vendredi 9 novembre 2012

Je n’étais parti que pour un temps...

La première fois que je te quittai, je crus t’oublier, pour un moment, du moins, c’est ce que je croyais.

La quête d’une formation universitaire dans la découverte d’autres univers exaltait mon cœur seulement en m’élevant au-dessus de l’aéroport Léon Mba. Alors que je foulai les pieds dans cette terre du Nord de l’Amérique, les échos de ta voix se firent entendre dans mon cœur. À peine avais-je posé mes valises, dans cet hôtel du boulevard René Levesque qui m’offrait son hospitalité, que tu mureras déjà le souvenir de tes parfums et de tes symboles dans ma tête.

Pour me consoler, la cassette piroguier de Pierre Claver Akendéngué fut introduite dans le baladeur. Ce fut comme tourner le couteau dans la plaie. La nostalgie, de toi, dans mon esprit, se fit immense. C'est fou comme j'avais envie de te toucher de mon regard, de ma voix, pour te dire amour de ma vie, amour de mon existence, je ne suis parti que pour un temps. Oui, je n’étais parti que pour un temps. Du moins, c’est ce que je crus à ce moment-là. Comment aurais-je pu envisager autre chose!

Les Gabonais de s’exilaient pas. Semblables à un boomerang, nos envolées ne formaient qu’un cercle pour revenir au point de départ. Mon voyage s’est quelque peu éternisé. Derrière moi, tu t’es consumé de l’intérieur, ce que je vus de loin et pour lequel je restai attaché n’était qu’une pâle image d’un monde d’espérance vidé de son contenu.

Dans l’essoufflement de la course tortueuse qu’on t’avait fait faire, tu as effacé les traces de mon enfance, ces traces sur lesquels j’avais construit mes rêves, ces rêves à partir desquels mon projet de voyage avait été bâti et à partir desquels, j’avais formulé mes promesses de retour. Alors que je la croyais enfouie dans le roc, le rêve que tu promettais devenir a été dévalisé par des insouciants qui ont torturé ton évolution. De la même façon, j’ai perdu mes repères.

Ils n’avaient pas compris que tu étais une plante équatoriale qui a besoin d’eau et de soleil pour donner ses plus belles fleurs. À chacune de mes visites au printemps, quand je n’aperçus pas tes belles fleurs, j’accusai les changements climatiques d’avoir différé l’éclosion de tes merveilles. Je m’aperçus que quelque dix saisons plus tard que j’accusai à tort les changements climatiques.

Ceux qui étaient censés t’apporter leur amour, pour que tu grandisses et te développes, avaient trempé tes racines dans la souille et, plaçant sur ta tête un parasoleil imperméable aux rayons essentiels à ta croissance, ils ont semé ta décroissance.

Dans l’état comateux dans lequel tu te trouves, j’ai de la difficulté à retrouver les traces de mes espérances, les traces de mes rêves pour entamer mon retour. Puisque c’est de toi que tient le souffle de ma vie, ta perdition semble commander la mienne. L’instinct de survie qui m’habite m’encourage à me battre pour toi, pour moi, pour nous.

Pour rien au monde je ne voudrais t’abandonner à ce sort. Je te jure sur ma tête que je me battrais, je ferai tout, même s'il faut que je crève...

JE T'AIME PLUS QUE TOUT GABON

Joël Mbiamany-N’tchoreret

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