dimanche 28 octobre 2012

L’apologie de l’anti-dogmatisme politique.

Après la chute de l’Empire romain, le christianisme a imposé l’entendement de l’homme comme devant s’incarner dans les voies du pouvoir divin, particulièrement dans les voix de ses représentants sur terrain. Mises entre Dieu et les Hommes, étant dès lors les tutélaires de la croyance divine et, seules capables de conduire à la damnation ou au sauvetage des âmes, ces voix ont inscrit l’obéissance aux représentants de Dieu comme le seul fondement de la connaissance humaine.

Il en a résulté un dogmatisme. Lequel dogmatisme a mis certaines affirmations, avec l’interdiction de tout scepticisme, comme des vérités fondamentales, incontestables et intangibles. L'homme a dès lors été conduit à voir le monde à travers des certitudes, des vérités faites par d’autres et à y assujettir la conduite de son comportement.

L’esprit critique que lance le protestantisme dès la fin du 15e siècle, notamment ce refus de la croyance de la relation à Dieu comme devant s’assujettir à l’interprétation des tiers et de vouer à ceux-ci tout rapport leur existence à Dieu, inaugure l’ère du débat critique entre Dieu et sa propre existence. Descartes le tranche en dictant ordonnance de son jugement à tous le verdict : je pense donc je suis.

Les philosophes postérieurs à Descartes, notamment les empiristes, en faisant doctrine et jurisprudence du verdict de Descartes montreront que l’existence de la personne humaine se détermine à partir de la construction qu’il fait dans sa tête entre lui et son rapport au monde. Il n’y a donc pas une prédétermination de l’être, par laquelle, comme un automate, il répondrait à des commandes pour guider sa conduite.

Il y aurait une conscience humaine à laquelle Kant fera appelle pour instituer son scepticisme en vue de poser la thèse mécaniste d’une certitude absolue à l'égard des réalités objectives. Il posera que les réalités ne sont pas le fruit de la seule pensée des choses, mais d’une science de la raison de l’état des choses. Celles-ci ont une existence qui répond à des lois accessibles par une connaissance, celle de la raison. Nous sommes et nous savons des choses parce que nous pouvons faire usage de la raison, nous dira Kant.

Ainsi, la grande innovation du Siècle des Lumières sera d’opposer à l’obscurantisme religieux la raison comme le seul fondement de l’existence humaine. Elle seule permet de s’instituer et de se situer par rapport aux choses de l’humanité.

Seulement voilà, tout en libérant l’individu du dogmatisme religieux pour circonscrire ce qui commande l’existence humaine, les philosophes des Lumières vont nous plonger dans un autre dogmatisme : celui de la raison de la science de la modernité.

Il n’existe qu’une seule raison, de fait, il n’existe qu’une seule connaissance, une seule science, une seule culture et donc une seule liberté. De cela, les goûts et les couleurs ne doivent être discutés, car pour appartenir au monde, il faut , par l’unique raison, suivre une certaine conduite.

Ainsi, alors que nous nous serions crus débarrassés par la porte avant du dogmatisme religieux, elle nous reviendra par la porte arrière de la vertu et de la morale dire notre rapport au monde.

En vérité, en posant la vertu et la morale comme ce qui doit commander la conduite de l’homme sortie des mains de la nature, donc de Dieu, la raison humaine du bien et du mal vouera un conservatisme des valeurs précritiques. Saint Thomas d’Aquin, voyant le droit naturel comme le seul fondement de toute conduite posera, par le droit canon dont il sera le précurseur théorique le plus crédible, ce qui doit guider les lois humaines et par ricochet le comportement des individus dans leur rapport au monde.

