lundi 29 avril 2013

Gabon Entre le-coup-d’État-électoral-perpétuel et le néant d’une opposition politique nationale.


Réponse  au texte:  «Gabon-Entre la rue et coup d’État».

En quoi la critique que vous faites peut-elle être de quelque utilité si l’on tient compte du fait que depuis trois ans plusieurs critiques ont tenu à peu près le même discours et que presque tous ces discours sont arrivés au même constat du maraudage des institutions de la République et l’incurie de ceux qui détiennent le pouvoir illégitimement?

C’est précisément l’aspect répétitif de ce discours de dénonciation qui m’invite à la présente démarche pour donner réponse à votre propos. Je ne viens pas dire ce qui s’est passé et ce qui se produit depuis. Tout au plus préciser pourquoi ce qui s’est produit se perpétuera si rien de notable n’est fait de la part de ceux qui contestent les gouvernants actuels.

Le fait de polariser l’attention sur Ali Bongo Ondimba, de parler de l’usurpation du pouvoir; le fait de proposer des mesures de redressement de la situation qui dépendraient entièrement de la volonté de celui qui a usurpé le pouvoir est une attitude qui participe à la conservation du pouvoir par l’usurpateur et le système PDG. De plus, la polarisation faite sur Ali Bongo et compagnie de même que vos propositions empêchent toute prise de conscience sérieuse sur la situation et la conception des moyens pour en sortir.

Vous dites que la situation de crise multiforme qui prévaut au Gabon a sa provenance dans ce que vous qualifiez de péché originel : «le coup d’État du 3 septembre 2009 et les tueries qu’il a occasionnées à Port-Gentil par des militaires, envoyés mater dans le sang, la contestation des résultats par les port-gentillais en courroux… la dissolution de l’union nationale… le boycottage massif des élections législatives de 2011». On suppose, d’après votre propos, qu’avant septembre 2009 la situation sociopolitique qui primait au Gabon était harmonieuse.

Il n’en est rien.

La crise sociopolitique que nous connaissons au Gabon date de plus de vingt ans. La dégradation progressive et continuelle des conditions de vie des populations depuis le milieu des années quatre-vingt a tout simplement atteint aujourd’hui un nouvel apogée. Cette situation, qui n’est pas du seul fait de la saisie illégitime du pouvoir, est la conséquence du décalage entre l’inorganisation et le dysfonctionnement politique du pays au cours des trente dernières années et les attentes politiques et économiques des populations gabonaises.

Au milieu des années quatre-vingt, les carences de l’État à satisfaire les besoins de la population, notamment la création d’emplois durables après la fermeture de la Compagnie de construction du chemin de fer gabonais (Eurotrag), la fin de l’exploitation du principal puits de pétrole du site de Rabi-Kounga et le non renouvellement du financement du filet social ont entraîné une situation de crise dont le paroxysme est la crise sociale et économique que nous connaissons.

Indubitablement, on se souviendra du manifeste du MORENA, des manifestations politiques de la gare routière, des nombreuses grèves des enseignantes et des enseignants du primaire et du secondaire de même que celles des étudiants de l’Université Omar Bongo. Ces grèves et les interpellations du pouvoir au regard de la situation de crise qui prévalait ont favorisé une multiplication de crises sectorielles dès la fin des années quatre-vingts.

À cette époque-là, le Fonds Monétaire international (FMI), sollicité pour redresser la situation économique avait décrit une situation socio-économique qui ne pouvait revenir à la normale que par une cure de redressement sévère dans la gestion du pays. Cette cure n’a jamais eu lieu. On a plutôt eu droit à la tenue de la Conférence nationale. Oui, elle avait les ambitions de mettre en place des institutions politiques nouvelles. Pourtant, après la Conférence nationale, le pays a continué à être géré avec les mêmes manquements économiques et les mêmes travers.

Cette continuité de la gestion calamiteuse du pays s’explique par le fait d’une absence de femmes et d’homme résolument préoccupés par la bonne gestion du pays et décidés à s’opposer fermement au modèle politique et économique qui s’était institué avec l’instauration du parti unique, entre autres, la patrimonialisation de l’État et sa gestion pour des fins politiques privées en vue de satisfaire les lubies de quelques individus. Ceux qui ont contesté le pouvoir d’Omar Bongo ont tous adopté des comportements politiques pour arriver aux affaires et faire comme ceux qu’ils dénonçaient.

Assurément, en l’absence de femmes et d’hommes de conviction politique profonde, Omar Bongo Ondimba avait jeté sur la place publique l’idée de la Conférence nationale. Il en a usé comme moyen pour détourner les Gabonais de la prise de conscience de la situation socio-économique existait. En vautours, les politiques de l’époque sont tous tombés dans l’arène et ont jeté leur dévolu sur les gains matériels qu’ils pouvaient accumuler pour eux-mêmes et leur famille.

De fait, la Conférence nationale qui devait conduire le pays sur une gestion politique et économique plus saine a conduit à favoriser une kermesse de partis politiques régionaux, de famille et de clans politiques tous décidés à s’enrichir. La réorganisation et ce fonctionnement nouveau de l’État qui devaient naitre du multipartisme a ainsi viré à cette espèce de démocratie de convenance constituée par des partis politiques kleptocrates.

Ainsi, bien que l’on assiste à la tenue des élections multipartistes, les résultats ont toujours été consacrés à travers des coups d’État électoraux consacrant l’inefficacité des opposants à faire barrage à l’incurie politique des tenants du pouvoir. En fait, les opposants n’ont jamais compris que les élections pluralistes et les kermesses qui les accompagnent ne servent qu’à justifier l’existence d’un régime politique démocratique. Ils n’ont pas compris que les élections n’ont de valeurs que lorsqu’ils existent des institutions pour garantir la libre expression politique et la crédibilité du scrutin proclamé. De cela, le Gabon vit depuis septembre 1993 une situation de coup d’État électoral permanent. C’est, cela, le péché originel.

En somme, cher frère, en mentionnant la crispation émanant de la dissolution de l’Union Nationale, les soubresauts du boycottage massif des élections législatives de 2011, les conflits sociaux multiples et récurrents et le comportement belliqueux de M. Ali Bongo qui cherche à régler ses comptes à ceux qui riaient de lui du vivant de son père, vous ne faites qu’évoquer des symptômes d’une situation qui prévalaient avant 2009. Si cette situation a continué après le décès du président Bongo cela n’est pas seulement attribuable à Ali Bongo. On y trouve aussi comme facteur justificatif la faiblesse du moins l’existence d’une opposition politique nationale réellement authentique.

La crise sociopolitique peut produire des manifestations violentes qui sont susceptibles conduire à défaire le régime politique actuel. Mais la population peut tout aussi souffrir en sourdine, lorsqu’elle ne trouve pas les voix et les moyens pour exprimer le dépit de sa condition et notamment, lorsqu’elle voit des divisions sociologiques qui favorisent la désunion et la dispersion des énergies essentielles à manifester le ras-le-bol éprouvé. Depuis l’ouverture du pluralisme politique dans notre pays, chaque leader, créateurs d’un parti politique s’est vu s’octroyer un destin de meneur de femmes et d’hommes non pas pour l’intérêt du pays, mais pour soi. À quand l’Union de l’opposition? C’est sur ça qu’il faut méditer et non sur ce que fait ou ne fait pas Ali Bongo Ondimba.

JMN

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