lundi 7 février 2011

POURQUOI REVENDIQUER LA VICTOIRE ?

Dès l’annonce du décès du Président Omar BONGO ONDIMBA le 8 juin 2009, le Ministre de la Défense nationale Ali BONGO ONDIMBA prend la décision unilatérale et sans en référer au Premier Ministre Chef du Gouvernement, de fermer les frontières du pays. Quand on sait que cette prérogative incombe au Ministre de l’Intérieur, nous pouvons affirmer sans risque de nous tromper qu’Ali BONGO ONDIMBA venait de poser là un acte qui matérialisait sa volonté de mettre en veilleuse les institutions du pays. Le passage en force tant redouté par les Gabonais se précisait. Certains parleront même d’un ballon d’essai.

Dans l’optique de l’élection présidentielle anticipée, le Parti Démocratique Gabonais (PDG) a organisé des primaires en vue de la désignation en son sein du meilleur candidat possible. Parmi les neuf candidats en lice, trois sortent du lot. Il s’agit de Casimir OYE MBA, ancien premier Ministre, Jean EYEGHE NDONG, Premier Ministre en exercice et Ali BONGO ONDIMBA, Ministre de la Défense nationale.

A l’issue du scrutin qui s’est déroulé conformément aux règles établies par le parti au pouvoir, Ali BONGO ONDIMBA est battu, n’arrivant qu’en troisième position derrière, respectivement, Casimir OYE MBA et Jean EYEGHE NDONG. Pris de panique devant la cruelle réalité qui s’imposait à eux, les dirigeants du PDG, faiseurs de rois devenus, imposèrent Ali BONGO ONDIMBA, fils d’Omar BONGO ONDIMBA, fils du « Patron » comme candidat du PDG à l’élection présidentielle anticipée. La monarchisation de la République était en marche.

Au terme d’une campagne électorale dense et d’un scrutin jugé somme toute normal, les résultats proclamés par le Ministre de l’Intérieur donnent Ali BONGO ONDIMBA vainqueur avec un peu plus de 40% des voix. Sans attendre, l’Opposition conteste ces résultats et décide de saisir la Cour Constitutionnelle. Il faut souligner que, avant la proclamation définitive des résultats et alors que le contentieux électoral n’était pas vidé, Ali BONGO ONDIMBA crée la surprise en se présentant tant à l’intérieur qu’ à l’extérieur du pays comme le Président de la République gabonaise. On en veut pour preuve, son voyage à Port-Gentil où l’armée quelques jours plutôt avait massacré des civils qui manifestaient contre les résultats publiés par le Ministre de l’Intérieur. A cette occasion, le fils du « Patron » a pris la parole après le Président de la République par intérim, Madame Rose Francine ROGOMBE.

Quelques jours plus tard, c’est à bord de l’avion présidentiel qu’il se rend au Cameroun pour une visite privée. Certains observateurs n’ont pas hésité à affirmer alors que les recours introduits par l’Opposition n’avaient aucune chance d’aboutir car l’idée qu’Ali BONGO ONDIMBA s’imposerait par la violence se confirmait.

Que dire alors des résultats rendus publics par Jean François NDONGOU, Ministre de l’Intérieur ? On se demande toujours de qui il les tenait étant donné que les textes qui régissent le fonctionnement de la Commission Electorale Nationale Autonome et Permanente (CENAP) prévoient que ce n’est qu’à l’issue de son assemblée plénière qu’elle transmet au Ministre de l’Intérieur les résultats du scrutin afin que celui-ci les rende publics. Or, tout le monde sait aujourd’hui ce qui a été incontestablement établi par un huissier : la CENAP n’a pas achevé ses travaux de vérification et de décompte des procès verbaux au moment où le Ministre annonçait ces résultats.

D’où viennent-ils donc? Sachant qu’ils ne sont pas issus de la synthèse des travaux de la CENAP, seule habilitée à prendre les décisions en période électorale, donc à transmettre au Ministre de l’Intérieur les résultats annoncé, ils ne peuvent provenir que d’une source non autorisée ou inconnue ; en tout cas illégale.

