jeudi 5 mai 2011

La construction des connaissances et des savoir-faire des enseignants débutants en situation d’accompagnement du mentorat


Je vous propose dans ce document ce qui a été le sujet et l'objet de mes recherches doctorales.



Contexte de l’étude


Depuis la deuxième moitié du 20e siècle, l’école, un peu partout en Occident, fait l’objet de nombreuses critiques (Gauthier, Desbiens, Malo, Martineau et Simard, 1997; Tardif, Lessard, et Gauthier 1998; Tardif et Lessard, 1999; Gauthier et Mellouki, 2006; Frigaard, 2008). La formation reçue par les élèves est jugée inadéquate (Duke et Hochbein, 2008). La programmation scolaire ou la qualité de l’enseignement en seraient responsables (Terral, 1998; Airini, McNaughton, Langley et Sauni, 2007). Les programmes scolaires semblent inadaptés (Schweitzer, 2008) et l’on reproche aux enseignants de manquer d’efficacité dans leurs interventions pédagogiques (Morgan et Bourke, 2008; Hamano, 2008). Pour remédier à cette situation, des réformes de l’éducation ont été entreprises dans la plupart des pays industrialisés entraînant des redéfinitions de la mission éducative de l’école (Gauthier et al. 1997; Hanson et Hall, 2005; Irons et Harris, 2006; Feldman et Kent, 2006; Airini et al. 2007; Sanchez et Salinas, 2008; Browne-Ferrigno, Allen Hurt, 2008). Les finalités de l’éducation qui en ont résulté provoquent une révision des curriculas et une mutation de l’activité de l’enseignement. On veut faire de l’enseignement une profession au lieu d’un métier (Tardif et al. 1998 ; Day, 1999 et Robards, 1990, 2008).

La conversion de l’activité de l’enseignement de métier à profession a eu pour fin le changement des méthodes d’enseignement (Freedman, 1984, 1990; Clamp, 1990 et Martineau, 1997; Tardif et al. 1998). Elle a favorisé la mise en place des principes, des connaissances et des savoirs que doivent valoriser les enseignants dans leurs interventions pédagogiques pour améliorer l’apprentissage des élèves (Hull et Saxon 2009). En vue de la dotation de ces connaissances et de ces savoirs, la professionnalisation de l’enseignement entraine des réformes de la formation à l’enseignement pour conduire les enseignants à la détention des savoir-faire efficaces (Airini et al. 2007). Malgré ces réformes, d’après Sanchou, Teil et Turrel (2004), Kalubi, et Debeurme (2004), les interventions pédagogiques de nombreux enseignants sont encore jugées inefficaces au regard des performances attendues des élèves, notamment leurs compétences de lecture, de calcul de même que leur aptitude à acquérir les comportements citoyens (Kalubi et Debeurme, 2004).

De nombreuses explications sont mises de l’avant pour expliquer l’incompétence des enseignants à intervenir efficacement auprès de leurs élèves. La plupart des études pointent du doigt la formation à l’enseignement. Elles évoquent l’inexistence d’un savoir enseignant formalisé sur lequel s’appuyer pour enseigner à enseigner (Beyer et Davis, 2008). Pourtant, depuis le début des années quatre-vingt, plusieurs recherches sur l’enseignement (Livingston et Borko 1990; Gauthier, Mellouki et Tardif, 1993; Barbier, 1996; Hitchcock, 1997; Terral, 1998; Boutin, 2000; Chautard et Huber, 2001 ; Boutet, 2003, Lenoir, 2004; Astier, 2004, Perrenoud, 2008, Vinatier et Altet, 2008) identifient de façon consensuelle les connaissances et les savoirs que nombre d’enseignants efficaces mettent en œuvre dans leurs interventions pédagogiques. Le défaut de conduire au développement des compétences professionnelles en enseignement ne peut donc résider dans l’inexistence des savoirs enseignants à faire acquérir. Vella, (1994), Angello, (2002b); Harrison, Dymoke, Pell (2006); Algozzine, Gretes, Queen, Cowan-Hathcock, (2007) confirment que la formation initiale donnée dans les facultés des sciences de l’éducation entraîne l’acquisition des connaissances et des savoirs enseignants. Néanmoins, d’après Williams (2003), lorsque les enseignants entrent dans la profession, ils ne parviennent pas à utiliser ces connaissances et ces savoirs efficacement. Pour Angello, (2002a) et Worthy (2005) la formation à l’enseignement, bien qu’elle confère les connaissances de l’enseignement, n’entraîne pas leur transfert effectif dans la pratique. Pour remédier à cette situation, le ministère de l’éducation de l’Ontario (MEO, 2006) a institué un programme d’insertion professionnelle pour amener les enseignants débutants à apprendre l’enseignement tout en l’exerçant. Beloff Farrell (2003), Barnett et Graziano (2005) Flores et Day (2005) de même que Worthy (2005) montrent que chez plusieurs enseignants débutants, cet apprentissage ne se fait pas.

