lundi 30 avril 2012

En quoi le nouveau partenariat France-Afrique peut-il mettre fin aux dictatures en Afrique francophone?

La perspective de l’élection de M. François Hollande à la présidence de la République française entraîne les universitaires et les observateurs politiques africanistes à envisager la possibilité d’un partenariat de coopération nouveau entre la France et les pays d’Afrique francophones. L’intention du candidat Hollande de soumettre à l’appréciation de l’Assemblée nationale française les accords de coopération signés entre la France et ses partenaires africains et d’exiger de ces derniers le respect des règles démocratiques augurerait une coopération qui sera bénéfique au développement politique et démocratique des pays africains francophones.

En effet, plusieurs observateurs estiment que les accords de coopérations signés entre la France et les pays issus de sa colonisation en Afrique subsaharienne ne profitent pas aux sociétés africaines. Ils entrainent l’existence des régimes politiques antidémocratiques et sont la cause du sous-développement des sociétés africaines francophones. Institués à travers des réseaux occultes, ces accords favorisent des collaborations économiques et politiques nocives. Elles engendrent, au détriment du bien-être politique et économique des populations africaines, des modes de gouvernance qui privilégient les intérêts des hommes d’affaires, des politiques français et des chefs politiques africains au pouvoir.

Pour la pérennité de ces intérêts, les pratiques découlant de ces accords de coopérations encouragent le maintien des dictatures dans les sociétés africaines. Ces dictatures agissantes en prédatrices détruisent le tissu économique et le développement politique des sociétés africaines. Aussi, en comparaison des pays issus de la colonisation anglaise, alors qu’ils étaient partis dans les années soixante avec les mêmes chances, on note dans les pays africains issus de la colonisation française un état de développement socio-économique qui est resté fiché dans le temps des indépendances et dans l’espace du développement de l’économie mondiale.

En indiquant qu’il allait soumettre les accords de coopération France-Afrique à l’appréciation démocratique des élus de l’Assemblée nationale française, le candidat François Hollande veut lever les zones d’ombres qui font en sorte que les accords de coopération favorisent l’existence des dictatures en Afrique francophone. La levée d’obscurité dans la collaboration France Afrique donnerait lieu à la transparence dans la reconnaissance de la légitimité des régimes politiques africains. Également, dans la mesure où le respect des principes démocratiques s’inscrit comme valeur cardinale de la coopération avenir entre la France et l’Afrique francophone, les universitaires et les observateurs politiques africanistes ont des raisons de croire que les jours des dictatures au pouvoir dans les sociétés africaines tirent à leur fin.

Plusieurs africanistes sont septiques. Ils estiment que la France a trop à perdre dans une démarche où elle exigerait le respect des normes démocratiques et la résurgence des régimes politiques choisis souverainement par les peuples africains. La volonté du candidat Hollande à repousser les barrières de l’obscurantisme et la maltraitance politique se heurterait aux intérêts supérieurs de l’État français de sorte qu’il est une utopie que d’envisager un tel scénario.

Pourtant, la volonté que véhicule Hollande n’est pas loin de celle manifestée par les abolitionnistes de l’esclavage en Afrique et dans les Antilles au XVIIIe siècle. Là aussi, les sceptiques avaient évoqué les intérêts supérieurs de la France pour s’opposer à la fin de l’esclavage et à y justifier son infaisabilité.

C’est effectivement à partir d’une intention que l'abolition de l'esclavage a été proclamée une première fois en France pendant la Révolution, à l'initiative de l'abbé Henri Grégoire le 4 février 1794. Malgré l'opposition des planteurs ou de la bourgeoisie de commerce des ports qui avaient démontré que la libération des esclaves ruinerait les colonies françaises, l’intention d’abolir l’esclavage avait mué en acte concret. En faisant valoir un des grands principes de la Révolution française que « les hommes naissent et demeurent libres et égaux en droits », les abolitionnistes de l’esclavage ont matérialisé leur volonté en entrainant le 27 avril 1848 une proclamation pour interdire l'esclavage en France. En faisant entériner en préambule les principes démocratiques observables et mesurables de tout accord de coopération, l’intention de M. Hollante deviendrait un acte concret.

Il ne fait aucun doute que certains comportements se sont enracinés dans les pratiques politiques et économiques entre la France et l’Afrique. Ils apparaissent comme allant de soi dans le cadre de la politique française en Afrique. Encore que dans la mesure où ces pratiques de coopération obscures entraînent des avantages considérables à certains Français détenteurs d’une influence considérable, l’éradication de ces pratiques est vue impossible. Néanmoins, puisque ces pratiques appauvrissent les sociétés africaines, ne profitent pas nécessaire à l’ensemble de la société française, il n’y a pas de raison de les maintenir et de croire à l’impossibilité de leur déracinement. Ces pratiques sont contre la moralité universelle. Elles ne peuvent trouver justification dans une société juste et démocratique, si les politiques au pouvoir en France en manifestent la volonté de les éradiquer.

Pourtant, si la volonté de M. Hollande est manifeste, elle ne saurait aboutir à ses fins sans les appuis nécessaires. Les forces en vue du maintien des sociétés africaines sous les dictatures sont encore plus manifestes que la seule volonté de M. Hollande. Il faut donc, pour l’ère politique qui s’annonce en France, que les Africains en France et en Afrique se mobilisent comme une seule personne pour faire en sorte que l’intention de M. Hollande se matérialiste en acte concret.

Joël Mbiamany-N’tchoreret

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