De plus, une lecture rapide des chiffres annoncés par le Ministre de l’Intérieur fait ressortir certaines curiosités. Dans la province du Haut-Ogooué, le candidat du PDG a obtenu 100% des voix sur quatre-vingts bureaux de vote et plus de quatre-vingts pour cent dans vingt autres bureaux de vote. Si cette province a vu naître feu le président BONGO ONDIMBA, nous devons y signaler la présence significative de l’Opposition à travers l’Union Gabonaise pour la Démocratie et le Développement (UGDD). Les élections locales traduisant la réalité du terrain, il n’est pas inutile de souligner que l’UGDD contrôle la ville de Mounana avec 20 conseillers municipaux sur 29. De même, elle compte des élus locaux dans les villes de Moanda, Bakoumba, Franceville, Lékoni.

Bien malin qui pourrait tenter d’expliquer les 100% obtenus par le candidat PDG dans la province du Haut Ogooué !

L’analyse des procès verbaux de la province du Haut Ogooué révèle des choses assez étranges. En effet, comme l’a constaté l’huissier de justice commis par le candidat André MBA OBAME, dans certains centres de vote, on pouvait observer un nombre de votants supérieur au nombre d’inscrits. Dans d’autres, on remarquait sur la liste d’émargement la même signature pour tous les électeurs. On a relevé par ailleurs la même calligraphie sur des procès verbaux provenant de localités différentes.

Alors que les Gabonaises et les Gabonais dénonçaient déjà cette dictature émergente, certains Etats au nom de leurs intérêts s’empressaient de reconnaître celui qui n’avait pas encore définitivement été déclaré élu. Alain JOYANDET, Secrétaire d’Etat français à la Coopération affirmait que la France ne se prononcerait qu’à, l’issue du contentieux électoral, quand deux jours plus tard, le contentieux électoral n’étant pas encore vidé, le Président Nicolas SARKOZY reconnaissait la victoire d’Ali BONGO ONDIMBA.

Dès la proclamation des résultats définitifs, André MBA OBAME n’a cessé de les contester. Il a toujours réclamé un recomptage des voix à travers la confrontation des procès-verbaux, en présence de chaque candidat, de son représentant ou de son conseil. Cette proposition fut acceptée au départ par la cour constitutionnelle qui s’est par la suite rétractée en décidant de procéder à huis clos au dit recomptage. Le résultat de ce recomptage a donné un classement différent de celui annoncé par le ministre de l’intérieur.

Depuis les accords issus de la concertation de la classe politique, encore appelés « Accords d’Arambo », il est fait obligation à la CENAP de remettre à chaque représentant de candidat une copie du procès-verbal sanctionnant le déroulement du scrutin. Ainsi, en demandant à la Cour constitutionnelle de confronter les procès-verbaux, le candidat André MBA OBAME voulait de la façon la plus claire et la plus logique avoir une photographie du vote bureau par bureau. La Cour constitutionnelle, en refusant de confronter les procès-verbaux et en acceptant de publier les résultats du ministre de l’intérieur venus d’on ne sait où, conforte non seulement le candidat André MBA OBAME dans l’idée qu’il y avait une volonté d’occulter le véritable résultat sorti des urnes mais aussi affirmait le HOLD UP électoral finement orchestré.

Un autre fait avéré compromettant la sincérité des résultats annoncés de ce scrutin est le fait que la Cour constitutionnelle, d’une part est présidée par la même personne depuis 1991, Marie Madeleine MBORANTSUO, qui est la mère de deux demi-frères d’ALI BONGO ONDIMBA d’autre part. Par ailleurs, il n’est pas vain de rappeler que la Cour constitutionnelle est logée dans un immeuble privé propriété de Madame MBORANTSUO pour plus de trois cents millions de francs CFA par an au moins (environ plus de 450.000 euros.), faisant ainsi tomber celle-ci sous le coup d’un conflit d’intérêt. Et que dire du règlement intérieur de cette Cour constitutionnelle qui interdit à tout plaignant de récuser l’un de ses conseillers contrairement aux garanties universellement reconnues en matière de procédure.

Pourquoi MBA OBAME s’autoproclame t-il plus d’un an après ?

Il convient de rappeler que depuis le coup d’Etat électoral du 3 septembre 2009, Mr. André MBA OBAME, comme d’ailleurs l’ensemble des personnalités et des partis de l’opposition, n’ont jamais reconnu le pouvoir illégitime d’ALI BONGO ONDIMBA. Ils l’ont affirmé publiquement, en argumentant méthodiquement sur la justification de ce rejet. Ils ont saisi pour cela les institutions internationales, les ambassades, les Etats étrangers. Il s’agit donc là d’une démarche constante.

