samedi 22 mai 2010

«L’émergence» d’Ali Bongo Ondimba est une idéologie totalitaire

Lorsque l'on examine la politique d'émergence dans les actes posés par le gouvernement, on ne peut que constater qu'il s'agit d'un régime totalitaire en éclosion.
Le débat sur la démocratie en Afrique a toujours généralement tourné autour des élections pluralistes et de l’authenticité de l’expression exprimée par les citoyens. Pourtant à l’origine, l’idée de l’organisation politique dans la cité qui a conduit à faire naître le concept de démocratie n’avait pas pour fondement premier la concurrence des partis politiques. Il n’y avait dans la Grèce antique (berceau de la démocratie) des partis politiques. Le premier principe qui fonda la démocratie dans la cité athénienne fut celui de la liberté d’expression du citoyen
En effet, au Ve siècle avant Jésus Christ, les cités grecques furent dominées par des guerres qui fondèrent dans chaque ville des tyrans. À l’intérieur de chacune de ces cités, l’arbitraire dont fit montre ces tyrans engendrèrent des guerres entre aristocrates. Favorisant les troubles sociaux, les conflits qui en émergèrent conduisirent le peuple à arracher le pouvoir et à instaurer une législation soustraite à l’arbitraire de l’aristocratie. Le système politique résultant, éveillant à éviter l’émergence d’autres tyrans, établit un rapport du peuple au pouvoir par un mode de participation collective par lequel le peuple choisit lui-même ses dirigeants, en fonction de leurs aptitudes à convaincre du bien-fondé des buts qu’ils poursuivaient pour l’intérêt collectif.
Pour conquérir le pouvoir, apparut le besoin de la détention des connaissances pour influer sur le peuple. C’est par l’apprentissage de la raison que ces connaissances fussent acquises. La raison se manifestant par la parole, la justesse du propos, l’éducation à la conquête démocratique du pouvoir se traduisit par l’apprentissage de la rhétorique, l'art de convaincre par l’éloquence ainsi que la dialectique, l'art de discuter, de défendre une thèse contre un adversaire.
En vue de développer ces habiletés, l’éducation du citoyen prépara aux conflits de pensée par l’acquisition de l'esprit critique. Elle se fit à travers le développement de la rationalité et de la pensée. Puisque la pensée ne put être donnée, selon les principes développés par Aristote, l’éducation citoyenne consista, pour les philosophes maîtres de la dialectique et de la rhétorique, à dialoguer avec l’élève, à le laisser exprimer ses propres idées. Car c’est par la capacité à exprimer ses idées en vue de convaincre que le citoyen exerça ses droits d’homme libre.
De fait, la liberté de l’expression fut le premier fondement du droit du citoyen apte à s’exprimer pour l’intérêt collectif dans la cité. Ainsi, même dans l’antiquité romaine, le système politique qui pris racine au Sénat mis la joute verbale comme moyen de conquérir l’assentiment des tiers assemblés.
Certes, l’épée ou le glaive amènera certains à imposer leurs vues par la force à défaut de convaincre par l’éloquence. Dépourvus, de l’habileté de l’art du dialogue dans la recherche de la vertu, et dénués de tout fondement de vérité, les tyrans émergeants confisquèrent la liberté d’expression des autres citoyens, les interdirent également de penser par eux-mêmes.
Néanmoins, au XVII et XVIIIe siècle, la révolution des idées qui condamnèrent l’obscurantisme remis la liberté individuelle au cœur du fonctionnement politique. D’ailleurs, les théories sur l’État mises de l’avant par John Locke, Thomas Hobbes, Jean-Jacques Rousseau et les autres expliquent le fondement de l’État par la préservation de la liberté individuelle. Cette préservation sera le fait de la démocratie, en ce sens que le peuple assemblé, pour promouvoir la liberté de chacun, décidera de la façon de se gouverner et de qui sera à même de défendre l’intérêt collectif ayant conduit les citoyens à entrer dans un contrat social. C’est en cela que les chefs d’États des Etats-Unis d’Amérique prêtent serment en jurant de respecter la Constitution américaine. Il s’agit en fait de préserver cette liberté acquise dans la guerre d’indépendance contre l’Empire Britannique.
Mais au-delà du sermon, la liberté dans la démocratie américaine est préservée grâce à des mécanismes enchâssés dans la Constitution. Puisque même lorsque le peuple confère volontairement sa liberté, celle-ci peut lui être confisquée.
En conséquence, les théories développées sur l’État de droit ont posé le principe de la concurrence des pouvoirs dans tout système démocratique authentique : divers pouvoirs doivent éveiller à faire la promotion de la liberté. C’est en cela également qu’outre la charte des droits et libertés, la Constitution d’un État démocratique impose le principe de la séparation des pouvoirs.
En vérité, dès lors qu’un seul individu a tous les pouvoirs, il est une menace pour la liberté d’expression. Il doit être combattu. Nul n’a en soi suffisamment de sagesse pour faire un bon usage de la liberté du peuple dès lors qu’il a tous les pouvoirs de l’État. Tout prince titulaire de tous les pouvoirs est un dictateur. Quand il exerce ces pouvoirs par une idéologie, quel que soit le nom qu’on donne à cette idéologie, il est totalitaire. Étymologiquement, le totalitarisme est système tendant à la totalité, à tout. L'expression vient du fait qu'il ne s'agit pas seulement de contrôler l'activité des hommes, comme le ferait une dictature classique : un régime totalitaire tente de s'immiscer jusque dans la sphère intime de la pensée, en imposant à tous les citoyens l'adhésion à une idéologie obligatoire, hors de laquelle ils sont considérés comme ennemis de cité.
Le totalitarisme de ce fait est un régime qui n'admettant aucune opposition organisée. C’est pour cela, qu’il tend à travers les structures de l’État à confisquer la totalité des sphères de communication des individus.
Le fonctionnement politique actuel du Gabon s’apparente à du totalitarisme. L’opposition politique n’est pas libre de présenter ses opinions; la liberté de la presse est muselée voir bafouée; la liberté d’association reconnue par la constitution est endiguée. La critique du pouvoir est vue en toute circonstance comme une action de subversion. La fébrilité du pouvoir à laisser l’éloquence de l’opposition s’exprimer conduit à la constitution de tontons macoutes aptes à prendre les bâtons pour interdire toute voix discordante, toute forme de liberté.
En somme notons que le degré de liberté des Gabonais traduit l’état d’esprit dans lequel se trouve le fonctionnement politique, la démocratie de notre pays. Aucune émergence politique ne peut éclore en l’absence de la liberté. C’est la liberté du citoyen exprimée dans ses diverses entreprises, dans ses rêves et dans ses expériences qui est à la base de toute créativité. Si le pouvoir croit à l’émergence du Gabon, il doit promouvoir la liberté : la liberté d’entreprise sans entrave, la liberté de penser sans arrière pensée, la liberté de disposer de ses biens et d’en jouir, la liberté politique, la liberté d’association, la liberté de concurrence politique pure. En fait promouvoir la liberté qui fonde le citoyenneté républicaine.
Joel Mbiamany-N’tchoreret

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