mercredi 2 février 2011

L’émergence des fleurs du mal

En août dans ce pays de l’équateur, les colibris, par l’orchestre du chant et du mouvement de leur anatomie dans l’espace, peignent les jardins de beauté et de mélodies effervescentes. Le bonheur, à nul pareil, fait émouvoir le profane de l’ornithologie. Les rosées annonciatrices de la fin de la grande saison sèche ont laissé éclore la floraison d’espèces végétales remplies de nectar.

Par dizaines, ces oiseaux-mouches volètent, comme les premiers flocons de neige, de fleur en fleur, plongeant leur bec dans les corolles, attrapant insectes et suçant le nectar. Leurs battements des ailes, si rapides font faire du surplace à ces champions de la cadence de la chorégraphie du vent.

Puis, les faisant déplacer brusquement vers une autre fleur en quelques dixièmes de seconde, les mouvements de ces acrobates du souffle montrent l’état d’euphorie que favorisent les fleurs du bien. On croirait voir la nature exposer les peintures du paradis tel que nous pouvons imaginer le lieu de la plénitude du bonheur.

Quel reflet la nature nous offrirait si tenté que la floraison de ce jardin contenait un élixir venimeux. Nous ne pourrions que souffrir de regarder un paysage hideux.

L’annonce de la grande saison s’était accompagnée de la vacance du pouvoir à la tête de l’État. L’activité politique qui s’était amorcée pour combler le vide politique avait laissé poindre des promesses d’un renouveau, une floraison qui devait faire couler un nectar nouveau après plus de quarante grandes saisons d’une floraison insipide.

Il y avait effectivement eu floraison abondante cet été 2009. Près d’une vingtaine d’espèces de plantes avait pris place dans notre jardin politique. Mais elles n’avaient pas tenue les promesses de la floraison du climat d’un printemps politique harmonieux. Les rosées sensées caresser l’éclosion des fleurs avaient laIssé tomber des pluies acides. Le décret du tribunal constitutionnel n’avait fait émerger qu’une fleur. Celle d’une plante que les botanistes nomment envahissante.

Plante d’origine allochtone ayant la capacité de coloniser rapidement une zone en éliminant les plantes autochtones, elle ne laisse aucune chance à la cohabitation. S’installant souvent sur des terrains perturbés, elle est indicatrice de l’état de cette perturbation. Sa prolifération provoque, comme l'ambroisie à feuilles d'armoise, des inquiétudes nuisant directement l'homme qui s’empare du nectar de ses fleurs.

Les botanistes n’épargnent aucun effort pour la désherber en vue préserver les plantes autochtones. Mais elle sait se défendre avec malice. Quoiqu’elle soit destructrice, elle a la capacité, et c’est là le plus de ses qualités fourbes, de laisser exister que les plantes dont les fleurs lui servent de camouflage pour se protéger de ses ennemis. Elle prend, pour ses bases besognes, l’apparence de plantes médicamenteuses dont elle colonise le territoire.

Lorsqu’un botaniste expérimenté la détecte et veuille la désherber, les citoyens qui croient protéger les plantes des remèdes de leur maux, crient au danger. Chacun, croyant y préserver la chose de son bien de subsistance, n’hésite pas à porter le casque et se mettre en rang matraque à la main. Il y a dans les cris qui se font entendre, outrage au peuple, la paix menacée, péril en la demeure annoncé.

Il devient alors de noble cause que d’aller à la télévision dénoncer l’ignominie. Les blasphèmes envahissent les ondes. Les courtisans crispent leurs poings, pointent du doigt, prenant le peuple à témoin, l’oraison funèbre du brave botaniste est demandé.

Il faut tuer dans l’œuf ce qui veut bouleverser l’existence dite légitime de la plante dévoreuse. Le peuple éprit de paix et inculte, rend justes les dénonciations injustes. Le jardin est comme embué de la suprême flétrissure. Quel retournement de situation. Le bourreau posé en victime. L’ironie est.

Si au moins, il pouvait y avoir dialogue dans ce village botanique. Les défenseurs de la plante envahissante ne peuvent donner voix à la discussion. Ils pratiquent l’intolérance pour faire disparaître l’adversaire.

Pourtant celui dont-ils se réclament de l’idéologie: l’unité nationale, avait énoncé ce qui aurait pu être leur crédo : Dialogue, Tolérance, Paix. Il faut croire qu’ils l’ont jeté aux orties. Ayant érigé l’orgueil en vertu de la raison, le dialogue n’est plus.

De l’absence de ce dialogue, le botaniste qui avise que l’orgueil risque de conduire à de fâcheux instants, est comparé à tous les espèces d’oiseaux. La tolérance, vertu cardinal du parti ayan fait place à l’intolérance, ne pu tolérer conseil de sagesse. La fleur du mal a éjecté son nectar.

Dans l’enivrement collectif, la raison s’est échappée de l’asile psychiatrique. Un comité constitué d’imbéciles heureux se met en branle pour émettre jugement sur le caractère inorthodoxe du conseil appelant à l’apaisement. Comme sous l’inquisition, le bucher alimenté par des déclarations des courtisans de tous les acabits étincelants édictent la nécessaire condamnation au supplice du collier.

Pourtant, le bruit que nous entendons des jugements émis n’est pourtant pas celui des eaux du ruisseau qui annonce le rafraichissement des plantes équatoriales dans le dessert de la misère. Ce sont les pas des soldats en marche pour faire taire les lamentations des dénonciations des affres du désert. Le peuple ne devra que continuer à souffrir. Après tout, il y a des priorités plus importantes que d’autres, lorsqu’on veut conserver le pouvoir à tout prix.

Ah Gabon! N’as-tu pas mis bas tout un nœud de vipères pour mettre fin à mes peines, plutôt que de nourrir cette dérision!

Maudite soit la nuit aux plaisirs éphémères et de l’ignorance de cette élite politique qui n’a pas encore compris que le bonheur c’est quand on travaille pour le bien du peuple et que lorsque notre nom est associé à son élévation et non à sa soumission, l’histoire nous garde dans la postérité.

Puisque tu as choisi cet amalgame d’incompétents pour être le dégoût de ma triste condition et que je ne puis rejeter dans les flammes ce monstre rabougri, consoles-moi en me disant que ce n’est qu’un mauvais rêve, que même longue, la nuit finie par céder le pas au jour et comme avec le printemps, l’éclosion des bourgeons annonceront l’éveil d’un temps politique nouveau.

Je sais, il faudra au préalable éduquer le peuple, lui faire comprendre que ce qui est dit dans les ondes n’est pas toujours vérité ; qu’il est bon, pour certains, de défendre le mensonge, de mépriser la vérité et de faire les louanges du mal pour la seule cause de leur plaisir éphémère.

Joël Mbiamany-N’tchoreret

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