Pourquoi aujourd’hui ? Nous répondons : mieux vaut tard que jamais. Lorsqu’un voleur s’empare d’un objet, même si on ne le prend pas en flagrant délit, cela n’interdit pas de l’appréhender lorsque l’occasion se présente. Ne récupère-t-on pas l’objet volé lorsqu’on le retrouve ?

Par ailleurs, en matière de droit électoral, il n’y pas prescription. Par conséquent, il n’est pas interdit, lorsqu’un élément nouveau intervient, de rouvrir les débats à ce sujet, surtout lorsqu’il apparaît que les résultats annoncés souffrent d’un discrédit avéré.

Quant à la valeur des décisions de la Cour constitutionnelle, il faut indiquer qu’elle ne doit pas être à géométrie variable.
En effet, lors de l’exclusion par le PDG de ses députés ayant contesté les modalités de sélection de leur candidat à l’élection présidentielle ou s’étant présenté comme candidat indépendant à cette élection contre le candidat choisi par leur formation politique, la Cour constitutionnelle avait rendu une décision qui fixait la date de l’élection partielle.
Plus tard, le Gouvernement illégitime a saisi la Cour pour obtenir qu’il soit déclaré une force majeure qui permettait de différer de près de six mois la date d’organisation de ladite élection. A-t-on inféré le fait que la Cour se prononce en premier et en dernier ressort ?

Ensuite, L’invocation de la valeur juridique des décisions de la Cour ne doit pas être un prétexte pour couvrir des manœuvres de captation du pouvoir de la part d’individus ou de groupes déterminés qui instrumentalisent les institutions pour s’assurer le pouvoir politique. Tel est le cas d’Ali BONGO ONDIMBA qui a toujours affirmé être prêt à tout pour y parvenir quitte à assumer un bain de sang.

C’est aussi aujourd’hui parce que l’on a pris la mesure que cette volonté de s’emparer du pouvoir se double d’un ardent désir de le conserver à tout prix. Cela a commencé à se manifester dès la prise du pouvoir. L’administration a été nettoyée des cadres supposés être proches de l’Opposition, cette volonté de nettoyage s’est accentuée et se poursuit. Elle vise maintenant ceux qui, par tactique ou par intérêt, ont facilité sa prise de pouvoir. Ils sont remplacés par des hommes dont la principale qualité est la servilité et l’allégeance au chef de l’Etat. Opportunément un texte a été pris qui donne des soldes fonctionnelles aux membres des cabinets ministériels.

Ensuite, il y a l’instrumentalisation des élections en les vidant de leur contenu. Les listes électorales sont le premier élément de cette stratégie. Celles-ci sont modifiées dès que besoin se fait sentir hors les périodes légales de révision. Voyez : avec une population nationale de près de 1.200.000 habitants, il y a plus de 800.000 inscrits sur les listes électorales. Un comble dans un pays où plus de la moitié de la population a moins de dix-huit ans !

L’acceptation récente et opportune de la biométrie par les partis de la majorité présidentielle ne doit pas faire illusion : la dissolution de l’Union nationale explique sans doute ce revirement, car, à l’instar du ministre de l’Intérieur, ils y ont toujours été hostiles, usant d’arguments spécieux.

La modification récente de la Constitution gabonaise est aussi une grande étape de la captation du pouvoir. Renforçant considérablement les pouvoirs du président qui sont déjà immenses, elle lui donne désormais le droit de convoquer à sa guise le corps électoral, de différer indéfiniment l’organisation des élections, de recourir librement à des pouvoirs exceptionnels sans le moindre contrôle …

Cette inclination à s’assurer le pouvoir institutionnel se double d’une propension à recourir à la force chaque fois qu’une source de mécontentement naît dans le pays. Qu’on en juge : depuis la prestation de serment et la nomination par André MBA OBAME d’un Premier ministre et d’un gouvernement : dissolution immédiate de l’Union Nationale, radiation des agents publics, arrestations et détentions arbitraires, utilisation des troupes d’élite contre de paisibles citoyens…

Enfin, en toute responsabilité, il a fallu tout ce temps pour consulter et faire le tour de cette affaire. Pour rassurer, écouter et comprendre les différentes articulations qui la constituent. Le fruit est mûr. Il y a des fruits qui sont mûrs même quand, en apparence, ils sont encore verts.
C’est le moment de le cueillir !

Pour tout cela, c’est maintenant que ce pouvoir illégitime doit cesser d’exister.


LE PREMIER MINISTRE, CHEF DU GOUVERNEMENT

RAPHAËL BANDEGA-LENDOYE

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