Aussi, l’objectif poursuivi dans mes recherches est triple. D’abord, dans une démarche rétrospective, comprendre comment la formation des enseignants défavorise le développement des habiletés d’utilisation efficace des connaissances et des savoirs de l’enseignement. Puis, dans une démarche prospective, examiner les voies d’exploration à partir desquelles entraîner les enseignants débutants, dans le cadre de leur insertion professionnelle, à traduire leurs connaissances et savoirs de l’enseignement en compétences professionnelles. Ensuite, examiner dans un cadre de l'accompagnement par le mentorat, comment conduire les enseignants à construire leur savoir-faire professionnel.

Le problème de recherche

L’insertion professionnelle en enseignement est une étape d’apprentissage conduisant l’enseignant débutant à apprendre à utiliser les connaissances et les savoirs acquis en formation initiale. Les études réalisées (Vella, 1994; Angello, 2002b; Williams, 2003; Harrison, Dymoke, Pell 2006; Algozzine et al. 2007) sur les difficultés qu’ont les enseignants débutants à construire leurs savoir-faire montrent que cet apprentissage ne peut reposer sur la transmission des savoirs d’action des enseignants chevronnés et qu’il faut plutôt amener les enseignants débutants à construire leurs savoir-faire à partir des réflexions faites sur leurs actions (Feiman-Nemser 2001). Compte tenu du manque de savoir réfléchir sur leurs gestes d’enseignement des enseignants débutants, Maynard et Furlong (1993); Maynard et Furlong (1997), Kuit et al. (2001), Worthy (2005) ainsi que Harrison et al. (2006) considèrent qu’apprendre à devenir un enseignant réflexif repose sur l’accompagnement réflexif offert par des enseignants expérimentés. Bien que ces études s’intéressent aussi bien au mentor qu’au mentoré, l’accent est mis sur la démarche du mentor à initier le mentoré au mode de pensée réflexif. Ainsi, ces études décrivent-elles les fonctions du mentor ou les caractéristiques que ce dernier doit avoir pour être un bon accompagnateur réflexif. Ces études traduisent de quelle manière l’expérience réflexive des mentors affecte le développement réflexif des savoir-faire de l’enseignant débutant. Au moment où l’insertion professionnelle par l’accompagnement réflexif est préconisée par le MEO (2006) et les pays de l’OCDE (2007) à titre de cadre d’apprentissage des savoir-faire, il importe de mieux comprendre la façon dont les enseignants débutants développent leurs savoir-faire. La présente étude vise donc à examiner l’effet de l’accompagnement réflexif des mentors sur l’apprentissage des savoir-faire des mentorés.

Visée, question et pertinence de la recherche

La recherche a visé la compréhension des modalités d’apprentissage des savoir-faire par le mentorat réflexif, plus précisément à saisir comment l’accompagnement réflexif offert par des mentors conduit les enseignants débutants à apprendre sur leur pratique professionnelle. La question qui guide l’étude est la suivante :
Comment les enseignants débutants construisent-il les savoir-faire de leur profession dans le cadre de l’accompagnement réflexif par le mentorat ?

Afin de répondre à cette question, trois sous-questions de recherche sont formulées :
a) Identifier les processus d’apprentissage par l’accompagnement tels qu’ils sont vécus par des enseignants débutants et par leurs mentors;
b) décrire comment ces processus induisent les pratiques réflexives des enseignants débutants;
c) démontrer comment ces pratiques réflexives conduisent les enseignants débutants à apprendre les savoir-faire de leur profession.

La question de recherche telle que formulée ci-haut n’avait pas encore été examinée. Notre recherche avait ainsi l'ambition d’enrichir les connaissances sur l’accompagnement par le mentorat, de contribuer à l’avancement des connaissances sur la construction des savoirs enseignants et de proposer des moyens d’action pour améliorer le programme d’insertion professionnelle des enseignants débutants par le mentorat. Les recommandations qui en ont découlées de l’analyse des résultats ont permis aux conseils scolaires d’établir des programmes de mentorat plus structurés, répondant mieux aux besoins spécifiques d’accompagnement des nouveaux enseignants dans le développement de leur savoir-faire. Prochainement, je partagerai avec vous la problématique de même cadre le théorique de la recherche.

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