En gardant au centre de leur raisonnement les théories du droit naturel de la vertu et de la morale comme dit par Saint Thomas d’Aquin, même s’ils ont prétendu s’en être éloignés, les théoriciens du droit positif en resteront grandement influencés. Pour cela, les lois civiles qui s’institueront par leurs plumes manifesteront un conservatisme imposant les limites des libertés d’existence. L’idée derrière cette manœuvre habilement orchestrée par les philosophes de la maison de Saint-Pierre est de concevoir que :

« Dieu ayant voulu nous confier le gouvernement de l'Église, gardienne et interprète de la doctrine de Jésus-Christ, nous estimons qu'il nous appartient, en cette qualité, de rappeler les obligations que la morale catholique impose à chacun dans cet ordre de devoirs ; de cet exposé doctrinal ressortiront, par voie de conséquence, les moyens qu'il faut employer pour conjurer tant de périls redoutables et assurer le salut de tous ».

Dès lors le conservatisme nouveau dictera à nouveau comment se conduire et comment se ternir face aux choses du monde.

Mais, incapables de jouir de ses mouvements pour évoluer vers une destinée qu’il souhaite construire pour soi, les philosophes précurseurs de l’ère de la postmodernité poseront la question de la finalité de l’existence humaine. Pourquoi existe-t-on sera la question posée. Est-on destinés à vivre pour poursuivre un but déterminé selon les règles et des normes prédéterminées.

Les théories de l’existentialisme répondront que l'être humain forme l'essence de sa vie par ses propres actions. Ils s’opposeront donc à la thèse que l’essence humaine soit prédéterminée par de quelconques doctrines théologiques, philosophiques ou morales. Chaque personne est un être unique qui est maître, non seulement, de ses actes et de son destin, mais également, pour le meilleur comme pour le pire, des valeurs qu'il décide d'adopter.

Par conséquent, il n’y a donc pas lieu de considérer qu’il existe une seule connaissance, une seule culture, une seule valeur morale, une seule liberté. Les cultures sont diverses et variées comme le sont aussi les formes de liberté et donc des formes d’existence possible.

La quête de sa propre existence par ses propres valeurs, ses propres connaissances conduira ainsi à la revendication des libertés selon ce mouvement de mai 1968 un peu partout en Occident.

La leçon de mai 1968, que les démocraties modernes valideront, est que l’on ne peut pas imposer aux gens qui ils doivent être, comment ils doivent l’être et ce qu’ils doivent devenir. Il faut laisser les gens se définir eux-mêmes et s’engager dans des rapports politiques qu’ils considèrent un profit pour eux par eux-mêmes.

C'est en cela que les valeurs qui sont émises depuis la fin des années quatre-vingt commandent qu’il faut se soustraire à toute autorité politique lorsqu’elle n’est pas la volonté de ceux à qui elle est imposée.

En effet, depuis la fin des années quatre-vingt, aucun gouvernement n’a réussi durablement à s’imposer aux gens lorsqu’il n’a pas été l’émanation de leur volonté. Tout comme, même choisis librement par le peuple, les gouvernants qui restent longtemps au pouvoir vivent à un moment donné la vindicte.

Il faut comprendre qu’à toute association, à tout groupe d'hommes, il faut des chefs certes, c'est une nécessité impérieuse, à peine, pour chaque société, de se dissoudre et de manquer le but en vue duquel elle a été formée si elle n’est dotée d’un chef, d’un gouvernement. Mais, à défaut d’un chef choisi librement, aucune société humaine ne peut à partir de l’idée de la quête d’existence qui commande chaque individu, de cette même société, dans le fondement de sa volonté propre, évoluer harmonieusement.

Commander aux gens de les conduire vers une pseudo-émergence c’est poser un dogmatisme qui ne saurait résister à la volonté de chacun de ne pas aimer celui qui veut absolument s’imposer aux gens en dépit de l’aversion qu’ils ont à son égard.

La pierre ne deviendra jamais un crocodile quelle que soit la durée de sa plongée dans le marigot. Vous ne pouvez imposer aux Gens qui sont gabonais et comment est-on Gabonais. Pas plus que vous, vous seul, devez dire aux Gabonais comment ils doivent se développer. Il revient à la multitude dans somme de la volonté de chacun d’en décider.

Joël Mbiamany-N’tchoreret

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