’est pas savoir si on aime un tel politique par rapport à tel autre politique. Il ne s’agit pas non plus de savoir si tel est né gabonais ou pas; pas plus qu’il ne s’agit de savoir si un tel a volé plus qu’un tel autre; si un tel était aux affaires avant ou après un tel autre; tout comme il importe peu de savoir en ce moment si un tel a fait quelque chose pour le pays ou si celui qui est là fait ou ne fera rien. Le pays va mal, et même très mal. Personne ne l’ignore. Ce qui nous intéresse est de savoir comment sortir le pays de sa condition actuelle. Pour cela, ce qui nous préoccupe est cette incapacité d’harmonie politique nationale favorisée par l’impossibilité de l’alternance politique et l’impuissance de rendre imputable ceux qui sont aux commandes de l’État. L’impossibilité de l’alternance et l’imputable des gouvernants sont la cause de la stagnation de notre pays et des douleurs vécues par les Gabonais. L’exigence de la tenue de la Conférence Nationale Souveraine ne vise rien d’autre que la mise en place d’un cadre institutionnel qui favorisera l’alternance politique et l’imputabilité de ceux qui gouvernent. En quoi l’alternance politique et l’imputabilité des gouvernants sont essentiels au développement du Gabon et au bien-être des Gabonais?


À paraitre demain dans notre blogue.