lundi 25 avril 2011

Peut-on vraiment tirer profit des leçons d’histoire pour savoir comment se conduire en politique de nos jours au Gabon?


Un certain adage dit que «Le fait que les hommes tirent peu de profit des leçons d'histoire est la leçon la plus importante que l'histoire enseigne». En d’autres mots, l’histoire enseigne que ce qui est regrettable chez l’être humain est son incapacité à tirer profit des leçons du passé pour adopter la conduite politique appropriée. Mais qu’entend-on par leçon d’histoire?

De façon simpliste, on pourrait dire que la leçon d’histoire est l’enseignement sur un événement antérieur qu’on est tenu d’intégrer afin d’adopter la conduite qui sied à une circonstance donnée. On peut dès lors se demander s’il est possible pour un individu d’agir en fonction d’un événement d’histoire donné. Nous répondons par la négative.

Dans nos recherches doctorales sur la construction des connaissances chez les humains, nous avons découvert que les adultes apprennent de façon différente que les enfants. Les enfants apprennent à partir des découvertes qu’ils réalisent sur les faits ou sur les connaissances ou des faits qui leur sont présentés, alors que les adultes, dans leurs recherches d’accomplissement socioprofessionnelle, apprennent à partir des pratiques réflexives sur leurs propres expériences ou celles d’autres personnes de leur entourage. Au regard de ce mode d’apprentissage, certains auteurs ont conclu que le genre humain apprend en tirant profit des leçons d'histoire. Il en n'est rien.

Notons d’abord qu’il y a une confusion entre expérience et histoire. L’expérience est une connaissance acquise dans la pratique d’un métier, d’une profession ou d’une situation particulière. L’histoire en revanche peut être considérée telle des événements originaux survenus dans un temps donné. Rappelons aussi que l’événement est la résultante de la conjugaison de plus d’une variable : faisant intervenir plus d’un individu agissant selon des circonstances particulières dans un contexte bien déterminé selon un temps T également bien défini. Il est difficile pour un individu de tirer profit d’une histoire ou d’un événement faisant intervenir autant de variables. Il ne saurait être en mesurer de les contrôler en totalité.

Il est vrai que l’individu tire profit de son expérience ou celle d’une autre personne. Selon la définition que nous faisons de l’expérience, il ne s’agit pas d’un profit de leçon d’histoire (selon un événement V dans un temps T, d’après une situation S et selon un contexte C). De même que l'homme tire des leçons de ses expériences passées, le genre humain prend conscience de comment il doit agir en tirant enseignement de sa propre histoire. Et cette histoire est en fait son expérience de vie et non d’histoire en général.

En effet, il n'y a pas de lois scientifiques sur des histoires des gens comme il y a des lois de la nature. Chaque individu est consubstantiel, chaque période est unique, et chaque histoire est singulière car bâtie sur un vécu et un environnement singuliers. Voilà qui rend doublement impossible le fait que l'on puisse prétendre tirer leçon d'histoire du passé d’autrui. Elle n'est que la connaissance du passé d’un individu selon des variables que l’on ne maîtrise pas.

Mais alors à quoi sert l’étude de l’histoire?

Un individu peut sur la base de l’étude de l’histoire tirer leçon de l'histoire, par une lecture attentive de ses mécanismes et de ses enseignements. À l'appui de cette réponse, on cite souvent les exemples de personnages historiques qui ont su, dit-on, utiliser les fruits de cet enseignement. «Le prince Laurent de Médicis, régnant sur Florence, en Italie, sut profiter de la clairvoyante analyse que fit Machiavel des mécanismes politiques, dans son ouvrage Le Prince». Napoléon Bonaparte réussit ses conquêtes en partie liée à la lecture attentive qu'il fit des exploits d'Alexandre le Grand et à la manière dont il sut tirer des leçons. Pourtant, ces exemples ne sont pas de nature à infirmer notre thèse.

Selon Hegel, les grands esprits sont ceux qui, à chaque fois, ont trouvé la solution appropriée à un problème donné, la solution originale à une difficulté nouvelle en usant de leur inventivité. Il faut par conséquent conclure que dans « le tumulte des événements» une maxime générale est, non seulement une illusion, mais même un obstacle. «Elle propose, en effet, aux femmes et aux hommes politiques qui doivent affronter une crise, des solutions nécessairement inadaptées à la nouveauté de la situation présente». Cette maxime paralyse, au contraire, l'action du Génie en l'empêchant d'inventer des solutions nouvelles et appropriées (selon un événement V dans un temps T, d’après une situation S et par rapport à un contexte C).

En vérité, la vie est une fenêtre d’opportunités. Lorsqu’elle est entrouverte, il faut passer à travers et non espérer que la porte s’ouvre. Supposons qu’elle ne s’ouvre jamais ou qu’elle s’ouvre dans le champ. On ne pourra que se retrouver dans le champ. Mais pour savoir identifier les opportunités opportunes, il faut savoir faire preuve d’une certaine perspicacité de la lecture de la réalité (selon un événement V dans un temps T, d’après une situation S et selon un contexte C). Pour cela, il faudra savoir user de cette capacité d’analyse qui ne nous laisse pas nous figer dans des postulats de romantisme politique et faire dans la politique politicienne.

Les seuls enseignements que nous pouvons apprendre de l’histoire politique du Gabon, au regard de ce que fit Père Mba et ce que fait maintenant Pierre Mamboundou est qu’il ne faut pas suivre un individu mais s’instituer les événements politiques du temps, pour se situer dans un parcours qui nous inscrit dans la poursuite des valeurs politiques, un idéal politique. Si devant nous, se trouve une personne qui incarne cet idéal et qu’il faille le suivre pour l’atteindre tant mieux. Sinon, si la personne devant nous se fourvoie, nous l’esquivons et continuons notre parcours vers cet idéal. Ainsi, nous évitons de nous inscrire dans le suivisme aveugle et aveuglant. Telle doit être la leçon d’histoire que nous devons intégrer pour savoir comment se conduire en politique de nos jours au Gabon.

Joël Mbiamany-N’tchoreret

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